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Arbres urbains : un capital à protéger et à valoriser

Les arbres disposent d'atouts multiples pour rendre la ville du XXIe siècle accueillante pour les citadins et la biodiversité. Mais il doivent disposer de toutes les conditions requises pour exprimer leurs potentialités.

Les arbres offrent de multiples services. Leur effet sur les îlots de chaleur en est un exemple. Reste que ces atouts, validés ou non scientifiquement, ne suffisent pas à les préserver des dangers qu'ils encourent : pression foncière, contraintes d'aménagement... Mieux protéger ces acteurs primordiaux de la cité du futur passe par des conditions de plantation optimales et la reconnaissance de leur valeur écosystémique et patrimoniale.

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«Les arbres, indissociables du tissu vivant qui les entoure, contribuent à des degrés divers à tous les services écosystémiques urbains pour l'Homme, les équilibres naturels et l'économie de la ville. Cette notion de service écosystémique exprime la façon dont nous considérons, en tant qu'êtres humains, les bienfaits apportés par la nature en ville. Leurs dimensions remarquables et leur longévité leur confèrent une visibilité et des qualités spécifiques au regard des autres végétaux », explique Pauline Laille, chargée de mission à Plante & Cité, coordinatrice du groupe de travail sur l'arbre au sein de cette structure. On considère que la présence de plantations arborées favorise le sentiment de bien-être et réduit le stress des citadins, encourage l'utilisation de mobilités douces et la pratique d'activités sportives, améliore le cadre de vie et participe à l'attractivité économique des quartiers, permet une régulation du climat urbain et du cycle de l'eau, fixe les particules fines et le carbone atmosphérique, contribue à la constitution des continuités écologiques et à l'amélioration de la biodiversité urbaine (insectes, oiseaux, chauve-souris, champignons en particulier).

Approfondir les connaissances sur les services rendus

Parmi tous ces bienfaits, certains ont été mieux étudiés et mieux validés par la communauté scientifique que d'autres : le rôle sur la santé physique et psychologique, les bénéfices sur la biodiversité ordinaire ou sur la régulation thermique de la ville, ainsi que sur la valorisation économique du bâti. Les contributions à l'amélioration du lien social, à la qualité de l'air et à l'écoulement des eaux de ruissellement, ou encore à l'attractivité touristique par exemple, restent à approfondir. Ces bienfaits ne s'expriment pas de la même façon et ne sont pas connus avec le même niveau de précision selon l'arbre considéré, son appartenance (domaine public ou privé), son statut (arbre isolé, groupement, boisement), ou ses usages (alignement, parcs, squares, accompagnement d'infrastructure, espaces naturels...). Par ailleurs, la création de plantations qualitatives incluant le maintien de conditions propices au bon développement des parties aérienne et souterraine des arbres dans le temps long constitue une condition sine qua non pour permettre un niveau d'expression optimal de ces services rendus. Une gageure dans un environnement urbain dense peu favorable !

Afin d'améliorer les connaissances sur l'arbre urbain, ses services rendus et les conditions requises pour une gestion qualitative et durable, Plante & Cité développe depuis 2015 différentes pistes de réflexions sur : l'amélioration de la connaissance du patrimoine arboré public et des pratiques de gestion ; les transferts de connaissances depuis la recherche fondamentale et appliquée vers les acteurs de la conception et ceux de la gestion des arbres ; l'évaluationd'outils de diagnostic sur les services écosystémiques et la valeur des arbres.

Des outils de protection juridique pas toujours suffisants

Une longue liste de lois permet, en principe, de protéger les arbres. Augustin Bonnardot, forestier arboriste au CAUE 77 (Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) synthétise ces textes dans une fiche conseil intitulée Protection des arbres contre l'abattage et les dégradations, remise à jour fin 2016. Il y est notamment rappelé que les travaux d'abattage d'un sujet situé dans un espace boisé classé, dans un espace naturel sensible, ou visible depuis ou en même temps qu'un monument historique classé ou inscrit et situé dans le périmètre des cinq cents mètres, doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation. Un arbre peut également être protégé en tant qu'élément de paysage dans le plan local d'urbanisme, toute intervention sur celui-ci - et non plus dans le cas seul d'un abattage - devant être soumise à autorisation préalable.

Dernière nouveauté législative, l'article 172 créé par la loi Biodiversité du 8 août 2016 modifie le code de l'environnement en ajoutant un article L.350-3 à celui-ci : « Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. » Fruit d'un important travail de lobbying de la part de Chantal Pradines, auteur du rapport Infrastructures routières, les allées d'arbres dans le paysage (publication du Conseil de l'Europe) et présidente du jury du concours « Allées d'arbres » organisé depuis 2016 par la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), il a pour objet de redonner toute sa place à ces structures qui souffrent ces dernières décennies d'un vent de destruction massive dans certaines régions sous des prétextes sécuritaires.

Victime indirecte des litiges de voisinage, il est parfois sacrifié

En plus des prétextes sécuritaires, le code civil peut nuire de façon indirecte à la protection de l'intégrité des arbres sur les domaines privés. En effet, alors que l'article 672 permet de débouter la demande d'un voisin de procéder à la suppression ou à l'étêtage d'un arbre qui est planté à moins de deux mètres de la limite de propriété sous certaines conditions (accord privé, destination du père de famille ou prescription trentenaire), l'article 673 précise que le propriétaire du terrain sur lequel avancent les branches peut contraindre le voisin à les couper au droit de la limite de propriété et peut couper lui-même les racines. Cet article est à l'origine d'un grand nombre de litiges entre voisins conduisant à la mutilation d'arbres d'une grande valeur patrimoniale, l'amputation partielle du houppier ou du système racinaire compromettant gravement leur survie. « Le CAUE 77 travaille activement avec l'association Arbres qui gère la protection des sujets remarquables en France et Chantal Pradines pour limiter l'imprescriptibilité de cet article à certains cas et protéger les arbres reconnus pour leur valeur », souligne Augustin Bonnardot.

Des actions de sensibilisation qu'il faut renforcer

Les actions de labellisation portées par des associations (association Arbres remarquables, conseil national des villes et villages fleuris, SPPEF, Fédération internationale de l'arbre...) sont nombreuses. Elles contribuent à la protection des arbres d'ornement et à la sensibilisation de la sphère citoyenne, des élus et des acteurs de l'aménagement public ou privé. Mais, en l'absence de reconnaissance juridique, elles peinent parfois à porter leurs fruits. Depuis janvier 2015, l'animal n'est plus considéré comme un bien meuble mais comme « un être vivant doué de sensibilité ». À quand une reconnaissance du caractère vivant des arbres et de leurs extraordinaires capacités ?

Yaël Haddad

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