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En faveur du Végétal local, le tissu as sociatif peut appuyer la production

Les adhérents de l'association Haies vives d'Alsace récoltent dans la nature les graines d'espèces locales qui sont confiées à une pépinière de la région, Wadel-Wininger. PHOTOS : HAIES VIVES D'ALSACE

L'association Haies vives d'Alsace communique autour des multiples atouts des arbres et des haies champêtres. Elle accompagne communes et agriculteurs sur de nouvelles plantations, réalisées à partir de végétaux locaux.

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«En 2012, j'ai eu l'idée de créer Haies vives d'Alsace après avoir organisé un chantier participatif pour la plantation d'une haie », explique Jacques Detemple qui, à la suite d'une reconversion professionnelle, était alors en stage à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Alsace. « Ce chantier a réuni une quarantaine de bénévoles. J'ai pensé qu'il fallait profiter de cette dynamique, aussi j'ai recontacté l'ensemble de ces personnes pour leur proposer de créer ensemble une association sur les haies et les arbres champêtres. Beaucoup ont été partants et aujourd'hui, cinq ans après, l'association compte plus de cent cinquante adhérents. L'objectif principal est de communiquer autour de l'arbre champêtre dont les intérêts ont peu à peu été oubliés. Pourtant ceux-ci sont multiples et apportent des solutions face à de nombreux problèmes actuels, en termes de paysage, de régulation de l'eau, de limitation des pollutions, d'habitat pour la faune sauvage, d'amélioration des sols, de stockage du carbone. »

Ne pas trop empiétersur les espaces agricoles

L'Alsace n'est pas historiquement une région bocagère, sauf deux zones bien identifiées, le piémont vosgien et une région du Bas-Rhin dénommée Alsace bossue. Le reste du territoire, ce sont soit des forêts, la forêt vosgienne, et la forêt alluviale du Rhin, soit des grandes zones de cultures. Sur ces dernières, il n'y a jamais eu un grand réseau de haies par le passé, mais il y en avait toutefois beaucoup plus qu'aujourd'hui. Avec la mécanisation de l'agriculture, beaucoup de zones d'intérêt écologique ont été supprimées : haies, arbres isolés, zoneshumides. « On essaie de réhabiliter ces espaces, en travaillant en bonne intelligence avec les agriculteurs qui, avec les communes, sont nos principaux interlocuteurs, poursuit Jacques Detemple, travaillant à présent pour l'association comme chargé de mission en tant que prestataire. À l'heure actuelle ce sont surtout les agriculteurs et viticulteurs bio qui sont les plus sensibilisés. »

Pour être acceptées, les nouvelles plantations ne doivent pas trop empiéter sur les surfaces agricoles. Elles sont implantées de préférence en bordure des chemins ruraux ou en limite de parcelles. L'agriculteur doit néanmoins concéder une largeur de quelques mètres mais, en contrepartie, il peut en tirer des avantages importants : amélioration de la qualité du sol, limitation de l'érosion, ombre pour le bétail, abri pour les auxiliaires. Grâce au soutien financier de la région Grand Est et de l'agence de l'eau Rhin Meuse, l'association s'occupe de tous les dossiers en amont, des études, des choix des espèces, et peut prévoir la production de biomasse avec des arbres de haut jet et des arbres forestiers inclus dans les haies : érables, cormiers, alisiers torminal... « Puis on intervient en accompagnement pour les plantations (suivi, organisation, chantier participatif...). L'agriculteur prend à sa charge le coût des fournitures : les plants, les protections, les paillages. »

Un axe important de l'association est l'organisation de journées de plantations en chantiers participatifs avec des personnes d'horizons divers : propriétaires des parcelles ou exploitants, bénévoles, associations, écoles... « Ces journées nous permettent d'implanter un linéaire important de nouvelles haies, plusieurs kilomètres chaque année, de créer du lien social, et de communiquer sur nos actions directement vers les habitants ou à travers la presse, poursuit Jacques Detemple. Nous ne travaillons pasavec les particuliers, pour ne pas être en concurrence avec les entreprises de paysage, par contre on peut les conseiller et les inciter à changer leurs pratiques, remplacer les haies classiques de lauriers et de thuyas par des haies champêtres. »

Développer une filièrerégionale Végétal local

Seules des espèces locales sont plantées. Néanmoins, dès les premières plantations, s'est posée la question de l'origine des plants. « Contrairement aux plants forestiers, on ne trouvait pas en 2012 en Alsace de plants d'arbres et arbustes champêtres d'origine certifiée dans les pépinières, il n'y avait d'ailleurs pas véritablement de demande. Cela fait seulement quelques années qu'on a véritablement pris conscience de l'érosion rapide de la biodiversité et ce, à toutes les échelles, ainsi que de la nécessité de conserver le patrimoine génétique propre à chaque région. L'idéal pour le maintien de la biodiversité serait de planter des espèces locales issues de graines récoltées localement. Nous avons décidé de créer cette filière et sommes allés récolter nous-mêmes, dans la nature, des baies et des graines d'arbustes pour les confier à un pépiniériste, la Pépinière Wadel-Wininger, qui assure les semis. Parallèlement, s'est mis en place au niveau national le label Végétal local par la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Nous avons travaillé en parallèle et le jour où le label a été créé, nous avons déposé notre candidature. Nous avons actuellement trente-deux espèces labellisées Végétal local sur lesquelles nous effectuons une récolte chaque année. Ces récoltes sont réalisées par les bénévoles. Chaque espèce doit être prélevée sur plusieurs sites, conformément au cahier des charges du label, à différentes dates selon la maturité des graines. Il faut bien identifier les lieux de récoltes en amont pour être assurés de l'origine locale des porte-graines, que ceux-ci ne soient pas issus de plantations récentes. »

Selon la charte Végétal local, l'Alsace fait partie de la zone Nord Est qui correspond grosso modo à la nouvelle région Grand Est : l'Alsace, la Lorraine, la Champagne-Ardenne. Ce secteur est divisé en quatre zones naturelles : la plaine d'Alsace, le massif vosgien, le plateau lorrain, et le plateau calcaire de champagne. « Nous essayons de respecter ces unités naturelles, ce qui pour notre région nous amène à différencier les récoltes en piémont et massif vosgien et celles en plaine. Nous le faisons déjà sur quelques espèces. Pour faciliter la récolte et le nombre de graines disponibles, nous avons le projet d'implanter des vergers à graines, un premier doit voir le jour prochainement dans la région de Saverne (67). Après la récolte des fruits, nous confions le dépulpage à une entreprise qui emploie des personnes en situation de handicap. Cette équipe assure le tri, le lavage et le séchage des graines. Nous leur livrons des fruits et nous récupérons des graines séchées mais non stratifiées que nous confions alors au pépiniériste. Ce dernier assure la levée de dormance soit en chambre froide, soit par vernalisation naturelle en semant à l'extérieur dès l'automne. Nous profitons également de la dynamique de l'Association française des arbres champêtres (AFAC), qui accompagne les filières émergentes sur toute la France et permet des partages de savoir : date et site de récolte, levée de dormance, techniques de semis. Chaque espèce a des caractéristiques et un cheminement propres, il y en a que nous n'avons jamais réussi à faire germer en pépinière, d'autres comme le cornouiller mâle mettent jusqu'àtrois ans pour sortir de terre. »

Mobiliser élus et techniciens

La production est aujourd'hui suffisante pour les plantations, soit six à sept mille plants annuels sur une trentaine d'espèces. Les plants sont proposés aux adhérents par des opérations d'achats groupés. Même si la filière n'est pas encore économiquement viable, le pépiniériste joue le jeu. « Il a l'assurance d'écouler sa production actuelle via notre association et mise sur une augmentation de la demande pour les prochaines années. Pour rester compétitif et minimiser les coûts de production, il ne produit que des plants de semis non repiqués : plants d'un ou deux ans pouvant atteindre pour certaines espèces de 80 cm à 1 mètre de hauteur. Pour l'instant, nous sommes sur un créneau de jeunes plants, mais il pourrait y avoir une demande pour des plants plus forts, voire des grands arbres notamment en milieu urbain. Nous notons depuis ces dernières années, une prise de conscience au niveau des collectivités, institutions et aussi de particuliers, de l'importance d'avoir des plants rustiques, adaptés à notre climat et qui attirent la faune. »

À l'image de Strasbourg (67), beaucoup de communes, prescripteurs, demandent des plants d'origine locale pour leurs projets. « Il faut pouvoir faire changer les habitudes d'achat notamment au niveau des appels d'offres. Actuellement c'est souvent le moins disant qui remporte le marché, avec des plants dont l'origine n'est pas mentionnée, provenant d'autres régions françaises et surtout importés d'autres pays européens avec des coûts de main-d'oeuvre moindre. Les enjeux de la lutte pour le maintien de la biodiversité font qu'il faut replanter en priorité des plants d'origine locale. Les techniciens dans les communautés de communes, syndicats de rivières, syndicats mixtes commencent à être sensibles à ces questions et essaient de convaincre les élus de payer unpeu plus cher. Le premier critère pour remporter un appel d'offres ne doit plus être le prix, il faut tout d'abord pouvoir apposer une origine locale. C'est un discours qui commence à être entendu », souligne Jacques Detemple.

Claude Thiery

Un débouché assuré

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