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Pépinière : comment choisir la palet te végétale pour demain ?

La demande en végétaux évolue. Par exemple,de plus en plus de villes intègrent des espècescomestibles dans leurs aménagements ou prévoient des plantations d'arbres diversifiées plutôt que monospécifiques. Les plantes sont choisies en fonction des contraintes du site dès la conception, en tenant comptenotamment de leurdéveloppement... En restant à l'écoute des tendances, le producteur essaie d'adapter sa palette végétale en conséquence.

Le Pôle paysage dela FNPHP s'interroge sur l'évolution de la gamme en pépinière. La profession doit anticiper les attentes du marché qui dépendent elles-mêmes de nouvelles exigences environnementales et des tendances d'aménagement urbains.

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Réchauffement climatique, nouveaux ravageurs, contraintes urbaines... : les facteurs influençant le choix des arbres et arbustes d'ornement par les acteurs du paysage sont multiples. Or une production en pépinière se raisonne plusieurs années à l'avance. D'où l'intérêt de s'interroger sur les attentes du marché, comme le fait chaque année le pôle paysage de la FNPHP (Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières). Ainsi, le 30 janvier dernier, pépiniéristes, collectivités territoriales, paysagistes, concepteurs, maîtres d'oeuvre et entrepreneurs du paysage étaient invités à partager leur réflexion sur la palettevégétale de demain.

Des alternatives aux végétaux menacés : l'exemple du buis

Chalarose du frêne, chancre coloré du platane, charançon rouge du palmier, pyrale du buis, mineuse du marronnier..., certains organismes nuisibles, difficilement voire non contrôlables, menacent les plantations en espaces verts. De sorte que les gestionnaires y réfléchissent à deux fois avant de choisir de planter les espèces végétales concernées. Le cas se présente avec Cydalima perspectalis arrivée sur le territoire il y a une dizaine d'années. La pyrale a été particulièrement dévastatrice l'été dernier, aussi bien dans les parcs et jardins que dans les buxaies naturelles. Ces dernières constituent un réservoir d'infestation. Le programme SaveBuxus initié en 2014 (rassemblant divers partenaires dont Astredhor, Plante & Cité, Inra...) a permis d'élaborer différentes stratégies selon le stade du ravageur. Mais, pour l'instant, les solutions proposées (piégeage avec phéromone et Buxatrap, Bacillus thuringiensis, trichogrammes, nichoirs à mésanges...) ne favorisent son contrôle que dans les zones où la pression est moins forte (jardins, espaces végétalisés et infrastructures - JEVI). Par ailleurs, les coûts financiers et humains restent importants. En attendant une méthode de lutte efficace à grande échelle ou plus probablement la mise en place d'un équilibre naturel, pépiniéristes et collectivités se tournent vers les alternatives possibles au buis (*), d'autant qu'en plus de la pyrale un complexe de maladies (cylindrocladiose, Volutella...) oblige à sélectionner des variétés tolérantes (B. microphylla 'Herrenhausen', 'Wintergreen', 'Golden Triumph' ; B. sempervirens 'Green Mound', 'Racket', 'Blauer Heinz'...) : les travaux de recherche variétale d'Astredhor devraient fournir de premiers résultats en 2018.

La difficulté dans la recherche d'alternatives au buis est de trouver des plantes ayant des caractères similaires de plasticité, de densité et persistance du feuillage, de développement lent, de tolérance à la taille et d'adaptabilité aux sols, surtout calcaires. Les options possibles offrent chacune des avantages et des inconvénients : Phillyrea angustifolia, aux feuilles plus grandes mais supportant bien la taille en boule ; Ilex crenata, à l'esthétique se rapprochant de buis, mais moins rustique, nécessitant un sol acide et des apports en eau ; Taxusbaccata, Lonicera nitida gélif, Teucrium x lucidrys (inférieur à 30-40 cm), T. flavium non tolérant aux excès d'eau ni au calcaire, Euonymus vulgaris compactus, Osmanthus x burwoodii...

Des ligneux proposéset plantés toute l'année

Force est de constater la tendance à s'affranchir de la saisonnalité - et à planter de mai à octobre - rendue possible par le conditionnement en motte, en Air Pot ou en conteneur. Dans ce contexte, les arguments écologiques des cultures pleine terre sont mis en balance avec ceux d'une production hors-sol maîtrisée : gestion des intrants, substrats adaptables, moins dedésherbage notamment chimique... Les aléas climatiques, comme une sécheresse ou un excès d'eau empêchant l'arrachage, ajoutent aux atouts du hors-sol. Côté client, cette tendance à planter toute l'année résulte des exigences croissantes et intemporellesdes élus, de l'absence de sensibilité à cette saisonnalité surtout en métropole, d'une volonté forte d'entreprises du paysage de ne plus interrompre les chantiers cinq mois par an, de retards cumulés sur les travaux qui obligent à planter en juin plutôt qu'en mars...

Qu'il plaise ou non, qu'il soit destiné à s'imposer dans le temps ou non, ce constat oblige les producteurs à évoluer pour être capables de répondre à la demande, d'adapter les règles de l'art aux exigences de leur client, de réduire la durée des cycles... Cette évolution doit s'accompagner de celle du fascicule 35 du Cahier des clauses techniques générales et des pratiques sur les chantiers, afin que l'arrosage des plantations et leur suivi soient pris en compte.

Des végétaux adaptésau changement climatique

À moins de s'appeler Donald Trump, il est difficile de ne pas tenir compte du changement climatique, qui se traduit par une accentuation des extrêmes (pics de chaleur et sécheresse prolongée en été, épisodes pluvieux intenses à l'automne et en hiver), des décalages phénologiques, des migrations de faune et flore... Ces changements amènent certains professionnels à diversifier leur catalogue afin de répondre à une demande croissante de végétaux adaptés. Toutefois, rares sont les paysagistes à exiger telle ou telle essence pour sa résistance à la sécheresse ou aux pics de températures. En revanche, tous sont demandeurs de conseils : dans ce domaine, c'est au producteur d'apporter son expertise et de proposer des plantes qui font leurs preuves dans les conditions de l'exploitation, quitteà expérimenter de nouveaux taxons. C'est là tout l'intérêt d'une production locale qu'il s'agit de valoriser.

Cette mutation de gamme doit cependant s'accompagner de conseils adaptés car elle implique souvent un changement des pratiques d'entretien. Par exemple, de nombreuses vivaces couvre-sol adaptées à la sécheresse n'apprécient guère l'arrosage automatique estival ou le paillage organique... Outre les végétaux, les pratiques de plantation peuvent aussi favoriser une meilleure adaptation aux incidents climatiques : agrandissement et meilleur perméabilité des fosses de plantation...

De nouveaux usageset de nouveaux décideurs

Face aux pestes ou aux aléas climatiques qui menacent certains genres, mais aussi pour répondre au besoin de biodiversité et limiter les risques sanitaires dus aux allergènes, les alignements monospécifiques (hormis ceux des sites historiques) cèdent peu à peu la place à des plantations mixtes associant différentes essences. Si cette évolution va dans le sens d'un élargissement de la gamme, d'autres ont l'effet inverse. De nouveaux décideurs interviennent dans le choix végétal des futurs aménagements : écologues, comités de quartiers, LPO (Ligue pour la protection des oiseaux)... Ils imposent des critères de sélection qui compliquent la tâche des producteurs. Des plantes doivent être indigènes ou posséder le label « Végétal local » (**), favoriser les pollinisateurs en particulier et la biodiversité en général, être non invasives, non allergènes, non toxiques, non piquantes, etc. Ainsi, avec l'entrée en force de l'écologie dans les aménagements apparaît un paradoxe : la demande vers plus de biodiversité s'oppose à des contraintes croissantes, parfois appliquées sans recul, qui limitent l'offre végétale potentielle et le choix paysager. Il est essentiel que les producteurs puissent faire entendre leurs voix d'experts du végétal, échanger avec les associations locales de protection de la nature, au moment de la rédaction de ces listes restrictives. Par exemple, le caractère envahissant d'une plante dépend du biotope dans lequel elle est insérée. De même, l'impact sanitaire d'une espèce allergène dépend de la quantité de sujets plantés ensemble.

Par ailleurs, l'expertise du producteur doit désormais dépasser les critères esthétiques et culturaux des végétaux, afin de pouvoir mettre en avant leurs intérêts fonctionnels : épuration de l'air et de l'eau, régulation du microclimat urbain et du réseau pluvial, bienfait pour la santé, le bien-être et les rapports sociaux...

Le contrat de culture, réponseà des exigences croissantes

L'usage du contrat de culture au plus près des chantiers reste limité, notamment par les incertitudes politiques et institutionnelles qui n'incitent pas les élus à s'engager sur plusieurs années. Pourtant, il offre des avantages aux différents partis, pour peu qu'il soit respecté. Il garantit à l'acheteur la fourniture de végétaux peu disponibles sur le marché ou hors gamme habituelle, avec des tarifs avantageux, et lui permet de s'assurer de leur conformité et de leur qualité. De son côté, le pépiniériste est assuré de ne pas produire de futurs invendus. La nécessité de sécuriser les achats face à la baisse actuelle des volumes de production, ainsi que la possibilité de réduire les cycles de culture grâce au hors-sol (conteneur, Air Pot) pourraient lui redonner de l'intérêt

Valérie Vidril

(*) Voir le Lien horticole n° 949,Maladies du buis : des alternativesen attendant mieux, pp. 10-13.(**) Voir le Lien horticole n° 1007,Plante locale : des défis à relever, pp. 12-13.

La demande en végétaux évolue. Par exemple,de plus en plus de villes intègrent des espècescomestibles dans leurs aménagements ou prévoient des plantations d'arbres diversifiées plutôt que monospécifiques. Les plantes sont choisies en fonction des contraintes du site dès la conception, en tenant comptenotamment de leurdéveloppement... En restant à l'écoute des tendances, le producteur essaie d'adapter sa palette végétale en conséquence.

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