Login

Laurier sauce : problèmes sanitaires connus et potentiels

Dégâts de Xylosandrus compactus.PHOTOS :ÉRIC CHAPIN

Sur le plan sanitaire, Laurus nobilis a été pendant longtemps une plante sans soucis majeurs. Un statut qui pourrait changer dans les années à venir... Faisons un tour d'horizondes problèmes sanitaires existants ou potentiels du laurier noble.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Le laurier sauce, Laurus nobilis, est originaire du bassin méditerranéen où il subsiste encore à l'état spontané aux abords de cours d'eau ou en montagne. Il s'agit d'un arbre à feuilles persistantes qui peut atteindre des hauteurs comprises entre 2 et 10 m. Il supporte la sécheresse estivale mais apprécie l'humidité, il peut supporter des températures négatives (jusqu'à - 11 °C voire plus pour certaines variétés), il tolère les sols calcaires, il supporte très bien la taille, même sévère. En résumé, il demande peu d'entretien et s'adapte à de nombreuses situations, en pleine terre ou dans un pot sur une terrasse, un balcon, etc. Ces qualités et ses vertus font du laurier noble un végétal planté dans les jardins comme plante aromatique, pour constituer des haies, pour ornementer en tant qu'arbre libre ou en topiaire. Il est utilisé dans les haies composites car il abrite une faune auxiliaire très diversifiée : perce-oreilles, chrysope, punaises et acariens prédateurs. Avec l'émergence de nouveaux ravageurs ou de nouvelles maladies, son statut de plante « peu sensible aux problèmes parasitaires » pourrait bien changerdans les années à venir.

1 PSYLLE DU LAURIER. Les adultes de Lauritrioza alacris, présents dès le printemps, pondent dans les feuilles et provoquent l'enroulement de leurs bordures. Presque tous les sujets portent des symptômes. La galle foliaire sert de refuge aux larves blanches et cireuses et aux adultes qui s'alimentent de la sève. Ce ravageur n'a aucune conséquence sur la santé du laurier. Par contre, il peut impacter l'esthétique du feuillage ou de l'arbuste conduit en topiaire. En casd'infestation inacceptable, des lâchers de la punaise Anthocoris nemoralis peuvent venir renforcer la faune auxiliaireautochtone et limiter efficacement la population et les dégâts.

2 ACARIENS ÉRIOPHYIDES. Au moins quatre espèces d'ériophyidés sont répertoriés dans les pépinières européennes sur laurier sauce : Cecidophyes lauri, Cecidophyopsis malpighianus, Eriophyes lauricolous et Calepitrimerus russoi. Ces quatre espèces peuvent vivre sur une même plante hôte simultanément, provoquant leurs propres symptômes et dégâts. Parmi ces espèces, deux sont signalées comme fréquentes. Calepitrimerus russoi vit librement sur les feuilles qui se dépigmentent, portent des lésions noires puis, en cas de forte infestation, tombent prématurément. Cecidophyopsis malpighianus provoque, quant à lui, des déformations des boutons floraux. Ces derniers gonflent considérablement, devenant remarquablement colorés et déformés. L'application d'acaricide ou insecticide à action acaricide peut se justifieren cas de forte infestation.

3 COCHENILLES. De nombreuses co- chenilles à carapace, à bouclier, fari-neuses ou autres sont répertoriées comme : Aonidia lauri, Aonidiella aurantii, Aspidiotus nerii, Aulacaspis rosae, Chrysomphalus dictyospermi, Coccus hesperidum, Pseudococcus viburni, etc. Deux cochenilles exotiques sont fréquentes : la céroplaste des agrumes, Ceroplastes sinensis, qui altère l'esthétique du feuillage, et la pulvinaire pyriforme, Protopulvinaria pyriformis, qui peut fortement altérer l'esthétique des haies et des arbres voire, dans certaines situations, entraîner une diminution de la vigueur des lauriers en pot ou des topiaires. Cette cochenille sécrète du miellat en abondance sur lequel se développent des fumagines. Originaire d'Asie du Sud-Est cette espèce a été signalée pour la première fois en Espagne en 1966 puis en Italie, en France en Grèce et Portugal, etc. Dans les espaces verts urbains de l'est de l'Espagne, P. pyriformis effectue deux générations annuelles. Le parasitoïde Metaphycus helvolus est l'auxiliaire le plus fréquemment observé au sein des colonies, surtout à partir de la fin du printemps. Le nombre d'oeufs pondus dans l'hôte (larve et adulte) augmente avec la taille du corps de la cochenille, cependant cette cochenille dispose d'une défense active qui perturbe fortement le parasitisme... et qui explique les situations de fortes infestations dans les jardins. Pour se défendre de l'attaque du parasitoïde, la pulvinairepyriforme retire son stylet inséré dans la plante, se tortille continuellement et peut même se déplacer. La coccinelle Chilocorus bipustulatus est signalée sur comme prédateur de ces deux cochenilles.

4 TIGRE DU LAURIER. L'espèce Stepha- nitis lauri a été décrite en 2014 à partir d'un échantillon provenant de Crête. Depuis, le tigre du laurier a été détecté en France en juin 2017 dans les Alpes-Maritimes. À ce jour, il n'est signalé que sur laurier sauce. Comme tous les tigres, il provoque une dépigmentation des feuilles plus ou moins importante. L'esthétique des haies et des arbres peut être altérée. On sait très peu de choses sur sa biologie et sur les méthodes de lutte.

5 SCOLYTE XYLOSANDRUS COMPAC-TUS. Ce ravageur xylophage a été si-gnalé en Italie en 2011 et en France en 2016, sur quelques communes de la Côte-d'Azur. Aujourd'hui, cet insecte est largement véhiculé par la commercialisation de végétaux. Par conséquent, sa présence dans d'autres départements n'est pas exclue. Ce très petit scolyte est très polyphage. Il s'attaque à plus de 220 espèces hôtes recensées. Dans les zones tropicales, il est observé sur avocatier, cacaoyer, caféier, théier, manguier, mais aussi sur des ligneux forestiers et ornementaux comme des acacias, l'érable, l'eucalyptus, l'hibiscus, le Liquidambar, le magnolia, le pommier, l'Ostrya, le platane, etc. Il est aussi signalé, en zone tropicale, sur orchidées et arécacées...En Italie et en France, le laurier sauce semble être la plante hôte privilégiée, mais il a également été signalé sur de nombreuses autres espèces ligneuses comme l'arbousier, l'azalée, le chêne, le phylaire, le magnolia, le pommier, le pittosporum, le caroubier, le laurier-cerise, le chêne-vert, le rhododendron, le gardénia, des agrumes, l'olivier, etc. Dans la situation des jardins de la Côte d'Azur, les attaques engendrent une dépréciation importante de l'esthétique des haies et des massifs arborés. Les attaquessuccessives réduisent le volume de la frondaison et finissent par aboutir à des plantes déséquilibrées et affaiblies. Ce ravageur infeste des branches et des tiges d'un diamètre inférieur à deux centimètres. Aucune méthode de lutte adaptée à la situation d'une pépinière ou d'un jardin n'est validée. Mieux vaut ne pas l'introduire dans le jardin.En cas d'infestation, il restera à couper et brûler les tiges touchées.

6 RAVAGEURS DIVERS. Quelques che- nilles défoliatrices, polyphages, peuvent être observées occasionnellement en pépinière comme la tordeuse de l'oeillet (Cacoecimorpha pronubana) ou autre.Le puceron Aphis frangulae est également signalé, son impact est très certaine-ment très limité.

7 MALADIES DIVERSES. Très peu de maladies sont signalées sur le laurier sauce. Généralement, il s'agit de champignons pathogènes polyphages comme le pourridié armillaire (auquel Laurus nobilis serait peu sensible), le ganoderme ou toute autre maladie racinaire.Au cours de l'été 2001, une épidémie grave due à Phytophthora citricola a été observée dans certaines pépinières belges. Les symptômes correspondent à de grandes taches irrégulières, brun foncé, localisées principalement sur la moitié distale des feuilles et délimitées par une marge noire. En grandissant, les taches se rapprochent, s'unissent et finissent par provoquer la chute des feuilles. Une autre « nouvelle » maladie été signalée en 2011, en Sicile, sur des plants de pépinière.Il s'agit d'une maladie à dépérissement, provoquée par le champignon Calonectria ilicicola. Ce dernier provoque une pourriture racinaire et, sur les tiges, une nécrose qui s'étend et induit le dépérissement de la tige. La plante peut en mourir. Les fructifications (périthèces) orangées sont fréquemment observées à base des tiges nécrosées. Elle a été détectée sur des plants de pépinière de deux ans. Enfin, Laurus nobilis est sensible à la bactérie Xylella fastidiosa subsp. pauca qui provoque des nécroses foliaires et des dépérissements de tige. Dans le cadre des mesures de prévention pour limiter le risque d'introduction et de dispersion de cette dangereuse bactérie,tous les plants destinés à la plantation (dans un cadre professionnel ou commercial) doivent être accompagnés d'un Passeport phytosanitaire européen.

Éric Chapin

Colonie de cochenilles pulvinaires pyriformes.

Galles foliaires provoquées par le psylle du laurier Lauritrioza alacris.

Dépigmen-tationdes feuillesprovoquée par le tigre du laurier.

Cochenilles Ceroplastes sinensisparasitées.

Adultesde Xylosandruscompactusdans une tigede laurier sauce.

Observationd'une galeriede scolyte situéedans la moelled'une tigede laurier sauce.

Adulte et larves deStephanitis lauri.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement