Vergers et fruitiers urbains : du choix d e la variété à la plantation et au suivi
La 33e Arborencontre organisée le 12 juin dernier par le CAUE de Seine-et-Marne, à Villiers-en-Bière, s'est penchée sur l'implantation de vergers et d'arbres fruitiers dans les collectivités.L'occasion de s'intéresser aux choix des espèces, aux conditions de mise en oeuvre et de gestion des plantations.
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Afin d'offrir des lieux propices à l'expression de nouveaux usages dans les parcs, jardins et espaces publics, les collectivités développent de plus en plus souvent des aménagements comportant des végétaux comestibles. Ils peuvent être installés dans le cadre d'animations éphémères le temps d'une saison. Il peut s'agir également d'aménagements pérennes dans lesquels la cueillette est libre : des potagers et toujours davantage de vergers urbains. Ces lieux constituent généralement des supports d'animations. Ils donnent l'occasion de renforcer la convivialité des espaces publics mais aussi de cultiver des valeurs de partage et de transmission des savoirs.
1 PRIVILÉGIER LES VARIÉTÉS AN- CIENNES. Quelles espèces fruitières choisir ? Pour Pascal Papelard, pépiniériste et président de l'association des Croqueurs de pommes de la Brie et du Gâtinais, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer dans la sauvegarde et la mise en valeur des variétés anciennes locales. La grande diversité génétique qu'elles offrent contribuent à la préservation de la biodiversité. Elles servent de banque de ressources génétiques aux producteurs en favorisant la diversification en création variétale. L'inventaire des variétés locales de pommiers cultivés, projet porté par l'Inra avec le soutien de l'association des Croqueurs de pommes et autres associations du même type, est en cours depuis 2013. Elle fait état à ce jour de près de 4 000 variétés caractériséesgénétiquement. Le nombre de variétés recensées dans la Brie et le Gâtinais s'élève à 25 pour les pommes, 10 pour les poires et 5 pour les fruits à noyaux. « Pour les variétés courantes présentes sur le marché, Golden en tête, Royal Gala, Granny Smith, Pink Lady..., la diversité génétique est très faible. En effet, ces trois dernières et bien d'autres encore, sont issues de la Golden qui possède au total plus de 80 descendantes. Et près de 90 % des poiriers présents dans les vergers de production d'Europe de la variété Conférence, la plus consommée, proviennent de Belgique. On mesure ainsi la pauvreté du patrimoine génétique de nos fruitiers standards ! », explique Pascal Papelard.
L'utilisation des variétés locales est aussi une occasion de remettre en lumière le patrimoine culturel et cultural d'un territoire. Autres atouts de taille dans un contexte de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques, les variétés locales, fruit d'une sélection ciblée, sont des fruitiers particulièrement bien adaptés aux conditions édaphiques et climatiques de leurs territoires et résistants aux maladies. En outre, elles offrent une très grande variabilité de goûts et d'usages, pour une consommation directe crue ou transformée (jus, cidre, confitures, compotes...). Le principal bémol est lié à leur productivité souvent variable, leur caractère non calibré et pour certaines, leurfaible durée de conservation. Ces défauts ont conduit à leur élimination des vergers de production intensive.
Pour réussir une implantation de fruitiers sur les espaces publics des communes, les professionnels s'accordent à dire qu'elle doit s'accompagner d'actions de communication. Il s'agit de faire connaître les atouts de ce type d'aménagement mais également de sensibiliser les habitants sur les conditions deréussite de ces plantations, notamment sur les règles de cueillette (la période de maturité des fruits, le respect des arbres...).
2 PLANTER DES FRUITIERS, LES CONDITIONS DE LA RÉUSSITE. « Comme pour toute plantation d'arbre, outre le respect des règles de l'art, il faut savoir mettre la bonne espèce au bon endroit », rappelle Éric Dumont-Baltet, pépiniériste dans l'Aube, petit-fils de Charles Baltet co-créateur de l'École nationale supérieure d'horticulture de Versailles (78) aux côtés de Jean-Baptiste deLa Quintinie. Ce choix s'appuie sur la connaissance du contexte environnemental et sur le niveau de compétence et la disponibilité des futurs gestionnaires. Ils conditionnent en particulier le choix de la forme retenue, fruitier palissé, dirigé ou de plein vent. Car si ces trois formes exigent une phase de formation et des opérations de taille tout au long du développement, les formes palissées mobilisent beaucoup plus de temps et de compétences. « Hormis la question du suivi, l'une des clefs pour réussir les espaliers (contre un mur) ou les contre-espaliers (sans mur), est de s'assurer que les supports, poteaux et fils, seront aptes à supporter des poids importants lorsque les sujets seront en pleine production », précise Éric Dumont-Baltet. Concernant le lieu d'implantation, le producteur recommande d'éviter la proximité d'un boisement, du fait de la possible concurrence pour l'alimentation et la lumière et de la présence de gibiers ; les fonds de vallée dans lesquelles les gelées sont plus fréquentes ; les terres trop humides ou asphyxiantes ; les altitudes au-delà de 1 000 m. Enfin, une attention particulière doit être portée à la nature du porte-greffe, en particulier dans les régions où les sols sont calcaires, car les porte-greffes couramment utilisés ne sont pas forcément adaptés. À titre d'exemple, la plupart des poiriers sont greffés sur cognassiers d'Angers, non adaptés aux sols calcaires. Dans cette situation, il faut disposer de fruitiers greffés sur cognassier de Provence. Le pépiniériste incite à un dialogue entre le producteur et l'acheteur permettant à ce dernier, si besoin, d'obtenir des arbres spécifiquement greffés pour ses besoins.
Pour la plantation, tous les professionnels présents ont milité pour une installation en racines nues, car elle apporte la meilleure garantie d'adaptation et de reprise. La période se déroule de fin octobre à mi-mars, en évitant les journées de gel important et de fortes précipitations. Le trou doit être d'un tiers supérieur aux dimensions du système racinaire qui reste essentiellement superficiel chez les fruitiers. Un apport de fumier de vache bien décomposé, 1/3 de compost pour 2/3 de terre et de la poudre de basalte, constitue une fertilisation adéquate.
3 UN SUIVI RÉGULIER INDISPEN- SABLE. « Les arbres fruitiers demandent un suivi tout au long de l'année, avec davantage de tâches à accomplir pour les formes palissées que pour les formes libres. Pour être réalisées à bon escient ces opérations nécessitent de bien connaître les stades végétatifs successifs des espèces fruitières et les différents organes de la partie aérienne, bourgeons à fruits, à bois, coursonnes, dards... », précise François Moulin, ancien responsable du Potager du Roi, de Versailles, formateur en cultures fruitières. Les opérations de taille ont pour vocation de favoriser la présence des fruits, l'apport de lumière et une bonne circulation d'air autour de ces derniers. Pour les formes architecturées (palmettes, gobelets, fuseaux, U etc...), les tailles permettent aussi de guider les rameaux dans les directions souhaitées. Les interventions hivernales doivent permettre de conserver un à deux boutons à fruits maximum par coursonne pour éviter la surproduction et le phénomène d'alternance. Elles permettent de surveiller l'état sanitaire des arbres et le cas échéant de supprimer le bois mort, de soigner les chancres et d'enlever les fruits momifiés, de surveiller la présence de ravageurs. L'hiver est aussi la période propice pour s'assurer du bon état des treillages pour les formes palissées, piquets, fils de fer et lattes de bois pouvant être remplacés ou réparés plus facilement qu'en pleine végétation. Durant le printemps et l'été les travaux se poursuivent, avec en mars-avril la suppression des fleurs présentes sur les extrémités des prolongements des jeunes charpentières, afin de favoriser le développement de rameaux vigoureux nécessaires à la formation des fruitiers. Suivent entre mai et juillet les opérations de palissage et de pincements (hormis pour les formes libres). Elles permettent la conduite des rameaux selon les formes prédéfinies et favorisent une bonne végétation du prolongement, propice au développement de la jeune charpentière. L'éclaircissage se pratique sur poirier, pommier et pêcher, et il consiste à sélectionner sur les bouquets de jeunes fruits les plus beaux éléments pour permettre ensuite un bon développement de ceux-ci. La taille en vert ou taille d'été sert à éliminer une partie de la végétation, celle jugée superflue, ou pour diminuer certains risques sanitaires (maladies cryptogamiques, insectes parasites). La surveillance annuelle des collets et points de greffe permet d'éliminer rapidement les éventuels drageons qui auraient pu se développer durant la saison.
Yaël Haddad
Des plantations ont été menées par le PNR du Gâtinais français à Guercheville (77) : poiriers Beurré d'Apremont et Beurré Superfin, pommiers Reinette d'Orléans et Rambourd rouge d'hiver, cerisiers Jaboulay et Impératrice Eugénie, quetsche jaune, Reine-Claude tardive de Chambourcy. PHOTO : PNR GATINAIS
Contre-espalier. PHOTO :YAËLHADDAD
Doyenne du Comice en contre-espalier. PHOTO : YAËL HADDAD
Espalier. PHOTO :YAËLHADDAD
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