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Désherbage : un avenir inscrit dans la diversité et l'innovation !

JATI est un prototype de désherbeur développé par une société autrichienne qui fonctionne avec la technologie du laser.PHOTO : JATI

En juin dernier, à l'occasion du salon Désherb'Expo (voir encadré), Jean-Albert Fougereux, directeur technique de la FNAMS (1), a dressé le portrait du désherbage du futur. Une vision centrée sur le secteur de la production de semence mais qui pourrait bien préfigurer aussi ce qui devrait se pass er dans d'autres secteurs, comme par exemple l'horticulture !

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Quelles solutions pour le désherbage de demain ? Telle est la question à laquelle Jean-Albert Fougereux a tenté d'apporter des réponses, en tenant compte des évolutions des attentes sociétales, des aspects législatifs et techniques du sujet. Car, comme pour l'horticulture et le paysage, le secteur de la production de semence est soumis à des évolutions profondes. « Le désherbage chimique, jusqu'à quand ? » s'est interrogé en préambule le directeur technique de la station de Brain-sur-l'Authion (49) de la FNAMS. Il a en effet rappelé que le plan Ecophyto 2 vise à réduire de 25 % l'usage des produits phytosanitaires chimiques d'ici 2020, c'est-à-dire demain, et de 50 % en 2025. Il a aussi rappelé la directive européenne 2009/128/CE, dont l'objectif est de rendre l'usage des pesticides compatible avec le développement durable. Et que 55 % des matières actives herbicides doivent être réévaluées d'ici 2020 et qu'il y a fort à parier que nombre d'entre elles seront purement et simplement rayées du catalogue... Toutes cultures confondues, il y avait 119 substances actives autorisées en France en 1988. Elles étaient 133 en 1998 et 2008, mais ne sont plus que 98 aujourd'hui, « soit une baisse de 26 % en dix ans », précise Jean-Albert Fougereux. Sans compter l'apparition d'un nombre toujours plus important d'espèces résistantes à tel ou tel herbicide !

1LE RAISONNEMENT DES CULTURES ET LA CONNAISSANCE À LA RESCOUSSE. Pour y remédier, le technicien propose des pistes agronomiques. Mettre en place des rotations avec des cultures plus diversifiées et ayant des périodes de semis différentes. Redonner de la place au travail du sol, labour, déchaumage et faux semis, choisir des périodes de semis permettant de limiter les levées d'adventices. Les couverts interculture peuvent aussi être intéressants. Sans oublier quelques règles de bon sens, utiliser des semences propres ou certifiées, nettoyer les outils avant intervention dans les cultures, éviter la montée à graine des adventices aux abords des parcelles, enfin arracher ou biner manuellement les adventices constituant des foyers potentiellement problématiques, comme les vivaces, par exemple. Bien connaître les adventices est également important. À ce titre, le site internet Infloweb détaille les adventices et leurs caractéristiques techniques, résistance éventuelle aux herbicides, cultures préférentielles de développement, conseils de culture, etc., mais il reste très orienté grandes cultures.Sinon, le désherbage mécanique peut venir à la rescousse, et il faut souligner aujourd'hui l'apparition de matériels « intelligents », bineuses tractées autoguidées, voire robots autonomes.

2LA GÉNÉTIQUE PEUT AUSSI APPORTER SON OBOLE. Pour le technicien, aujourd'hui, les adventices sont contrôlées à 70 % par traitement chimique. Les pratiques agronomiques représentent 20 % du désherbage et le mécanique 10 %. « Et demain, comment vont évoluer ces pratiques ? ». La génétique devrait apporter des solutions, avec l'apparition de variétés à fort pouvoir couvrant. Ce critère de sélection a jusqu'ici été peu pris en compte, mais les outils de phénotypage et de génotypage (2) puissants, aujourd'hui disponibles sur le marché, pourraient permettre d'aller plus vite, plutôt pour les « grandes cultures » et présentent un intérêt variable selon l'espèce, plus intéressant en blé qu'en betterave, par exemple. Le génie génétique pourrait aussi apporter son obole. Cette recherche n'est qu'émergente pour l'instant et pose des problèmes éthiques et réglementaires, mais elle pourrait déboucher, avec la technique du gène dirigé, sur la possibilité de rendre les adventices stériles.

3BIOCONTRÔLE ÇA BOUGE ! Le biocontrôle devrait aussi se développer. Aujourd'hui, seules deux spécialités sont autorisées en désherbage en France, l'acide pélargonique et l'acide acétique, mais elles ne sont pas sélectives. Selon Jean-Albert Fougereux qui cite "Cordeau et al., 2016", il y aurait 13 substances commercialisées dans le monde, auxquelles il faut ajouter l'acide acétique. 12 de ces substances sont issues de micro-organismes, comme Smoulder, vendu aux Etats-Unis, et extrait du champignon Alternaria destruens, pour lutter contre la cuscute, ou encore Sarritor, disponible au Canada, et qui permet de lutter contre les pissenlits dans les gazons.

4DES PROJETS INNOVANTS DANS LES CARTONS... OU À L'ÉTAT DE PROTOTYPES ! Des recherches qualifiées de prometteuses ont été présentées. C'est le cas par exemple des micro ARN, sur lequel travaille une start-up issue du CNRS, Micropep. L'idée est d'extraire des micro-ARN de l'adventice qui vont venir perturber cette plante, d'assembler différents extraits pour cibler des populations multi-adventices, le tout couplé avec une pulvérisation de haute précision. Un peu sibyllin, mais la technique pourrait avoir des applications sous huit à dix ans... Le laser, qui peut détruire le méristème des adventices, couplé à l'analyse d'image pour différencier les cultures des adventices, est également à l'étude. Un prototype, JATI, développé par une société autrichienne, SPL, est en test sur les carottes.Enfin, arrive sur le marché Electroherb, un appareil électrique développé par une société germano-suisse, Zasso. Il s'agit d'un groupe électrogène embarqué alimenté par la prise de force d'un tracteur qui génère un courant de 5 000 à 15 000 volts et qui alimente deux plaques qui détruisent électriquement les adventices à l'avant du tracteur. L'appareil travaille sur 2,6 m de largeur et avance à la vitesse de 3 à 5 km/h. Il devrait être sur le marché l'an prochain, mais son coût et la sécurisation de son usage sont encore aujourd'hui en question.

5PLUS DE NUMÉRIQUE POUR PLUS DE PRÉCISION ET D'EFFICACITÉ. Le numérique devrait, selon Jean-Albert Fougereux, jouer dans le désherbage de demain un rôle majeur, en particulier pour les techniques de haute précision. Des capteurs de plus en plus performants rendant l'analyse d'image toujours plus pointue, devraient rendre plus efficace l'assistance au guidage des drones, robots ou éléments de bineuses. La détection des adventices ne peut également qu'être améliorée. Le technicien voit aussi arriver des algorithmes plus performants permettant la commande des organes des outils qui travaillent, les organes effecteurs, plus précise. La coupure de la pulvérisation sur les tronçons non enherbés lors des traitements, le guidage des lasers ou simplement des outils mécaniques en seront fortement améliorés. Il ne faut pas oublier non plus les robots, qui devraient aussi se développer rapidement.

6 LE CHIMIQUE, LE QUART DU CONTRÔLE DES ADVENTICES SEULEMENT EN 2030 ? En conclusion, Jean-Albert Fougereux imagine dans un avenir proche une baisse inéluctable du recours aux herbicides chimiques et la montée en puissance d'une combinaison de techniques. La génétique, le biocontrôle, le laser, le thermique ou l'électricité devraient y jouer un rôle accru. Pour lui, à l'horizon 2030, le désherbage pourrait être fait de 10 % de nouvelles technologies, de 30 % de désherbage mécanique, de 25 % de chimique et de 35 % de pratiques agronomiques. Sous réserve que certaines conditions soient réunies. Une R & D (recherche et développement) suffisante ainsi qu'une réglementation adaptée, mais aussi une communication et une formation adaptées. Et l'autre condition est que les solutions soient économiquement viables. L'avenir dessiné est donc rempli de conditions techniques, économiques, voire sociales, le portrait dessiné ici fera peut-être sourire en 2030. Mais intuitivement, on sent bien qu'il est empreint de bon sens et de réalisme, au vu de ce qui se passe sur le terrain. Et que tous les secteurs agricoles devraient être concernés. À suivre, donc !

Pascal Fayolle

(1) FNAMS, Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.(2) Phénotypage : Le phénotypage non destructif d'une plante consiste à identifier une caractéristique physique de lots de plantes et de la suivre au cours de leur croissance. Cela permet par exemple de révéler les différences entre différents traitements expérimentaux ou entre différents génotypes.Génotypage : Fait de déterminer le génotype ou une fraction représentative du génotype d'un individu.

Comme les doigts rotatifs, les robots de désherbage sont à classer dans les outils de désherbage mécanique. Ils se développent vite dans notre secteur, prisés pour leur autonomie.

PHOTO :PASCAL FAYOLLE

Electroherb, développé par Zasso, est composé d'un groupe électrogène qui génère un courant de 5 000 à 15 000 volts et qui alimente deux plaques qui détruisent électriquement les adventices à l'avant du tracteur.

PHOTO : ZASSO

Tractés ou manuels, les outils à doigts rotatifs, souvent issus du maraîchage, sont intéressants pour les cultures en ligne. Ils sont de plus en plus souvent assistés par caméras optiques.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

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