Plantes toxiques : être informé pour limiterles allergies et les empoisonnements
Les « belles empoisonneuses » sont responsables d'allergies, notamment chez les professionnels de l'horticulture et des espaces verts, et d'empoisonnements, heureusement rarement mortels, surtout chez les enfants. Présentation des plantes cultivées toxiques à connaître, notamment par les concepteurs de parcs et jardins.
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Chaque année, des plantes sauvages ou cultivées sont causes d'intoxications, la plupart bénignes. Les centres antipoison rappellent qu'il ne faut pas amalgamer les cas rencontrés. Les pathologies professionnelles, principalement allergiques, sont sans commune mesure avec les empoisonnements accidentels des jeunes enfants, des handicapés mentaux ou des apprentis naturalistes, qui se traduisent d'ordinaire par des troubles digestifs. Pour rassurer les professionnels de l'horticulture et des espaces verts, il est bon de préciser les circonstances à risques d'intoxication et les végétaux cultivés potentiellement dangereux.
Organes végétaux toxiques
Les plantes horticoles ornementales cachent bien leur jeu car plusieurs d'entre-elles recèlent de véritables poisons. Il faut ici rappeler avec force que : « Ce n'est pas parce que le principe actif est d'origine naturelle qu'il est anodin ! » Lestoxicologues, pharmaciens, homéopathes et autres herboristes le savent bien.
Les toxines d'origine végétale sont nombreuses et leurs effets sont plus ou moins dangereux pour la santé humaine et animale. Elles sont présentes dans diverses parties de la plante : écorce, feuilles, fruits, racines. Dans ce dernier cas, même si le végétal est reconnu vénéneux, le risque d'ingestion est quasiment nul.
Les cas malheureux concernent principalement la consommation de fruits colorés, notamment les baies. Par leur forme, leur couleur attractive, leur goût agréable, celles-ci ressemblent aux petits fruits comestibles tels que le raisin, l'airelle, le cassis, la mûre ou l'olive. Cela-dit, il faut relativiser leurs effets nocifs car ils se limitent souvent aux graines. L'ingestion de fruits, fréquente chez les enfants, est réduite à la pulpe. La graine très dure, est soit crachée, soit avalée sans être croquée ; ainsi la molécule toxique n'est pas libérée. C'est le cas avec l'arille de l'if ou la drupe du laurier-cerise. Certains enfants ont consommé jusqu'à vingt fausses baies d'if sans manifester de symptômes ! La gousse du cytise hybride (Laburnum x watereri) peut en outre être confondue avec celle du haricot (Phaseolus vulgaris), de la même famille botanique des Fabacées, lorsque les enfants de 4 à 7 ans jouent à la dînette et font « à manger » comme leurs parents ! Le cytise est l'une des causes d'appel les plus fréquentes enregistrées dans les centres antipoison européens, notamment en Allemagne et en Angleterre, dans une moindre mesure en France.
Les feuilles des plantes peuvent être dangereuses (agapanthe, amaryllis, ancolie, anémone, arum, datura, Dieffenbachia, digitale, if, laurier-cerise, laurier-rose, lobélie, muguet, etc.), mais leur aspect et leur consistance sont telles qu'elles dissuadent de les mastiquer. Elles sont coriaces, hirsutes, piquantes, astringentes, amers ou acides.
Quel que soit l'organe végétal en cause, la gravité d'un empoisonnement varie selon la toxicité de la plante, la dose ingérée et le délai d'ingestion.
Vigilance vis-à-visdes enfants
Les plantes que les botanistes qualifient de « belles empoisonneuses » ou de « beautés toxiques » doivent être connues des concepteurs d'espaces verts pour limiter les risques d'intoxication. Toute raison gardée, il s'agit seulement d'éviter la plantation de végétaux d'ornement potentiellement dangereux dans les lieux fréquentés par les jeunes enfants (cours d'écoles maternelles, abords de cantines scolaires, centres aérés, aires de jeux) ou de leur apprendre, ainsi qu'aux plus grands, à s'en méfier.
En effet, la plupart des enfants sont curieux et gourmands. Si des plantes toxiques existent au sein d'un espace vert, ils peuvent y être exposés. Il est donc important de leur enseigner que certains végétaux contiennent des substances vénéneuses ou allergisantes. Cet apprentissage de la nature leur permettra de faire preuve de discernement, par exemple entre les baies faiblement toxiques d'un laurier-cerise (Prunus laurocerasus) et celles comestibles d'un sorbier noir (Aronia melanocarpa).
Les jeunes enfants de maternelle, âgés de 4 à 5 ans, peuvent déjà reconnaître progressive-ment ce qui est dangereux dans un jardin,
ce qu'il vaut mieux, par conséquent, ne pas toucher et surtout ne pas porter à la bouche. Mais il ne devra pas y avoir d'interdiction sans explication, la pédagogie étant importante.
L'agapanthe, par exemple, est une plante à tenir hors de portée des enfants qui s'amuseraient à en croquer les feuilles épaisses. Sa sève est toxique et elle provoque des douleurs dans la bouche, ainsi que des irritations et des sensations de brûlure sur la peau.
En France, les incidents et accidents liés aux plantes touchent essentiellement les très jeunes enfants qui sucent ou mâchonnent tout ce qui est à leur portée, mais sont en général sans conséquence grave. Environ la moitié des empoisonnements d'origine végétale provoque des signes digestifs qui conduisent à avertir le centre antipoison. Les appels reçus correspondent parfois à une intoxication supposée, dans la mesure où l'enfant est retrouvé jouant avec tout ou partie de la plante suspecte. Les décès sont exceptionnels, car les quantités toxiques ingérées sont souvent négligeables. S'il n'en était pas ainsi, les conséquences pourraient, parfois, être beaucoup plus graves. Jean Bruneton, professeur de pharmacognosie à la faculté de pharmacie d'Angers (49), rappelle dans son ouvrage de référence Les plantes toxiques, que la majorité des problèmes signalés chez l'enfant a pour cadre la maison ou le jardin, éventuellement l'école.
Relativiser les risques d'intoxication
La littérature spécialisée en botanique, phytochimie et pharmacognosie, relate des empoisonnements, principalement chez les animaux de la ferme et domestiques (chiots, chatons). Selon les cas, ces derniers provoquent du simple trouble digestif au collapsus foudroyant, en passant par le coma, les troubles respiratoires ou les purgations drastiques. Les herbivores ingèrent d'importantes quantités de matières vertes qui les exposent davantage aux intoxications par les plantes. Celles-ci sont cependant assez rares, les animaux adultes faisant naturellement la distinction entre la bonne et la mauvaise pitance. Les bébés animaux sont plus exposés.Chez l'homme adulte, les allergies d'origine végétale sont plus fréquentes que les empoisonnements. Elles sont principalement dues aux plantes irritantes responsables de dermatites, brûlures ou urticaire. Dans cette catégorie des incidents cutanés, les horticulteurs, fleuristes, pépiniéristes et jardiniers sont exposés par le contact répété avec des végétaux irritants, allergisants ou urticants. Ces réactions cutanées sont tout autant connues des intervenants de la filière bois. La lumière solaire (ultraviolets) peut accentuer les effets d'une dermatite par photosensibilisation avec des plantes de la famille des Apiacées ou des Rutacées. La dermite phototoxique est d'intensité variable, allant du simple érythème jusqu'à l'apparition de bulbes et de vésicules au niveau des zones exposées (au-dessus des mains, sur les poignets, avant-bras, bas des jambes, etc.). En cas de démangeaison, laver immédiatement à grande eau, puis contacter le centre antipoison. Les allergies peuvent également être d'ordre respiratoire ou oculaire. Le frottement des yeux avec des mains souillées par le latex de l'euphorbe ou du Dieffenbachia, par exemple, peut provoquer une conjonctivite. L'allergie respiratoire la plus fréquente est le rhume des foins provoqué par des pollens de plantes sauvages ou cultivées. Cette rhinite allergique saisonnière s'appelle aussi la pollinose. Selon le Dr Jacques Robert du service d'immunologie clinique et d'allergologie au centre hospitalier de Lyon Sud, un pollen allergisant doit être léger, abondant dans la région, transporté par le vent, anémophile, tel que celui des arbres à chatons et des graminées. En revanche, le pollen de pin, surabondant au printemps dans le midi, est lourd et tombe rapidement, créant rarement des réactions allergiques. Parmi les pollens les plus allergisants, citons ceux des graminées (Poacées), de la pariétaire, des plantains, de l'ambroisie à feuille d'armoise, des armoises et de certains arbres (aulnes, bouleaux, olivier, peuplier, saule, cyprès...). Les pathologies professionnelles doivent être signaléesau médecin du travail et par la suite analysées par un spécialiste : dermatologue, allergologue, en lien si nécessaire avec un toxicologue.
Les empoisonnements sont en majorité accidentels. Ils sont rarement mortels. Des cas de décès ont été décrits par exemple avec le laurier-rose, la belladone, la digitale et le colchique. Ce type d'intoxication provient soit d'une ingestion involontaire lorsqu'il y a confusion de végétaux, de leurs fruits ou contamination des aliments, soit d'une consommation volontaire, notamment des plantes (pavot somnifère, cocaïer, chanvre, khat, tabac) élaborant des alcaloïdes assimilés à des drogues récréatives : morphine, cocaïne, tétrahydrocanabinol, cathinone, nicotine. Le Docteur Patrick Harry signale que les appels les plus fréquents d'intoxication par les plantes au centre antipoison et de toxicovigilance d'Angers concernent le muguet, l'arum et le Mahonia. Viennent ensuite le chèvrefeuille, le cytise faux-ébénier et l'if.
Pour conclure en relativisant les risques d'intoxication, citons les écritures de la Bible : « Le très haut a créé les remèdes de la terre (plantes) et l'homme prudent ne doit pas les rejeter. » Comprenons, dans la nature cohabitent le poison et le médicament...
Jérôme Jullien
Muguet (Convallaria majalis), liliacées. Toutes les parties de la plante contiennent des substances irritantes, ainsi que des dérivés toxiques pour le coeur. L'ingestion d'une grande quantité de plante nécessite une prise en charge à l'hôpital avec monitoring cardiaque. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Laurier-cerise (Prunus laurocerasus), rosacées.La consommation de ses fruits noirs provoquede légers troubles digestifs. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
1. Pommier d'amour ou oranger de Savetier (Solanum pseudocapsicum), solanacées. L'ingestion de ses baies à maturité provoque des troubles digestifs.
2. Agapanthe commune (Agapanthus praecox), agapanthacées. Sa sève est toxique et provoque des douleurs dans la bouche, ainsi que des irritations et des sensations de brûlure sur la peau.
3. Arum (Arum sp., Calla sp., Zantedeschia sp.), aracées. Toute la plante est toxique, notamment sa sève et ses baies. Possibilité de coma après ingestion dans les cas graves. D'après le CHRU de Lille, l'ingestion de 2 à 3 baies d'arum (A.italicum, A.maculatum) provoque une tuméfaction de la langue, une irritation de la gorge, des vomissements, des troubles des battements du coeur, éventuellement des convulsions et, parfois même la mort.
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