Fleurs coupées Allier diversité et performance globale
Du ciblage des meilleures variétés aux process optimisés de culture, la station horticole Scradh à Hyères (83) partage ses résultats, contre vents et marées, ou plutôt contre pluies et inondations…Au menu : pivoines, anémones, renoncules, hibiscus, kalanchoe, bouquets à croquer et stratégie globale en PBI.
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Malgré l’alerte météo jeudi 14 novembre, 233 professionnels de l’horticulture se sont déplacés pour les journées techniques et portes ouvertes d’automne au Scradh. Pendant près de 3 heures, les pluies diluviennes ont testé la résistance des serres et abris qui ne sont plus tous récents. Plus de peur que de mal…
La station d’expérimentations horticoles recevait à la fois ses producteurs adhérents et les acteurs du commerce, grossistes et fleuristes, dont les avis sont importants. Les premiers donnant notamment les orientations à suivre, via des commissions spécialisées. Et les seconds – pas encore assez présents – restant plus que jamais indispensables en matière de choix variétaux en fonction de leurs attentes spécifiques et des modes du marché.
Par ailleurs, un groupe de 7 BTS en formation commerce du lycée horticole tout proche, est venu avec leur enseignante découvrir les tendances, les évolutions commerciales, mais aussi – pour les plus curieux et motivés - prendre la mesure des nombreuses contraintes techniques auxquelles les producteurs doivent faire face. La station étant là, en partie, pour chercher, tester, évaluer des solutions aussi innovantes et réalistes et réalisables que possibles.
C’était l’occasion pour tous de découvrir les essais en cours, des cultures à potentiel, un nouvel investissement, un matériel en cours de prototypage, une approche globale de raisonnement de la lutte complètement raisonnée…
Et le temps du repas est très prisé pour partager les soucis et les projets dans la filière locale.
Des fleurs stars ou sur le retour
En ce moment, pivoines, anémones et renoncules font partie des trois cultures porteuses dans le Var, en fleurs à couper. L’optimisation mise toujours plus sur la réduction des impacts envers l’environnement.
Parmi les essais en cours, l’équipe poursuit ses travaux d’évaluation de fleurs coupées.
La pivoine, autrefois méprisée, testée sous la volonté (on pourrait dire la ténacité de l’équipe, dont Michel Mallait, technicien à la chambre d’agriculture), a si bien percé qu’elle vient de dépasser les cultures de roses – en volume de production – pour le Var cette année 2019. Personne ne croyait vraiment au potentiel économique et commercial de cette fleur des champs. Mais les connaissances technico-économiques acquises à la station ont bouleversé la donne. Totalement modernisée, la culture est en pleine phase de transition. Devenue très technique, elle est encore en cours d’amélioration pour la précocité des hybrides (amenés ici entre mi-mai et mi-avril), juste après les apports d’Israël sur le marché mondial. On utilise l’éclairage d’assimilation, et la filtration lente des eaux…
Lis, muflier, giroflée, lisianthus, alstroemeria… : les nouveautés et séries des obtenteurs sont testées pour vérifier leur adaptation aux conditions de production dans le Var et donc en sud de France.
Le Kalanchoe fleur coupée est évalué depuis 4 ans dans une vaste gamme de coloris, unicolores ou bicolores. Bien utilisé en pots ou au jardin, ce genre est encore trop méconnu en tant que fleur à bouquets avec une spectaculaire tenue en vase. En utilisant l’occultation, on peut jouer notamment sur la longueur des tiges.
Le lisianthus est testé en aéroponie pour contrecarrer les problèmes de fatigue de sol et de maladies. Culture économiquement importante, on teste des rotations courtes de culture, facilement renouvelables juste en changeant les plaques de support des mottes. Le système peut être construit « en fait maison ».
Des fleurs à découvrir
Avec d’autres stations, le Scradh cherche aussi à établir des connaissances et des références pour des fleurs « mineures », ou même des plantes locales oubliées, mais à fort potentiel pour la fleur à couper. Dans ce créneau, on voit apparaître des hibiscus (7 cultivars de sabdariffa, testés sous serre et en dirigé), un œillet, la lavande… dont il faut tout apprendre, par exemple la sensibilité aux températures aussi bien qu’à la longueur du jour. Bref, tout ce qu’il faut pour arriver à optimiser le pilotage d’une production, notamment pour pouvoir allonger le calendrier de production.
On connaissait les feuillages à couper… mais, autre curiosité au Scradh : les essais de graminées pour les bouquets, avec un débouché potentiel notamment à Rungis.
Des fleurs à savourer
Sauges diverses, agastaches, capucines, dahlias, bégonias, tagetes… même si les recherches sont moins intenses désormais, le Scradh a acquis de bonnes références sur les fleurs comestibles, bien sûr cultivées en zéro phyto.
Reste à les faire connaître pour que leur production devienne plus économiquement intéressante, et puisse occuper un calendrier de vente plus large que l’habituel été. La variété des espèces permet de choisir dans leurs couleurs (en décoration de plats), ou dans leurs saveurs sucrées, fruitées, anisées, acidulées, amères, épicées ou piquantes (dans des mets, confiseries, boissons) ou même des sensations complexes. Par contre, il faut arriver à décliner une multitude d’usages nouveaux pour diversifier les créneaux de marché. Aux classiques entrées, desserts, préparations culinaires (fleurs cristallisées…), on peut penser texture ou saveur évolutive dans le palais.
Pourquoi, également, ne pas farcir les grands pétales de dahlias (comme les fleurs de courgettes).
Une idée à développer : les bouquets à offrir, qui décorent mais peuvent être dégustés par les invités…
Mais les freins restent forts contre le fait de manger des fleurs, d’autant plus rebutant que les personnes restent focalisées sur l’émotion qu’apporte une fleur. Reste à travailler l’information, la pédagogie, la communication… L’équipe persévère.
Filtration lente et aspirateur de thrips
Parmi les investissements, la station s’est dotée d’une station de filtration lente pour la désinfection des eaux recyclées, un équipement devenu indispensable. Ici, cette technique est mise en œuvre pour les cultures hors-sol de renoncules, anémones et pivoines, toutes en vogue en ce moment.
Parmi les curiosités : le Pautorose, un prototype de matériel automatisé pour souffler dans les rangs de rosiers et en aspirer les thrips. Le concept s’affine. Il va encore - l’an prochain - bénéficier de l’intervention d’un professeur et d’un stagiaire en robotique. Leur école au départ n’est pas active en agriculture, mais le challenge l’a intéressée et elle relève le défi d’une application en horticulture.
Des stratégies globales en PBI contre les ravageurs
La protection raisonnée, ou maintenant intégrée des cultures a longtemps été abordée par culture et par ravageur, séparément. Il est temps d’associer toutes les expériences acquises depuis les années 2000, mêmes les plus originales, sur fraises, sur fleurs, sur aubergines, sur rosier… Il s’agit de mettre en commun tous les résultats pour utiliser et optimiser tout ce que l’on sait faire. Tout en réduisant au possible les impacts négatifs sur l’environnement.
Dans le programme Hab’Alim, prévu pour 2020-2022 dans le cadre d’un financement CasDar, le Scradh va aller encore plus loin dans une approche globale la plus poussée possible. Les thrips, pucerons, acariens, noctuelle, cochenille farineuse n’ont qu’à bien se tenir. Le process prévoit aussi bien de veiller à l’équilibre auxiliaires/prédateurs, à tous les aspects de la gestion climatique. On adopte toutes les solutions possibles sur place pour alimenter les auxiliaires ; cela passe, par exemple, par la caractérisation des pollens mangés par les thrips. Mais aussi le recyclage des effluents, les biostimulants, les UV-C, la lutte par soufflage/aspiration.
On vise au maximum la sécurité et l’autonomie de l’agrosystème cultural, la sédentarisation des auxiliaires. Au final, on associe technologies, agronomie et logique pour constituer une stratégie globale de solutions très complémentaires. La réussite d’un tel programme ambitieux devrait redonner un vrai sens au métier de producteur, non pollueur, observateur et inventif à la fois… il redeviendra un vrai stratège dans ses cultures.
Odile MaillardPour accéder à l'ensembles nos offres :