Télévision Même déformé, le miroir doit être décrypté
Une émission de Capital - sur la chaîne M6 le 13 octobre 2019 - s’est intéressée à la passion des élus pour les espaces verts à l’approche des élections municipales. On peut discuter des contenus, mais l’image renvoyée mérite d’être connue.
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Faut-il s’intéresser à une émission de télévision grand public, qui plus est une émission qui recherche toujours le chiffre et la phrase choc et sensationnelle, lorsque l’on agit dans la seule sphère professionnelle ? Impossible de répondre non à cette question. Pour la simple raison que le regard que pose notre société sur notre activité - même déformée par les idées reçues ou par un idéal inatteignable - l’influence à moyen terme. Pour s’en convaincre, il suffit de constater comment, en quelques mois seulement, les agriculteurs sont devenus l’un des exutoires des passions souvent contradictoires de la société, accusés de polluer, de maltraiter les animaux, d’empoisonner les milieux naturels et on en passe… Mieux vaut garder un œil sur l’image que nous renvoyons vers la société chaque fois que l’occasion se présente pour comprendre comment nos actions sont comprises et appréhendées, et imaginer quelle histoire on peut raconter autour…
Surenchères de promesses sur la qualité de vie
L’une des dernières occasions en date de mener à bien cette tâche s’est présentée le 13 octobre dernier en soirée avec l’émission Capital qui s’intéressait au thème « Qualité de vie, que font les élus de notre argent ».
Les journalistes en charge de l’émission ont remarqué qu’à l’approche des élections municipales de l’an prochain, les candidats faisaient preuve de surenchères de promesses sur la qualité de vie, que ce soit pour éloigner la voiture des villes, un premier reportage, ou pour planter toujours plus d’arbres dans les villes, le troisième reportage, celui qui parlait de nos espaces verts.
Car c’est prouvé (et c’est pour nous une bonne nouvelle !), les gens recherchent un cadre de vie de qualité, et les espaces verts comptent pour beaucoup à ce niveau.
Et l’émission de citer Angers, ville la plus verte de France, avec 100 m2 d’espaces verts par habitant. Selon l’émission, 1 euro investi par une collectivité pour attirer touristes, nouveaux habitants et investisseurs, rapporte - à terme - 40 euros de retombées sous forme de taxes.
Et 5 millions seraient investis chaque année par les communes pour créer de nouveaux espaces verts.
Ces techniques qui influencent les coûts
Les journalistes ont, par-contre, découvert que les espaces verts des villes avaient un coût (c’est l’un des ressorts de l’émission de toujours faire semblant de découvrir que tout service et que tout investissement a un coût…). Ils se sont rendus à Nancy et à Montélimar pour montrer comment les choix techniques des services pouvaient influer sur les sommes à investir.
Ramasser les feuilles et les mettre en décharge représente des sommes importantes pour les services des espaces verts (115 euros la tonne dans le cas présenté) alors que les rassembler dans des endroits où elles ne gêneront pas pour les composter représente des économies sur le paillage et la fertilisation. Classique. Même si la question de la journaliste qui demande, sous un arbre encore plein de feuilles, si l’agent qui vient de ramasser dessous les premières tombées « sera tranquille pour trois mois » fait sourire et en dit long sur les connaissances des reporters sur le sujet. Mais c’est en fait représentatif du regard des urbains sur les arbres !
Autre pratique montrée du doigt par l’émission, les plantations de massifs fleuris qu’il faut renouveler tous les 6 mois alors qu’ils coûtent 200 euros /m2, alors que les vivaces - à terme - ne coûtent que 45 euros /m2. Mais seule une commune sur 20 planterait des vivaces car les agents ne les connaissent pas assez, qu’elles n’ont pas un effet immédiat assez fort et qu’il y a le poids des habitudes… On s’étrangle quand on sait combien les vivaces se sont développées et combien les annuelles ont été réduites !
La gestion différenciée vécue comme une injustice
Le fait que les habitants participent volontiers au repiquage des annuelles dans le cadre d’ateliers de jardinage a aussi été présenté comme une manière de fleurir à plus faible coût.
Par contre, la présentation de la gestion différenciée et les différentes typologies d’espaces (prestige, soigné, ou naturel) aux habitants des villes par les journalistes est clairement vécue comme une injustice par les habitants qui ont le sentiment qu’ils paient tous les mêmes impôts et devraient donc bénéficier des mêmes niveaux de prestation…
Le reportage s’est ensuite intéressé aux subventions que les régions, départements et agences de l’eau peuvent distribuer pour la création d’espaces verts, précisant qu’aujourd’hui les villes qui en créaient le plus étaient celles qui maîtrisaient le mieux le jeu des subventions. Là encore, aucune source pour cet argument…
Enfin, le reportage s’est intéressé à la ville de Courbevoie, en région parisienne, pour montrer comment le fait de réaliser, devant la gare, un espace vert à la place d’un parking, a fait monter le prix des appartements et a permis au cafetier d’augmenter son chiffre d’affaires, « de 20 % », espère-t-il. Le maire explique aussi comment il exige de récupérer des surfaces pour créer des espaces verts pour chaque opération immobilière dans la ville.
Au final plutôt positif, mais…
Comme toujours, l’émission a soufflé le chaud et le froid, avec au final une note plutôt positive sur les attentes des urbains en termes d’espaces verts, mais avec une exigence d’optimisation des coûts. Le miroir télévisuel nous a pour l’occasion renvoyé une image sans grosse surprise, dans l’air du temps. On attend les services de notre filière mais cela ne constitue pas un sauf conduit pour des opérations délirantes. Rassurant. Sauf que, dans l’ensemble des chiffres assénés, le grand public peut vite faire des amalgames et se perdre dans la notion de coût de création ou d’entretien des espaces…
Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :