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Quel est votre diagnostic ? « Le cynips du châtaignier :des répercussions sanitaires en pépinières, espaces verts, vergers et forêts »

© Jérôme jullien

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Par Jérôme Jullien, expert horticole

Itinéraire d’un invasif

Le cynips Dryocosmus kuriphilus est un micro-hyménoptère cécidogène inféodé au châtaignier. Originaire de Chine, il a colonisé le Japon en 1941, puis la Corée du Sud en 1963, avant de migrer en 1974 dans le sud-est des Etats-Unis. On l’a détecté en Europe pour la première fois en 2002 dans le Piémont italien. En 2005, sa présence a été confirmée en Slovénie et en 2006, il a été découvert en France au col de Tende dans les Alpes-Maritimes. En 2007, des galles ont été observées dans une pépinière sur des arbres importés en Haute-Garonne. Son aire de répartition s’est étendue ensuite aux zones castanéicoles, en atteignant d’abord le Var, puis progressivement d’autres châtaigneraies françaises, vergers, haies ou forêts (PACA, Corse, Auvergne Rhône-Alpes, Occitanie, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire, Ile-de-France…). En 2009, le ravageur a été identifié en Suisse dans le Tessin, puis en 2013 en Espagne et au Portugal.

Morphologie de l’adulte

Du sous-ordre des Apocrites (abdomen séparé du thorax par un fort étranglement), le cynips adulte a un corps noir de 2,5 à 3 mm de long avec la base des antennes et l’extrémité des pattes plus claires. Son abdomen présente un pétiole et en partie postérieure, le premier article du gastre est très grand. Le premier segment abdominal fusionné au thorax est orné de 3 carènes longitudinales. Ses pièces buccales sont de type broyeur. L’apex de son clypeus (partie de la tête comprise entre la cavité buccale et l’origine des antennes, portant la lèvre supérieure) et ses mandibules sont brun-jaunâtre. Ses antennes comptent 14 articles et ses ailes membraneuses ont peu de nervures.

Confusions possibles

Vu de loin, le dépérissement foliaire d’un châtaignier peut s’apparenter aux effets de divers facteurs biotiques ou abiotiques. En revanche, vu de près, l’observation des galles du cynips au niveau des bourgeons, des feuilles et des inflorescences, ne fait en général aucun doute sur l’auteur des dégâts.

Transmission et développement

Les larves du cynips passent l’hiver dans les bourgeons sans symptômes apparents. Mais au printemps, avec l’augmentation des températures, leur reprise d’activité entraîne la formation de galles sur les organes végétaux en croissance (pousses, inflorescences, pétioles, nervure centrale des feuilles). Elles se nourrissent pendant 20 à 30 jours à l’intérieur des galles avant de se nymphoser. Les jeunes adultes sont uniquement des femelles. Ils restent 10 à 15 jours dans les galles avant d’émerger entre mi-juin et mi-août selon les régions et les années, pour coloniser de nouveaux sujets. On estime qu’ils peuvent parcourir une distance de 25 kilomètres environ. Après la sortie des adultes, les galles sèchent, brunissent et restent accrochées sur l’arbre. Les femelles parthénogénétiques thélytoque (reproduction sans fécondation par des mâles, descendants femelles) vivent 15 jours tout au plus. Elles pondent jusqu’à 150 œufs, à raison de 3 à 5 œufs par bourgeon dormant et vert à l’aisselle des jeunes feuilles. À l’aide d’une loupe de poche, on peut voir les piqûres de pontes. Après 30 à 40 jours, les œufs éclosent et les larves débutent leur croissance avant l’automne, puis entrent en diapause hivernale. Il n’y a qu’une seule génération par an.

Impacts des infestations

Tous les châtaigniers n’ont pas le même niveau de sensibilité au cynips. Les plus vulnérables sont le châtaignier d’Amérique (C. dentata) poussant aux Etats-Unis et le châtaignier commun (Castanea sativa) spontané en Europe et en Asie mineure. Mais certaines espèces (C. crenata, C. mollissima) comprennent des clones tolérants. Il existe même des taxons (C. alnifolia, C. crenata ‘Bouche de Bétizac’, C. pumila) et des hybrides (C. mollissima x C. dentata aux Etats-Unis) résistants.

Progressivement, les sujets les plus exposés au ravageur accusent une réduction de croissance et de rendement : entre-nœuds courts, feuilles petites et déformées, perte de bogues jusqu’à 60-80 %, avec dépérissement de rameaux et branches et très rarement du tronc lorsqu’il est jeune, en cas de pullulation. En quelques années, une production de châtaignes peut devenir non rentable et les parcelles abandonnées. Le délaissement des arbres peut contribuer à l’extension des maladies de l’encre (Phytophthora cambivora) et du chancre (Cryphonectria parasitica).

Statut réglementaire

Le cynips du châtaignier fait partie de ces insectes invasifs d’origine asiatique, parvenus en Europe ces dernières années et qui ont des répercussions sanitaires importantes en pépinières, espaces verts, vergers et forêts. Considéré comme le ravageur le plus nuisible de cette essence dans le monde, il a d’abord été classé comme organisme de quarantaine dans l’Union européenne, avant de changer de statut réglementaire en 2014, son éradication étant devenue impossible. Il est désormais prohibé uniquement dans les zones protégées de l’Union européenne reconnues indemnes et dans les départements français castanéicoles, où des arrêtés préfectoraux ordonnent une lutte obligatoire dans un but d’intérêt collectif.

Surveillance mutualisée

Les suivis de la biologie et de la progression territoriale du cynips ont été réalisés de façon complémentaire par le réseau d’épidémiosurveillance Ecophyto en espaces verts (JEVI), arboriculture fruitière, pépinières ornementales et forestières, le réseau du département santé des forêts (DSF), les plans de surveillance spécifiques annuels pilotés par les services phytosanitaires du ministère chargé de l’agriculture, en lien avec les FREDON et FDGDON, les chambres d’agriculture, les instituts techniques et les producteurs professionnels formés. Cette surveillance mutualisée a permis de recenser les foyers d’infestation au plus tôt et de mettre en place des mesures de lutte intégrée dans les situations les plus exposées sur le plan économique (production de plants, châtaignes, farine, miel, aliments de base pour les secteurs porcins, bovins ou ovins…) et écologique. D’ailleurs, pour accompagner cette démarche, les pouvoirs publics ont publié un arrêté le 21 décembre 2015 relatif à la prise en charge partielle des indemnisations versées par le fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) aux producteurs ayant subi des pertes économiques consécutives aux attaques du cynips du châtaignier, avec arrêt de croissance ou de production.

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