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Biodiversité Association Symbiose Des plantes pour redonner vie aux paysages agricoles

Depuis 2012, l’association « Symbiose, pour des paysages de biodiversité » cherche à renforcer la biodiversité et la qualité des paysages agricoles en Champagne-Ardenne via des aménagements ciblés.

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La Champagne crayeuse est l’une des régions françaises qui a subi les plus grands bouleversements écologiques au cours du XXe siècle. À partir des années 1950, un défrichement soutenu a permis l’extension des surfaces agricoles, principalement pour les céréales, la luzerne et les betteraves à sucre. Ces productions intensives ont contribué à la perte de biodiversité et à l’uniformisation du territoire. Depuis une dizaine d’années, l’association « Symbiose, pour des paysages de biodiversité » accompagne les acteurs locaux dans le développement d’actions visant à réintroduire plus de biodiversité. « Le facteur de réussite est d’impliquer les agriculteurs, sans oublier les autres acteurs du territoire, viticulteurs, chasseurs, collectivités territoriales. Cette adhésion n’est possible qu’en proposant des solutions simples et en démontrant les intérêts environnementaux, économiques, paysagers et fonctionnels », précisait Jérémy Miroir, écologue et membre de l’association lors du congrès national 2018 d’Hortis de Reims. Retour sur trois exemples de démarches engagées en région.

Aménager les pieds de pylônes

Dans le cadre de la reconstruction de la ligne électrique haute tension reliant Charleville-Mézières (Ardennes) à Reims (Marne) en 2016, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE s’est associé à Symbiose pour réduire l’empreinte environnementale de cette infrastructure. Les études préalables ont permis de proposer trois types de structures pouvant être combinées en fonction de l’intérêt écologique à privilégier sur le secteur et des attentes de l’exploitant. Plus de 80 pieds de pylônes ont été aménagés avec des couverts herbacés (dactyle aggloméré, pâturin commun, pâturin des prés, lotier corniculé, trèfle blanc…), des couverts fleuris à base d’espèces sauvages (origan, grande marguerite, coronille bigarrée…) ou des massifs arbustifs avec des essences locales sélectionnées pour leurs fleurs ou leurs fruits (prunelier, viorne obier, cornouiller sanguin, nerprun purgatif, bourdaine…). Les atouts de cette démarche sont multiples. Pour les agriculteurs, elle permet l’utilisation d’espaces auparavant délaissés, sources de développement d’espèces végétales envahissantes se disséminant dans les parcelles avoisinantes. Désormais ils accueillent des auxiliaires des cultures afin de lutter contre les ravageurs. Pour les chasseurs, naturalistes et apiculteurs, ces aménagements constituent un moyen de renforcer la biodiversité en favorisant la présence de zones refuges destinées aux oiseaux, gibier ou insectes pollinisateurs. Du côté de RTE, elle permet un entretien raisonné des pieds de pylônes qui facilite les travaux de maintenance et réduit les risques de détérioration. L’association va suivre ces plantations jusqu’en 2022 pour évaluer l’impact réel sur la biodiversité puis ajuster les programmes d’actions afin d’en améliorer leur pertinence.

Engagés pour les abeilles

En 2014, l’association Symbiose a lancé un projet baptisé Apiluz. Inédit en Champagne-Ardenne, il s’étend sur une période de trois ans sur la commune de Beine-Nauroy (Marne). Il s’agissait de conserver des bandes de luzerne en fleurs tout le long de la période de culture (la luzerne se récolte en quatre passages de mai à octobre) afin d’apporter une source d’alimentation en nectar et pollen supplémentaires pour les pollinisateurs, notamment pour les abeilles mellifères. Ces bandes non fauchées ont également un effet positif pour les populations de passereaux et de perdrix, offrant un abri pour les nichées et une source d’alimentation grâce à la présence renforcée d’insectes. Symbiose s’est associée pour l’occasion à deux coopératives de luzerne déshydratée et au Réseau biodiversité pour les abeilles (RBA). Le bilan s’est avéré concluant puisque l’expérimentation a permis de multiplier la période de disponibilité de ressource alimentaire pour les pollinisateurs par deux à trois et d’augmenter la population d’abeilles et de papillons. Pour l’apiculteur engagé dans le projet, la récolte de miel a été globalement plus abondante. Des pertes économiques liées à la récolte décalée de ces espaces existent, mais les coopératives ont conscience de leurs bénéfices environnementaux. Les acteurs ont donc décidé de poursuivre et d’étendre le programme Apiluz en établissant un nouveau cahier des charges s’appuyant sur les trois années d’expérimentation et permettant de répondre aux besoins d’augmenter la ressource alimentaire des pollinisateurs lors de périodes critiques (de fin mai à fin juin), tout en limitant l’impact sur la production.

Une trame verte avec les agriculteurs

Depuis 2016, un groupement composé d’une douzaine d’agriculteurs du secteur de Tilloy-et-Bellay (Marne), petite commune rurale à l’est de Châlons-en-Champagne, s’est mobilisé autour de la biodiversité, en particulier de la restauration des continuités écologiques sur son territoire, essentiellement des grandes surfaces céréalières, de betteraves ou de pommes de terre. L’association Symbiose les a accompagnés dans leur démarche, mettant à disposition des compétences techniques et scientifiques pour réaliser un état des lieux et faire des propositions. L’analyse préalable soulignant l’intérêt des bords de chemin pour la biodiversité, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif, des actions d’aménagements de ces espaces ont été lancées. Les bords de chemin ont été ressemés avec un mélange de graminées, légumineuses et jachères fleuries. Des étudiants de l’IUT de Châlons-en-Champagne et du lycée agricole de Somme-Suippe ont travaillé sur l’élaboration d’un outil spécifique, le Sem’Obord. Ce semoir équipé d’un rotavator et d’un rouleau pneumatique fixés sur un bras mécanique permet de ressemer facilement des bords de champs. Pour renforcer la trame verte et contribuer à la diversification des paysages, d’autres modalités de plantations ont été réalisées, notamment des bandes de luzerne fleuries ainsi que des bandes intraparcellaires et des haies. Aujourd’hui, l’ensemble des agriculteurs de la commune sont engagés dans la démarche, avec à la clé près de 160 km de bords de chemins concernés. Un atout pour sensibiliser les citoyens et renforcer l’attractivité de la commune pour Christian Carboni, le maire de la commune.

Yaël Haddad

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