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Ces jeunes inconnus qui font et défont le marché

Sur Internet et les réseaux sociaux, de jeunes autodidactes imposent de plus en plus leurs idées conso. Mieux les connaître aide à adapter son offre.

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«La génération Z est en train de prendre les devants sur le marché. Les mil­len­­­nials (la géné­ration Y, née dans les années 1990-2000) et la génération Z, qui la suit, sont en passe de devenir majoritaires aux commandes des entreprises à l’échelle planétaire. » C’est à partir de ce constat que Manuel Rucar­, tendanceur chez ChloroSphère, a tenu au Salon du végétal la conférence « Tendance 2021 ». Et puisque ces jeunes générations occupent désormais une place­ prépondérante, il importe plus que jamais de prendre en compte leurs goûts et leurs attentes pour actualiser son offre de produits dans les magasins.

Pour Manuel Rucar, 2021 sera une année intéressante car pleine de créativité, avec des consommateurs en recherche de sens dans ce qu’ils consomment et qui vont retrouver­ la culture du jardin (lire notre édition du mois dernier, page 39). Fini la surconsommation et ses dégâts sur l’environnement, exit la hiérarchie figée­, l’heure est au « zéro déchet », à un nouveau mode de vie parfois extrême dans la nature, voire au catastrophisme. En réac­tion­, les maires plantent à tout va dans leurs agglomérations, les archi­tectes verdissent les balcons des im­meubles qu’ils dessinent. Le végétal est une valeur forte. En termes de communication, il est parti dans d’autres secteurs que l’horticulture : le sérum de beauté est devenu végétal, ainsi que le steak des vegans !

Mieux prendre en compte les attentes de ces nouvelles générations passe dorénavant par Internet et surtout par Instagram, un réseau social privilégiant la diffusion de contenus par l’image.

Des influenceurs qui font la pluie et le beau temps

Ce réseau compte désormais des influenceurs qui peuvent faire la pluie et le beau temps sur le marché, car ils sont suivis par des milliers de fans. Mieux connaître ce monde permet de rester au contact. Plusieurs d’entre eux ont ainsi été invités au Salon du végétal pour se présenter et expliquer comment ils en sont arrivés à devenir des références pour un nombre incalculable d’amateurs de plantes.

Carole, qui a créé son blog « Une fleur parmi­ les fleurs » et qui poste régulièrement des vidéos de ses activités sur YouTube, ou Mathieu, qui a créé la page Facebook­ Passion végétale, ont en commun de ne pas s’être lancés d’emblée dans le secteur horticole mais d’y être venus­ par passion. Ils ont à peine la trentaine mais ont « toujours eu des plantes d’intérieur, une bulle d’oxygène » et l’envie de partager leur passion. Internet est l’outil de diffusion­ idéal, grâce à sa puissance phénoménale­.

Il est intéressant de noter que leurs centres d’intérêt ne reposent pas forcément sur les plantes hyper tendance dont tout le monde­ parle. Eduardo, par exemple, qui a fondé le compte Instagram Gaspard à table, est tombé amoureux des dahlias après avoir été en contact avec un horticulteur anglais qui propose des variétés à couper pour les mariages. « C’est une plante pour laquelle il existe beaucoup d’a priori, que l’on classe dans les fleurs de grands-mères, mais il en existe de toutes tailles, de toutes formes et de toutes les couleurs », explique le passionné. Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue que parmi­ les végétaux les plus tendance chez les jeunes actuellement, les plantes rétro occupent une large place, Sansevieria ou Colocasia, pour ne citer que ces exemples. Qui aurait cru, lorsqu’elles sont tombées en désuétude dans les années 1980, qu’elles redeviendraient à la mode ?

Recherche d’originalité

Interrogés lors du Salon par Emmanuelle Saporta, journaliste à Détente Jardin, sur les circuits de commercialisation qu’ils affectionnent, les influenceurs d’Internet ont aussi eu des réponses assez clas­siques : ils se rendent en magasin parce qu’ils aiment voir et toucher les plantes, mais commandent les raretés sur le Web, les échangent parfois avec d’autres passionnés. Ils essaient souvent de se pro­curer leur bonheur auprès de collectionneurs, préfèrent acheter bio, une valeur im­portante mais pas forcément incon­tour­nable, quand ils le peuvent. Ils recherchent par contre avant tout l’originalité. Ils ont « parfois du mal avec les ca­talogues français » et n’hésitent pas à se fournir à l’étranger si besoin. Évidemment, ils sèment, bouturent et multiplient, ce qui reste in fine la meilleure manière­ d’assumer leur passion.

Autre point sur lequel les influenceurs ont échangé : leurs abonnés (followers). Ils sont essentiellement urbains, avec peu de connaissances en matière de vé­gétal (ils posent des questions de débutant). Ils s’interrogent beaucoup sur les orchidées, le potager et le balcon… Bref, des tendances relativement classiques actuellement.

S’ils échangent beaucoup avec des particuliers, les tendanceurs ne rechignent pas forcément à rentrer en contact avec les entreprises, une bonne nouvelle pour les professionnels, qui peuvent nouer des liens avec eux pour mieux faire connaître leur gamme. Ils enlèvent parfois la marque des produits qu’ils utilisent lorsqu’ils réalisent leurs vidéos, mais pas tous, et il semble que certains qui au début étaient très at­tachés à travailler sans marque vi­sible soient de plus en plus ouverts à des par­tenariats. « Le message que l’on cherche à faire passer, explique l’un d’eux, est que l’on peut tous avoir une plante ou deux, que c’est facile. Avoir la main verte s’apprend, tout est accessible à qui est sen­sible aux plantes­. »

De parfaits émissaires pour les produits horticoles, sur lesquels il vaut mieux s’appuyer­ ! Sans compter que, comme le rappelle Manuel Rucar, ces influenceurs sont aussi devenus les services après-vente de la filière auprès des jeunes. Des inconnus, mais incontournables !

Pascal Fayolle

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