Ville nature : il est temps de passer à l’action
Lors de la journée professionnelle qui a ouvert l’événement Jardins Jardin aux Tuileries le 5 juin, Val’Hor et l’association CIBI (1), ont lancé un appel à agir pour changer le logiciel de la conception des villes, dans lesquelles le végétal doit prendre plus de place.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Pour les nombreux professionnels invités à s’exprimer lors de cet « appel à l’action pour une ville-nature », il n’y a pas de doutes possibles : nous devons aujourd’hui faire face à deux urgences, celle du climat et celle du vivant. Pour le climat, la montée des températures moyennes est une réalité. Pour le vivant, la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques a récemment fait état d’un effondrement du vivant sans précédent : un million d’espèces est menacé. Cette étude a été largement relayée dans les médias. Les insectes en général (et en particulier les abeilles), mais aussi les moineaux (près des trois-quarts ont disparu à Paris), pour ne citer que ces exemples, le prouvent.
« Demain, la ville devra être plus verte », estime donc Rollon Mouchel-Blaisot, préfet et directeur du programme Action Cœur de Ville, qui a signé en préambule de ce rendez-vous professionnel une convention « Action cœur de ville » avec Mickaël Mercier, président de Val’Hor. Un document qui se veut un « acte fort pour l’intégration du végétal dans les programmes de revitalisation des centres urbains. Nous essayons de le faire dans tous les programmes que nous menons, mais nous savons que nous n’y arriverons pas seuls et qu’il y aura des réticences », a poursuivi le préfet. C’est pourtant pour lui une urgence : « si nous ne modifions pas le logiciel des aménagements urbains, nous irons vers un crash de la société. Notre rôle est donc d’informer les professionnels de ce qui se passe et de les inciter à être partie prenante pour construire un paysage plus durable », conclut-il, appelant Val’Hor à créer, dans le prochain concours des Victoires du paysage, une catégorie Cœur de ville pour montrer son implication sur ce sujet. Mais le but reste, selon lui, de montrer que « grâce au végétal, on peut transformer une ville ».
Pour que le paysage et la nature deviennent la matrice des aménagements urbains
Jean-Marc Bouillon, président d’Honneur de la Fédération française du paysage et créateur d’un fonds de dotation pour les infrastructures vertes, a tenu à expliciter son action : « parler d’infrastructure verte est-il paradoxal ? Le premier terme évoque la technologie, le second se rapporte plus à la culture. Dans la logique actuelle, le logement, les actions et la technologie s’imposent au détriment de la nature. Il faut changer cette façon de faire, que le paysage et la nature deviennent la matrice des aménagements urbains, reconnecter la ville à la nature », poursuit le paysagiste qui en appelle à un « reset » du logiciel, comme on le fait sur un ordinateur pour en revenir à son mode de fonctionnement d’origine. Mais il reste optimiste. Pour lui, le partage et l’autonomie de la voiture vont désengorger les zones urbaines et libérer de l’espace pour le végétal en ville. Des lanières végétales pourront prendre la place de rues devenues trop largement dimensionnées.
Daniel Breuiller, vice-président de la Métropole du Grand Paris, délégué à la mise en valeur du patrimoine naturel et paysager ainsi qu’à la politique de la nature et à l’agriculture en ville, qui a insisté sur la disparition des moineaux dans Paris, rappelle que des propositions pour transformer les autoroutes urbaines en forêts urbaines ont déjà été émises. Aujourd’hui, l’intention n’y est pas encore. Si l’on a pris conscience qu’il faudra demain imperméabiliser moins de terres urbaines, 1 500 ha de pleine terre ont encore disparu dans le Grand Paris ces dernières années. Et plus de 70 % des parisiens vivent, selon lui, dans des îlots de chaleur potentiels. « La transition est donc une nécessité ». Et les services rendus par la nature, pourtant bon marché, ne sont pas assez mis en avant. Selon lui, la bonne nouvelle est que 60 % des Français font de la nature en ville leur priorité absolue pour les prochaines élections, les municipales de 2020. Cela devrait booster la volonté politique, première nécessité pour changer de paradigme…
On pourrait ajouter à ces témoignages celui de Marion Waller, philosophe de l’environnement, qui estime que lorsque l’on disait il y a quelques années que les villes devaient connaître une restauration écologique, beaucoup de gens en riaient, ce n’est aujourd’hui plus le cas. Reste à faire des choix importants au moment d’aménager les espaces, par exemple sur les matériaux, béton ou bois ?
Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il y a urgence, en raison des signaux cités plus haut, érosion de la biodiversité et changement climatique. Mais aussi parce que moins les nouvelles générations sont élevées au contact de la nature, moins elles ont conscience de sa nécessité et de ses bienfaits. Un chercheur du Muséum d’Histoire naturelle de Paris parle d’amnésie de nature : moins elle est présente, moins elle fait partie de l’imaginaire des jeunes générations. De quoi accélérer le processus au fur et à mesure du passage des générations. À ce rythme, on ne parle plus d’urgence, mais d’une question de vie ou de mort !
Pascal Fayolle(1) Conseil international biodiversité et immobilier.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :