À Pessac, près de Bordeaux Arago, la cité passée de désert végétal à bois habité
Barre abattue pour créer un parc, travail sur l’identité de différents immeubles par le choix de la gamme végétale… dans cette cité de Pessac (33), le végétal joue pleinement son rôle social.
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C’est une histoire de contrepied. La cité Arago, à Pessac (33), tout près de Bordeaux, ressemblait à beaucoup d’autres en France : les barres d’immeubles semblables et entassées les unes sur les autres formaient un cadre de vie totalement dégradé. Le projet de réhabilitation, lancé en 2011 et terminé en 2016, a proposé de prendre l’exact inverse de l’existant : un urbanisme poreux contre une cité monobloc, un éventail de façades différenciées contre la monoarchitecture, un projet de bâtiment basse consommation (BBC) contre la gabegie énergétique… Et surtout, en matière de végétal, contre le désert, une diversité de typologies, une bambouseraie, un parc, des jardins fleuris, un verger, un square à l’anglaise…
En cinq ans, la cité a totalement changé de visage. Les immeubles ont été isolés par l’extérieur, des balcons ont été insérés le long des façades pour agrandir et agrémenter les appartements. Une barre entière a été détruite, ce qui a ouvert l’espace pour la création du parc, qui structure la cité dans son sens nord-sud, et surtout qui permet l’accès au tramway. Désenclaver et hiérarchiser les voies d’accès au quartier faisaient en effet partie dès le départ des objectifs à atteindre. Et le végétal y a joué un rôle majeur, le parc étant croisé par un autre axe de verdure, la méridienne verte. Des voies piétonnes végétalisées donnent accès aux transports en commun, à l’école, au centre-ville ou à la médiathèque. La participation des habitants a été requise pour déterminer les lieux d’implantation de jeux pour enfants, de sites aménagés pour le pique-nique ou d’aires de repos.
De l’identité et de l’intimité grâce aux végétaux
Au-delà de ce cadre général, les concepteurs ont voulu donner au site une nouvelle image de « bois habité » qui fonctionne bien. Le travail de la paysagiste Anouk Debarre s’est appuyé sur une analyse paysagère du site, qui comprenait le parc de Camponac, à l’est, remarquable par la présence d’essences nobles comme les pins parasols, les cèdres et cyprès chauves, témoins d’une conception de la fin du xixe siècle. Au nord-ouest, une « chênaie primaire » influence le site par le biais de quelques arbres disséminés dans la cité. L’ensemble est qualifié « Espace boisé classé » (EBC). Enfin, une résidence au sud-ouest est implantée dans une pinède.
Face à ce constat, la paysagiste a voulu pallier le manque d’arbres dans la cité d’Arago en proposant un reboisement identifiant les voies principales et les espaces majeurs. L’avenue de la Châtaigneraie, qui traverse l’intégralité de la zone, a été plantée d’un mail de pins parasols. La méridienne verte prolonge la chênaie par un alignement de chênes rouges et de nombreuses autres espèces.
Chaque secteur, autour d’un bâtiment, a été marqué par une palette végétale d’essences locales lui conférant une identité. Cette végétation a été implantée sur des modelés afin de donner de l’intimité aux espaces collectifs, mais aussi aux habitants des logements situés dans les parties basses des immeubles, qui pouvaient souffrir auparavant d’une exposition permanente sur les rues et les différents accès. Ce travail d’aménagement n’a pas été réalisé qu’avec des végétaux. Des terrassements maintenus par des murs, des enrochements de même que des buttes ont également été dessinés dans ce sens.
Les lieux de stationnement ont aussi fait l’objet d’un travail particulier. Largement plantés, ils sont devenus des lieux de vie et leurs sols ont été travaillés. Des courettes équipées de haies constituées de grilles végétalisées confèrent à l’ensemble beaucoup de cachet. Dispersées dans le quartier, les aires de jeux ont aussi bénéficié d’un travail d’isolation par la végétation, ainsi que les aires de repos. Un boulingrin devant le centre social, des clairières dans le bois de la méridienne ou des salons verts dans les angles du square anglais ont été aménagés.
Des récompenses et une nomination aux Victoires du paysage
Les appartements qui ont été mis aux normes BBC ont privilégié les ouvertures au sud. Traversants pour les deux tiers d’entre eux, ils disposent de moins d’ouvertures au nord. Des cheminements le long des immeubles ont fait l’objet de plantations adaptées de manière à créer des promenades linéaires ensoleillées, odorantes et colorées. Enfin, le fil de l’eau a été calé sur la topographie des cheminements, en modelant les pentes vers des noues paysagères. Par exemple, la promenade nord-sud est bordée d’une noue rythmée par différentes séquences, rigoles de galets, fossés dans le sous-bois, bassin enherbé… Chaque voie est aussi équipée d’un caniveau à ciel ouvert, prétexte à un calepinage qualitatif des surfaces minérales les plus banales.
Le quartier Arago de Pessac a obtenu le niveau 3 du label ÉcoQuartier du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales en décembre 2016. Les bâtiments répondent au label H&E (anciennement Qualitel et dont les critères sont dérivés du label HQE), pour habitat et environnement, et évidemment à la RT (réglementation thermique) 2012. Enfin, il a été nominé aux Victoires du paysage en 2018. Une belle performance pour un site qui devrait inspirer bien des réhabilitations de quartiers en souffrance.
Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :