Login

Sites remarquables Le canal du Midi poursuit sa transformation

La célèbre voie navigable construite il y a plus de trois siècles par Pierre-Paul Riquet n’en finit pas de perdre ses platanes, remplacés par d’autres essences. Une mutation paysagère qui a un coût !

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Entre Toulouse (31) et l’étang de Thau, près de Sète (34), le canal du Midi est un ouvrage remarquable, avec sa longueur de plus de 240 kilomètres, sa soixantaine d’écluses, la technologie mise en œuvre pour sa réalisation au xviisiècle, en particulier le creusement de rigoles d’alimentation dont une, la plus importante, vient de la montagne Noire et a nécessité la réalisation de 25 km de voie d’eau à flanc de montagne et 38 km dans la plaine du Lauragais, de Revel (31) au seuil de Naurouze (11)… Il s’agit également d’un site paysager remarquable et d’une voie navigable, évidemment, mais ses berges sont parcourues à bicyclette, voire à pied, par nombre de touristes chaque année. Ils apprécient l’ouvrage, les sites traversés… et la trame arborée qui accompagne leur parcours.

Depuis l’arrivée du chancre coloré dans la région, au milieu des années 2000 (lire l’encadré), ces alignements d’arbres sont mis à mal. Sur les quelque 190 000 spécimens qui ont été plantés le long de l’ouvrage, plus de 42 000 sont des pla­tanes, et même plutôt 44 000 si l’on ajoute les sujets plantés le long des rigoles d’alimentation.

Quand on sait que le champignon responsable de la maladie du chancre coloré (Ceratocystis platani) n’aime rien tant que de transmettre ses spores d’un platane à l’autre et qu’il apprécie tout par­ticu­lièrement les voies d’eau pour assurer cette mission, les dégâts provoqués en une quinzaine d’années sont considérables : 26 500 sujets ont déjà dû être abattus. Au plus fort de la progression de la maladie, entre 2013 et 2016, 3 500 à 4 000 subissaient chaque année la loi de la tronçonneuse. Si le pic a été atteint, 1 200 arbres malades ont néanmoins été identifiés en 2020, un chiffre en légère reprise par rapport aux années précédentes (lire l’interview page 49). À chaque fois qu’un foyer est découvert, tous les platanes malades et ceux se trouvant dans un périmètre de 35 mètres sont abattus et brûlés, conformément à la légis­lation en vigueur dans le cadre de la lutte obligatoire contre le chancre coloré.

Diversifier la palette végétale

Ces coupes drastiques ne sont pas sans conséquences sur le paysage. Dès 2012, un programme de replantation a été établi. L’objectif est que l’ouvrage retrouve à terme la voûte majestueuse qu’offraient les platanes, ce qui prendra du temps, et que les touristes puissent bénéficier d’un minimum d’ombre. Ce programme avait défini une gamme végétale devant répondre à plusieurs impératifs. Le premier était de diversifier la palette pour ne pas revivre dans le futur les déboires connus avec le platane en cas d’arrivée de nouveaux ravageurs ou maladies. Les autres critères de choix étaient d’avoir recours à des arbres se développant assez pour constituer une voûte au-dessus de la voie d’eau et d’être caducs pour continuer à avoir une évolution du paysage en fonction des saisons.

Le choix d’une essence jalon avait été arrêté afin de marquer le paysage, encadrée par plusieurs autres espèces. Dans le programme de 2012, celle-c­i était le chêne à feuilles de châtaignier, Quercus castaneifolia. Il a été retoqué plus tard pour proposer une palette plus locale, car certains choix étaient jugés trop exotiques. Dans celui de 2015, l’arbre jalon est devenu le chêne chevelu, Quercus cerris. Des tronçons de canal plantés de cette espèce alternent donc désormais avec d’autres qui sont accompagnés d’érables planes (Acer platanoides), de tilleuls à grandes feuilles (Tilia platyphyllos), de peupliers blancs (Populus alba) et de micocouliers (Celtis australis).

2 000 arbres à planter cet hiver

À ce jour, 12 200 arbres ont été replantés le long du canal du Midi. Quelque 2 000 de plus sont prévus pour cet hiver. Il y a deux ans, 2 750 plantations ont été effectuées, un record. L’hiver dernier, elles ont été limitées à 1 300 unités. La crise sanitaire a obligé Voies navigables de France (VNF), qui gère le canal, à différer des plantations, mais le budget alloué au projet dans son ensemble a aussi été en diminution, l’organisme ayant d’autres priorités.

Toutefois, quelques perspectives positives sont en vue. Il y a quelques années, lorsqu’il fallait abattre 4 000 arbres par an, l’enveloppe budgé­taire était essentiellement affectée dans ces opérations. Aujourd’hui, les abattages sont en baisse et une part plus importante peut être consacrée aux replantations. Par ailleurs, le chantier a été admis dans l’enveloppe du fameux plan de re­lance européen et va bénéficier de fonds plus considérables en 2021 et 2022.

Il faut dire que le coût d’un remplacement est es­timé à 3 000 euros. Les plantations représentent un quart de la somme : 500 euros pour un arbre planté par une entreprise et 250 pour les travaux de confortement, arrosage et taille, pendant trois ans. Le reste est essentiellement consacré aux abattages, dont le coût est très élevé : il faut faire venir un matériel lourd dans des zones peu ac­cessibles, réaliser des fosses afin de brûler le bois sur place dans l’objectif évident d’éviter de disséminer le champignon…

Le mécénat, un million par an !

Chaque année depuis 2013, VNF lance un programme d’appel aux dons avec l’appui de son service­ mécénat, qui rapporte en moyenne autour d’un million d’euros tous les ans à un budget global oscillant entre 6 et 11 M€. Cet appel aux dons vise de grandes entreprises, des banques, par exemple, capables d’apporter des sommes con­sidérables, souvent au travers de fondations. Il se dirige aussi vers des entreprises locales plus modestes mais sensibles à la cause et enfin les particuliers (15 000 donateurs individuels), à l’oc­casion de campagnes d’information ou d’actions de sensibilisation, voire d’animations dont les recettes­ vont intégralement au financement des arbres. Hélas, la crise sanitaire et économique qui touche très durement le secteur de l’événementiel risque de tarir provisoirement cette source de financement.

Pascal Fayolle

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement