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Des linéaires bien garnis pour des chariots mieux remplis

À Brain-sur-l’Authion, près d’Angers (49), la Ferme de Sainte-Marthe mise sur la production et le dialogue avec les jardineries pour les inciter à garder une largeur de gamme capable de dynamiser les ventes et les marges.

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la Ferme de Sainte-Marthe, aujourd’hui dirigée par Domi­­nique­­ Velé et Arnaud Darson­val, poursuit, à Loire-Authion, anciennement Brain-sur-l’Authion, près d’Angers (49), l’action engagée en 1974 par le créateur de l’entreprise, Philippe Desbrosses, dans le Loir-et-Cher : la production et la vente de graines potagères bio. Un créneau plus facile à défendre actuellement qu’il y a près de quarante ans. Un effet cumulé de la tendance du retour au potager et de l’essor du bio ? Certainement, oui, mais ce credo nécessite toujours de faire des choix.

Tout d’abord le choix de la production, que l’on effectue soi-même ou que l’on délègue, dans un premier temps. Qu’elle soit bio ou pas, la graine potagère a des exigences. Les quelque 2,5 ha que compte le terrain dit des Landes sur lequel est installée l’entreprise, soit 2 ha en pleine terre et 4 000 m2 de tunnels, ne permettent pas de réaliser toutes les cultures. Certaines doivent être conduites sous tunnel insect proof, afin d’éviter d’éventuelles hybridations indésirables avec des plantes sau­vages. C’est ainsi le cas des carottes, dont les variétés cultivées ne doivent pas se croiser avec l’espèce poussant à l’état naturel. D’autres, comme les betteraves ou les Helianthus, s’accommodent en revanche sans problème d’être cultivés en extérieur. Mais le tout demande des surfaces, des structures, et il serait « forcément plus simple de ne pas produire », précisent les dirigeants de l’entreprise.

Ils ont toutefois fait le choix de produire le tiers des quantités vendues, en assurant une bonne maîtrise des process. Un autre tiers de l’offre est placé sous contrat avec des agriculteurs multiplicateurs, impliquant un suivi régulier. Le dernier tiers est issu de partenaires artisans semenciers. Le tout en respectant le cahier des charges que s’est fixé l’entre­prise : une production de semences de qualité dont la prove­nance est contrôlée.

« Beaucoup de moutons à cinq pattes »

Cette démarche effectuée, reste alors à définir une stratégie de vente. « Finalement, nous commercialisons beaucoup de mou­­tons à cinq pattes ! précise Arnaud Darsonval. Mais nous ne faisons pas que vendre des graines. Les produits que nous écoulons racontent aussi une histoire. Les gens qui visitent nos installations ou qui suivent l’activité sur les réseaux sociaux comprennent les difficultés rencontrées inhérentes à la production. Par exemple, les Perilla n’ont pas fleuri l’an dernier, nous n’avons donc pas récolté de graines. Mais nous devons toutefois entretenir cette espèce comme les autres ! Ce genre d’anecdote ne peut pas être racontée pour des variétés produites ailleurs que dans l’entreprise. »

La fonction de producteur est primordiale aujourd’hui, mais commercialiser plus de mille références ne facilite pas le choix de la meilleure stratégie et de l’équilibre le plus judicieux entre largeur et profondeur de gamme. « Nous commercialisons autour d’un million de sachets de graines par an, les trois quarts étant conditionnés par nos soins, le dernier quart via un Esat* local. Si une grosse référence, une variété extrêmement demandée, peut représenter 10 000 sachets vendus, pour certaines autres la demande et la production sont très faibles. Mais nous tentons de ne pas descendre sous les cent sachets con­di­tionnés pour une variété. Car, au-delà du fait que lancer la mise en conditionnement représente un coût, et mettre en route le compteur de graines, par exemple, il faut aussi pour chaque variété vendue effectuer des démarches techniques comme les tests de germination, qui permettent de connaître la capacité germi­native des semences.

Alors qu’initialement toutes les ventes étaient réalisées en direct, aujourd’hui la Ferme de Sainte-Marthe écoule une partie de sa production en jardineries. Un circuit qui donne la possibilité «de massifier les lots, mais nous sommes obligés de travailler une gamme plus restreinte », poursuivent les dirigeants. Un sachet de couleur et une marque maison au nom de la ferme ont été créés. Suivre la voie des enseignes de la distribution spécialisée implique d’avoir dans les principales variétés une quantité adéquate de graines : si l’entreprise vend aujourd’hui à trois enseignes­ majeures, Jardiland, Truffaut et Botanic, elle a dû renoncer à fournir d’autres enseignes faute de disposer de volumes adaptés. Et il ne faut pas oublier que mettre une nouvelle variété au cata­logue représente deux ans de travail pour trois personnes afin de disposer d’un lot suffisant, soit un lourd investissement.

La diversité dope les ventes

Il y a cinq ans, l’entreprise s’est aperçue que les magasins de certaines enseignes ne plaçaient tout au plus qu’une trentaine de références dans leurs linéaires. « Nous avons souhaité travailler ensemble la diversité, valeur essentielle de notre stratégie. Il a fallu expliquer que la suppression de trop de références ayant moins de succès n’est pas bonne pour les ventes de l’ensemble du linéaire. Les magasins ont joué le jeu. Nous avons conçu un linéaire clés en main de 1,33 m avec un nombre de références­ élargi, et les ventes sont re­parties. Les magasins ont ainsi pu améliorer les marges. L’avantage, c’est que nous communiquons aussi notre action auprès de nos clients finaux. Nous connaissons mieux les attentes des jardiniers et nous savons ce que nous pouvons proposer en jardinerie. Mais le constat reste qu’aujourd’hui les responsables des enseignes restent trop frileux vis-à-vis de nos produits. Nous, nous voulons leur prouver que le rayon semences dans les magasins peut donner envie ! »

Vers une graineterie locale

Cependant, la Ferme de Sainte-Marthe n’a pas voulu céder aux sirènes des marques de distributeurs, malgré les sollicitations  « Ce n’est pas adapté à notre dimension d’entreprise, estime Arnaud Darsonval. Nous devrions augmenter nos volumes sans créer la moindre notoriété. Ce ne serait­ pas rentable pour nous. Cela impliquerait de construire un bâtiment dédié, d’y déléguer trois personnes. Pour quel enjeu, quelle stratégie ? Le risque serait également de perdre notre identité. Nous défendons des valeurs de qualité, bien sûr, mais aussi et surtout de diversité. »

Sur ses terres de Loire-Authion, donnant sur le rond-point d’un axe passant, l’entreprise envisage plutôt de construire une graineterie qui commercialisera les produits disponibles au catalogue. L’idée n’est pas de se dégager du marché de la jardinerie : même si la stratégie de cer­taines enseignes n’apporte pas toutes les garanties, le chiffre d’affaires réalisé dans ce secteur est toujours en progression. Il s’agit plutôt de faciliter les échanges avec les jardiniers tout en diversifiant les activités, en proposant des plants et des lé­gumes. Par ailleurs, mieux travailler et valoriser le jardin d’essais, tout en lançant une activité de maraîchage, permettrait de favoriser la pédagogie et la transmission aux visiteurs. Enfin, une réhabilitation du pôle semences et un nouveau local pour gérer la logistique sont dans les cartons. Qui a dit que les ventes de graines étaient mortes ?

Pascal Fayolle

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