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Papillon ravageur Le brun du pélargonium sous surveillance

Cacyreus marshalli a émergé en France en 1997. Sa sédentarisation dans la région méditerranéenne et sa progression récente vers le nord-ouest de l’Hexagone sont préoccupantes.

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Cacyreus marshalli est un papillon originaire de l’Afrique australe (Afrique du Sud, Bot­swana, Lesotho, Zimbabwe, Mozambique ainsi que Swaziland), puis s’est répandu en Espagne (aux Baléares en 1988, en Catalogne en 1993), en Belgique (interception à Bruxelles en 1991), au Portugal (1996), en Italie (1996), en Grande-Bretagne (interception dans le Sussex en 1997), en France (1997), en Croatie (2008), en Slovénie (2008), en Grèce (2010), à Malte (2011) et en Algérie (2017). Il aurait également été signalé en Suisse (Tessin, canton de Genève) et en Autriche. L’insecte étant réputé non migrateur, sa dissémination vers l’Europe semble provenir du commerce des pélargoniums. Il est désormais établi en région méditerranéenne et a été détecté pour la première fois en Bretagne* en fin d’été 2019. Face à cette progression territoriale, à la gravité des foyers et à la difficulté de lutte, certains conseillers horticoles redoutent un désintérêt progressif des jardiniers pour les pélargoniums.

Réglementé sous certaines conditions

Bien que présent dans le midi de la France depuis plus de vingt ans, mais de distribution restreinte dans les autres régions touchées, C. marshalli est inscrit sur la liste d’alerte A2 de l’OEPP** depuis 1993 et figure dans l’arrêté national du 31 juillet 2000 modifié, comme organisme nui­sible contre lequel la lutte peut être rendue obligatoire sous certaines conditions, à l’issue d’un arrêté préfectoral.

Une enquête épidémiologique en 2019

Pour faire un état des lieux précis de la situation­ de C. marshalli en France et me­surer le risque associé, l’institut tech­nique Astredhor a motivé en 2019 une enquête­ auprès des services du ministère de l’Agriculture chargés de la santé et de la protection des végétaux, réalisé avec l’appui de cet institut technique pour la filière horticole, ainsi que Plante & Cité et Ecoumène golf & environnement pour les jardins, espaces végétalisés et infrastructures (Jevi). Du ques­tionnaire envoyé aux animateurs filières des réseaux régionaux d’épidémiosurveillance Ecophyto, rédacteurs des Bulletins de santé du végétal (BSV), il ressort les éléments suivants :

- historique de l’infestation en France : Amélie-les-Bains-Palalda (dans les Py­rénées-Orientales, 1997), le golfe du Lion (1998), Paca, la vallée du Rhône, le Sud-Ouest­ (2000), l’Île-de-France (2003), la Corse (2006), la Bretagne (2019) ;

- impact actuel : ravageur peu signalé en production, mais parfois problématique sur pieds-mères en fin de culture, relativement commun en Jevi dans la zone sud, moyens de biocontrôle limités et souvent peu effi­caces ;

- retour d’expérience : en Jevi, après quelques années de présence marquées en Paca, le ravageur se fait plus discret. En production, on constate une baisse des quantités produites de Pelargonium, sans que le lien avec C. marshalli puisse être établi. Le goût du public pour cette plante, aujourd’hui moins prononcé à cause de l’évolution de la mode et d’une diversification de la gamme des espèces annuelles à massif, est un autre facteur pouvant expliquer cette situation.

Identification et confusions possibles

Le papillon de C. marshalli a deux sortes de petites queues à l’extrémité de ses ailes postérieures. On peut le confondre en Europe avec deux autres Lycae­nidae : l’azuré porte-queue (Lampides boeticus) et l’azuré de la luzerne (Leptotes pirithous), présentant aussi les deux appendices, mais avec des motifs différents à la face inférieure des ailes. Les chenilles âgées, par mimétisme cryptique, se confondent avec les boutons floraux.

Biologie et dégâts

On constate au minimum trois générations annuelles évoluant de mi-mars à fin octobre, mais, dans le sud de la France, le papillon peut émerger dès janvier. Il peut donner en Espagne jusqu’à cinq à six générations­ par an. Au stade adulte, la dis­sémination est faible. Les vols sont de courte­ durée, par étapes entrecoupées de nombreuses pauses. Très féconde, la femelle pond 48 œufs environ sur la face inférieure des feuilles ou les pièces florales. Les chenilles rongent d’abord les boutons floraux et perforent les sépales, avant de creuser des galeries dans les pédoncules à partir du troisième stade. Elles atteignent 13 mm en un mois, puis se métamor­phosent durant quinze jours en chrysa­lide dans les débris végétaux. Le cycle com­plet dure ainsi 45 jours à 25 °C. À des températures basses, ce ravageur ne passe pas l’hiver. Sa nuisibilité se manifeste surtout en saison chaude : boutons floraux endommagés, semblant creux au toucher, fleurs dévorées, hampes florales et tiges souillées par les excréments larvaires, feuilles en partie rongées, infection­ possible des tissus altérés par des pathogènes.

Lutte intégrée

Cet insecte endophyte au stade larvaire est difficile à éliminer. Dans son aire d’origine, il est régulé par des prédateurs et pa­rasitoïdes­, comme des hyménop­tères du genre Apanteles spp., parasi­toïdes de chenilles de troisième stade. En Europe, aucune régulation de ce type n’a été constatée. Une vigilance s’impose sur les pieds-mères de Pelargonium ou dès l’entrée de jeunes plants dans un lieu de remise en culture. Tout lot suspect doit être refusé ou détruit. En cas d’infestation détectée précocement, un traitement au Bacillus thuringiensis est efficace au premier stade larvaire. On peut à la place pulvériser un produit à base de diflubenzuron, larvicide d’ingestion à action ovicide par contact, tuant les chenilles lors de la mue suivante. D’une persistance entre trois et quatre semaines­, il est compatible avec la protection biologique intégrée. En lutte non sélective, certains insecticides sont utili­sables (azadirach­tine A, spinosad, huile de colza + pyréth­rines, cyantraniliprole, bêta-cyfluthrine, lambda-cyhalothrine), mais ne respectent pas les auxiliaires régulant d’autres ravageurs.

Jérôme Jullien

*Foyer détecté à Muzillac, dans le Morbihan, sur Pelargonium en pot, avec des dépérissements (cf. BSV de Bretagne, édition des cultures ornemen­tales et Jevi n° 7, du 2 septembre 2019).

* *Organisation européenne et méditerranéenne de protection des plantes.

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