Des systèmes de surveillancediversifiés et complémentaires
Bulletins de santé du végétal, inspection des cultures par des organismes officiels ou par les producteurs eux-mêmes, réseaux de surveillance participative… les outils sont variés.
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Dans un monde aux échanges globalisés, les risques sanitaires pour les végétaux se révèlent très élevés, avec parfois des conséquences économiques désastreuses. Une surveillance bien organisée permet de limiter l’introduction de nouveaux ravageurs, de diminuer les délais entre l’arrivée du danger et sa détection, ce qui facilite la mise en place rapide de mesures, mais aussi de raisonner et de limiter les interventions pour aller vers une réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques.
Cette surveillance concerne tout le monde : professionnels du végétal mais aussi consommateurs, susceptibles d’amener ou de disséminer des ravageurs. Mais ces derniers peuvent aussi jouer le rôle de potentielles sentinelles s’ils sont intégrés au processus par le biais d’une démarche citoyenne.
Un outil clé de la surveillance biologique du territoire est l’épidémiosurveillance. C’est le suivi, dans un territoire donné, de l’évolution des bioagresseurs des cultures et la détection de nouveaux organismes nuisibles. Elle s’appuie sur des réseaux d’observateurs volontaires professionnels ou amateurs, qui utilisent des protocoles de suivi harmonisés. Ces observations sont synthétisées dans les Bulletins de santé du végétal (BSV) par culture et par région.
Ces bulletins, qui sont disponibles gratuitement sur les sites Internet des chambres régionales d’agriculture et des Draaf (Directions régionales de l’agriculture et de la forêt), sont un outil d’aide à la décision pour les agriculteurs.
Un réseau d’épidémiosurveillance fragilisé
En 2019, le budget consacré à l’épidémiosurveillance des cultures a chuté de 23 %. Celle-ci est financée par Écophyto, le plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques. Or, depuis sa mise en place en 2008, les ventes de produits ne diminuent pas (augmentation de 21 % en 2019). Il semblerait que, parmi les raisons de la baisse de ce budget, il y ait une défiance au sein des ministères vis-à-vis de l’efficacité de l’épidémiosurveillance. Il a donc été décidé qu’une partie de cet argent serait réallouée à la recherche en santé liée aux phytos.
La baisse au niveau national a été répartie à part égale dans chaque région. Les comités régionaux d’épidémiosurveillance, qui sont pilotés par les chambres régionales d’agriculture, ont décidé la réorganisation des réseaux de surveillance.
De nombreux BSV Jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures) ont été supprimés, d’autres ont été intégrés au BSV horticulture-pépinière. La surveillance dans la filière ornementale s’en est trouvée fragilisée, alors même que, dans un contexte de réduction des produits phyto (voire d’arrêt pour une grande partie des Jevi en raison de laloi Labbé*), il est impératif de connaître le mieux possible les risques pour les prévenir (présence ou absence d’un ravageur, prévalence des maladies).
Un an après cette baisse de budget, toutes les régions, hormis les Hauts-de-France et la Corse, continuent de publier chaque mois en moyenne un BSV horticulture et/ou pépinière. Mais sur les treize régions hexagonales, il n’y en a plus que cinq qui consacrent un BSV aux Jevi : Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes et Corse. La Bretagne et la Bourgogne-Franche-Comté ont, elles, fait le choix de l’intégrer au BSV horticulture-pépinière.
La suppression de la surveillance en Jevi rend partielle la lecture des pressions sanitaires. « Nous avons bien conscience qu’il y a un trou dans la raquette », avait réagi Isabelle Huguet, directrice de la Fredon** Île-de-France fin novembre 2019, dans le cadre d’une journée consacrée à la surveillance des végétaux dans la région. Différents acteurs cherchent d’ailleurs à remettre en place une surveillance financée autrement que par Écophyto (lire l’encadré ci-dessus). De cette façon, les BSV Jevi auraient l’avantage de ne plus dépendre des décisions du comité régional d’épidémiosurveillance, composé surtout de professionnels des zones agricoles.
Une autre nouveauté à venir prochainement est la mise en ligne de la plateforme d’épidémiosurveillance en santé végétale, qui est prévue dans le courant de cette année (lire l’encadré page 28). Cette dernière devrait contribuer à améliorer l’efficacité de la surveillance des cultures, en particulier en ce qui concerne les organismes nuisibles. L’intérêt de la démarche a été démontrée en amont pour la bactérie Xyllela fastidiosa.
Surveillance des organismes nuisibles réglementés
Les organismes les plus nuisibles sont réglementés dans l’Union européenne. On peut par exemple citer le nématode du pin (Bursaphelenchus xylophilus), de même que les capricornes asiatiques (Anoplophora glabripennis et chinensis), Xylella fastidiosa, ou bien encore le champignon Phytophthora ramorum.
Les plans de surveillance des organismes réglementés émergents (Sore) ont pour but de vérifier leur absence ou leur évolution et de détecter au plus tôt les foyers pour appliquer des mesures de gestion. Ces plans, émis par la DGAL (Direction générale de l’alimentation), sont classés en grandes thématiques et peuvent changer selon l’apparition (ou la déclassification) d’un organisme émergent. Des inspections sont réalisées par les Fredon et les SRAL (Services régionaux de l’alimentation).
Un plan de surveillance du nématode du pin a par exemple été instauré depuis 2003 dans la région Île-de-France. Chaque année sont effectués cinquante prélèvements, sur des arbres dépérissants, des bois d’emballage originaires de pays infestés). En parallèle, depuis 2013, six sites de piégeage sont analysés. L’insecte vecteur (Monochamus galloprovincialis) est présent mais le nématode n’a pas été détecté. Si un foyer est découvert, des mesures de lutte sont mises en place : obligation de destruction, d’arrachage, de traitement, de rotation, de même que des mesures prophylactiques.
Les organismes nuisibles sont également surveillés via le passeport phytosanitaire (PP) et le certificat phytosanitaire (CP). Ces documents officiels attestent que les produits végétaux sont exempts d’organismes de quarantaine.
De nouveaux outils et usages complètent la surveillance
Le numérique est devenu un allié incontournable pour l’identification, l’évaluation du risque et le partage de l’information. Diverses applications mobiles, déjà disponibles ou à venir, visent à identifier les maladies, les insectes ravageurs, les auxiliaires… En parallèle, des réseaux d’observation d’agriculteurs, complémentaires des BSV, sont en cours de déploiement. C’est notamment le cas des applications Companion ou Agricommunity.
Le numérique contribue déjà à perfectionner la surveillance des cultures, mais des évolutions de toute sorte sont attendues dans les prochaines années : des algorithmes plus performants, de nouveaux capteurs... mais aussi une démocratisation de ces outils, pour l’instant surtout utilisés dans les grandes cultures (céréales, oléagineux…).
De nouveaux usages font également leur apparition. La participation de citoyens bénévoles dans la surveillance des végétaux a l’avantage de couvrir de vastes espaces géographiques et de longues périodes de temps (lire page 30). Si les sciences participatives existaient déjà avant les applications mobiles (par exemple des suivis ornithologiques impliquant les citoyens dès le début du xxe siècle), ces dernières ont facilité son essor.
Léna Hespel*Depuis le 1er janvier 2017, les collectivités territoriales, les établissements publics et l’État ne peuvent plus utiliser ou faire utiliser des pesticides pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public. La vente en libre-service aux consommateurs est également interdite.
**Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles.
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