Environnement Accroître la biodiversitéd’une réserve d’irrigation

Un plan d’eau, qu’il soit ou non destiné à l’irrigation, constitue un couloir naturel de circulation pour la faune et la flore sauvages. Menés en partenariat avec l’École supérieure d’agricultures (ESA) d’Angers, les récents travaux (2019-2020) du réseau Arbre­ (1) 49 démontrent que des réserves d’irrigation vont concentrer une biodiversité plus élevée que d’autres.

L’étude de l’environnement et de l’aménagement de chaque réserve, l’analyse des données faunis­tiques et floristiques recueillies, leur croisement « nous mettent en capacité d’établir des recommandations techniques à l’attention des porteurs de projets », indique Ambroise Bécot, animateur d’Arbre 49.

Taille et forme du plan d’eau

Ces préconisations ont été rassemblées dans le « Guide des 7 bonnes pratiques pour favoriser la biodiversité d’une réserve d’irrigation ». Téléchargeable sur le site de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire (2), il rappelle l’importance de la taille et de la forme des réserves.

L’ESA et Arbre 49 en ont étudié trente sur subtrat naturel. Dans le Maine-et-Loire, celles dont le fond est tapissé d’une bâche sont de fait très rares. La surface moyenne des réserves étudiées était de 1 ha, la plus grande s’étendant sur 3,7 ha. « Ce que l’on peut dire, c’est que plus le plan d’eau est vaste et sinueux, plus la biodiversité est grande », pointe Oona Le Rallic (ESA).

La forme des pentes joue également un rôle important. « Plus elle est douce, mieux c’est ! » Quand le niveau d’eau descend lentement, les végétaux s’installent mieux et de manière plus diversifiée. « Les berges exondées offrent alors des habitats intéressants pour les oiseaux, les insectes ou les amphibiens. Très souvent, ce profil encourage le développement d’espèces d’intérêt­ communautaire. Nous en avons trouvé plusieurs dans les réserves étudiées, dont certaines figurent sur la liste rouge­ », note Jérôme Couvreur, du Centre­ permanent d’initiatives pour l’environ­ne­ment­ (CPIE) Loire-Anjou-Touraine. Moins sensibles à l’érosion, les pentes douces sont également peu propices au creusement de terriers par les ragondins, « ce qui est un atout à la fois structurel et biologique ».

Compte tenu de ces observations, le réseau Arbre 49 préconise aujourd’hui des pentes inférieures à 20 %, et même à 10 % au niveau de la queue de la réserve, soit l’extrémité la moins profonde. Le réseau insiste aussi sur l’intérêt de limiter l’en­rochement (lorsqu’il est nécessaire) aux seules digues, de ne pas bâcher le fond de et de laisser – quand cela est possible – l’exutoire et le fossé à ciel ouvert.

Aménagement des abords

Pour accroître la biodiversité, il faut aussi s’intéresser de près à l’aménagement des abords de la réserve. « L’idée est de mixer les formes de végétation, d’associer des bandes enherbées, des arbres, des ronciers, des herbiers aquatiques, terrestres… et de jouer sur leur complémentarité », explique Ambroise Bécot.

En pratique, pour composer la ceinture végétale, Arbre 49 préconise, tout simplement, de laisser la végétation spontanée s’implanter. En particulier à l’intérieur de la digue. En règle générale, « cette étape ne pose aucun problème. Qui plus est, elle est gratuite et permet d’éviter certaines erreurs liées à l’implantation d’espèces qui pourraient devenir envahissantes ».

Sur le haut de la digue et ses pentes extérieures, le semis sera intéressant pour lutter­ contre les plantes rudérales (3). Dans cette situation, « nous préconisons des mélanges simples de type ray-grass et trèfle­ blanc. Ils ont l’avantage de couvrir le terrain rapidement sans être agressifs. Si on ne gratte pas le sol, les plantes de prairie classiques (pissenlit, pâquerette…) ressortiront au bout de deux à trois ans ».

Sur le haut des digues, certains arbres comme le saule ou le frêne s’installent en général très bien de manière naturelle. Mais on peut aussi choisir de planter. « Dans ce cas, conseille Arbre 49, il faudra renoncer aux essences envahissantes et veiller à un bon équilibre entre ombrage et ensoleillement. Quand la ceinture arborée est trop dense, on constate en effet une diminution du nombre d’espèces végé­tales et animales. »

Un entretien approprié

Une fois aménagés, les abords devront être entretenus de manière appropriée. Les zones enherbées seront fauchées, et ce, le plus tardivement possible. L’idéal étant d’intervenir au mois d’octobre afin de laisser le maximum d’espèces terminer leur cycle de reproduction. « Lorsque cette fauche tardive n’est pas possible et que l’entretien se fait au printemps, il faut le limiter au strict minimum et ne faucher qu’un passage. »

Sur les pentes extérieures de la réserve, la présence de ronciers est intéressante d’un point de vue biologique. Arbre 49 recommande de les broyer tous les trois ans et de détruire chaque année les repousses périphériques. Là aussi, à l’instar des zones enherbées, mieux vaut intervenir tardivement, entre octobre et mars.

Concernant les arbres, leur entretien courant n’est pas nécessaire « côté eau ». Par contre, côté desserte, il est recommandé d’intervenir avec une taille latérale tous les trois ans. Les arbrisseaux seront recépés par tronçons et les têtards ébranchés tous les quinze à vingt ans. Au niveau de la queue de la réserve, les herbiers terrestres et aquatiques ne vont pas demander d’entretien particulier. Par contre, il est conseillé de supprimer les ligneux en période d’étiage ou, à défaut, de les recéper au moins tous les deux ans.

Anne Mabire

(1) Arbre : Agriculteurs respectueux de la biodiversité et des richesses de l’environnement. Ce réseau, créé en 2010, compte près de 200 adhérents.

(2) Guide téléchargeable sur https://tinyurl.com/y5gswkwv

(3) Plantes spontanées dans un espace modifié du fait de l’activité humaine.