Login

Vendre Dans la forêt urbaine, on entend les surcoûts

Cette forêt urbaine d'Angers (49) ne rentre aucunement dans les calculs, mais Annabel Porté, chercheure à l’Inrae, a calculé le coût moyen ramené à l'hectare de plusieurs réalisations en France et estime qu'il est très élevé. (Photo d'archives datant de septembre 2021, dans le cadre de Vegetal Connect.)

Au nom de promesses électorales un peu folles, des plantations essaiment partout dans les villes. Avec des techniques de plantation soumises à caution, mais surtout parfois à prix d’or !

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis notre dossier sur les forêts urbaines, en juin dernier (Le Lien horticole n° 1116, page 28), le sujet est resté bien présent dans les collectivités. Les projets élaborés après les élections municipales de 2020, qui visent en partie à assurer la réussite des annonces les plus folles concernant le nombre d’arbres plantés dans les villes, sont en train de voir le jour un peu partout. Des villes moyennes ou de petites villes – parmi lesquelles Pau (64) ou Chalon-sur-Saône (71) – ont mené des projets, au côté des plantations souvent très médiatisées des grandes villes. À Villiers-sur-Orge, commune de moins de 5 000 âmes de l’Essonne, au sud de Paris, le quotidien Le Parisien rapportait début novembre que la commune recherchait des bénévoles pour planter 3 000 arbres dans une parcelle de 1 000 m2. Pour mieux séduire, l’article assure que les espèces choisies sont locales, on plantera là-bas, entre autres, des hêtres.

Concernant certains projets, on en est même, dans la presse grand public, à se faire l’écho de chantiers dont la réussite n’est pas au rendez-vous. C’est le cas à Grenoble (38) : la « forêt urbaine de Mistral », pour laquelle 5 500 jeunes plants ont été mis en terre au printemps dernier, a mal supporté l’été. Près de 70 % des plantes sont mortes et un média en ligne local, www.placegrenet.fr, s’interroge sur qui va payer les 100 000 euros que va coûter la replantation, évoquant l’entreprise ayant assuré la plantation avec un coup de pouce du donneur d’ordre, la Métropole de Grenoble. Il y a fort à parier que les hêtres de la vallée de l’Orge suivent en grande partie le même chemin l’année prochaine… mais là n’est pas le débat.

Des avantages techniques exagérés

Ce contexte reflète assez bien le contenu global de notre dossier de juin dernier. Annabel Porté, chercheure à l’Inrae et intervenante lors du colloque « Embranchements », à Nancy, en juin également, fait partie des personnes qui remettent en question l’intérêt des forêts urbaines, du moins celles qui sont conçues selon le principe d’Akira Miyawaki, dans la droite ligne des chercheurs interrogés au printemps dernier. Pour elle, les promesses du concept, qui sont une pousse plus rapide, une plus grande biodiversité, et plus aucun entretien après trois ans, ne seront pas forcément au rendez-vous. Le principe des forêts Miyawaki a été établi pour des climats humides, elle pense que sous climats tempérés, voire méditerranéens, ce ratio sera bien moins flatteur, que celles-ci poussent deux ou trois fois plus vite qu’une forêt classique serait déjà beaucoup. De plus, la densité de plantation fait que les arbres croissent en hauteur et moins en largeur, leur houppier est réduit, limitant d’autant l’ombrage et le rafraîchissement promis dans les rues. En matière de biodiversité, Annabel Porté estime que créer des forêts en plantant quatre sujets au mètre carré, pourquoi pas, mais certainement pas quatre arbres, il faut intégrer des arbustes dans le ratio. Enfin, concernant l’autonomie des forêts au bout de trois ans, la chercheure est circonspecte : « Oui et non ». Certes, le couvert va limiter les pousses d’adventices, mais impossible en ville de laisser tomber un arbre dépérissant : il faudra venir couper cet individu dangereux pour les populations, à la différence d’une forêt classique. Au bout du compte, elle pense que plutôt qu'il serait plus judicieux de raisonner en surface couverte qu'en nombre d’arbres plantés dans la ville

Des surcoûts à expliquer

Mais ce n’est peut-être pas là sa plus grosse interrogation. À l’arrivée, c’est plutôt le coût de ces différentes plantations qu’elle remet en cause. Elle a rassemblé les informations disponibles quant à différents chantiers dont elle a eu connaissance. Et les coûts par hectare de plantation lui semblent élevés. À Toulouse (31), pour planter 1 000 arbres sur 250 m2, le coût a été de 15 000 euros, dont une partie proposée en financement participatif. La chercheure a fait les comptes : cette forêt a coûté 600 000 euros à l’hectare. Et elle présente d’autres chiffres : au bois de Vincennes, à Paris, une forêt a coûté, rapporté à l’hectare, 357 143 euros, à La Rochelle (17), 333 333 €, à Épernay (51), 500 000 €… Sur sept projets, la moyenne du coût à l’hectare est, selon ses calculs, de 376 854 €. Exagéré ? La rédaction du Lien horticole a reçu récemment un dossier de presse pour une plantation en région parisienne de 340 m2 en deux parcelles, pour la somme de 26 500 €, soit plus de 7 000 €/ha. Annabel Porté met en face le coût du boisement d’une terre agricole – 3 300 €/ha, 6 000 € avec la main-d’œuvre – et celui d'une forêt de feuillus : autour de 5 000 €/ha.

Évidemment, elle a bien conscience qu’en ville les sujets installés sont plus gros, et que même dans le cas d’une plantation participative, il y a des coûts d’intervention d’outils, de services techniques de ville, dont le service des espaces verts. Mais à l’arrivée, pas certain que les citoyens soient ravis à la découverte de ces chiffres. À Toulouse, 17 % des sommes dépensées l’ont été pour les plants, 27 % pour la plantation. La facture de l’entreprise qui a réalisé les travaux a absorbé 43 % des coûts, les 13 % restants sont partis dans la communication, indispensable pour la bonne réussite de ce genre d’opération. Sur certains chantiers, ce sont les sommes consacrées aux conseils, dispensés souvent par des associations pour mieux respecter les principes de plantation « Miyawaki », qui explosent. Cela représente parfois près de la moitié des sommes dépensées. En exagérant à peine, la plantation de baliveaux voués à tous les aléas de la ville pourrait s’avérer aussi cher que la plantation d’un arbre formé en mélange terre-pierre.
Attention à la réaction des citoyens si, en plus, les résultats techniques ne sont pas au rendez-vous.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement