Chaumont-sur-Loire De multiples nuances de résilience

Le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire est ouvert jusqu’au 5 novembre. Sur le thème de la résilience, l’édition 2023 est terre à terre et surtout très réussie conté esthétique.
Le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire est ouvert jusqu’au 5 novembre. Sur le thème de la résilience, l’édition 2023 est terre à terre et surtout très réussie conté esthétique. ©P. Fayolle

Le millésime 2023 du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire est lancé. Son thème de la résilience a inspiré les concepteurs et sa visite est particulièrement agréable. Voici quelques tendances présentées par les participants…

Le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire (41) a ouvert ses portes le 25 avril et les refermera le 5 novembre. La thématique proposée cette année aux participants était « le jardin résilient ». « Les réponses au changement climatique sont venues de tous les horizons », a expliqué la directrice du site, Chantal Colleu-Dumond, en ouverture de la journée de présentation à la presse organisée le 4 mai dernier. Elle a qualifié le millésime du festival de « particulièrement intéressant ». Il faut entendre par là que les projets de création étaient multiples, émanant de professionnels du paysage, mais aussi de l’art ou de la botanique, mais également avec des équipes originaires du monde entier : pour la première fois, une paysagiste indienne et une finlandaise ont participé…

Quoi qu’il en soit, le résultat de l’édition 2023 est dans l’ensemble très réussi, avec des propositions souvent très « terre à terre » (est-ce le thème qui le veut ?), souvent jugées moins « perchées » que certaines années. Et surtout, dans l’ensemble, des jardins très esthétiques et agréables à contempler. Idéalement leur découverte pourrait attendre encore quelques semaines, à la mi-juin, le temps que la végétation, encore peu développée début mai, atteigne son apogée.

En lien avec la thématique de cette édition, ces créations parlent souvent de sécheresse et de chaleur, pas étonnant avec l’année 2022 que la France a vécue. Le feu est également très présent dans les propositions. D’autres thèmes sans surprise sont développés, tels que la biodiversité, le jardin nourricier, la réutilisation des matériaux et le recyclage… Parfois, on trouve au détour d’une réalisation une surprise, avec la montée des eaux. Mais toujours, derrière ces jardins, l’espoir, la vie d’après sont abordés. À chaque visiteur de se faire sa propre opinion, mais, pour préparer la visite, voici une présentation tout à fait subjective de jardins traitant des principales thématiques de 2023.

Lutter contre la chaleur et la sécheresse

Le thème de la résistance à la sécheresse est traité dès la cour de la ferme, avant même d’aller découvrir les allées du festival proprement dit. À chaque édition, une  « carte verte » est octroyée à une personnalité invitée par les organisateurs pour proposer une réalisation. Cette année, c’est à un paysagiste connu, un Anglais travaillant aujourd’hui sur la Côte-d’Azur, James Basson, que Chantal Colleu-Dumond a demandé de remplacer le gazon par un couvert qui n’aurait pas besoin d’être arrosé. Il a remplacé la terre existante, très argileuse, par un mélange de sable, gravoir et terre et placé des drains sous le substrat, pour renforcer le drainage. Le profil du sol a aussi été bombé au centre pour accélérer l’évacuation de l’eau. Sur ce profil, il a installé un couvert proche de ce qu’on peut voir sur une terrasse végétalisée. Le but, à terme, est de faire évoluer la palette : les Sedum aujourd’hui omniprésents seront petit à petit remplacés par des vivaces adaptées à ce contexte particulier, avec toujours la volonté de choisir des espèces basses, ne dépassant pas les 30 cm.
Face à la montée des températures, les conceptrices-paysagistes Ashley Martinez et Julie Cote ont imaginé « Le Corridor végétal », une succession de couloirs verts en tressage de saule d’une remarquable qualité entre lesquels le bitume s’est disloqué, laissant la végétation reprendre le dessus. Les cloisons végétales protègent le visiteur de la chaleur, jouent le rôle d’îlots de fraîcheur, pendant qu’ailleurs la nature reprend le dessus sur l’asphalte. La palette végétale mélange plantes locales et exotiques comestibles, la passiflore par exemple.

On n’y voit que du feu

Les incendies de forêt ont particulièrement marqué les concepteurs dans leur approche de la thématique de la résilience. Franck Serra, nommé Maître jardinier après avoir remporté le Carré des jardiniers de la dernière édition du Salon Paysalia, en 2021, en a fait le titre de son jardin, « Terre de feu ». Des troncs de châtaignier calcinés renaît une végétation luxuriante : les flammes ont ouvert des habitats nouveaux. On retrouve ces arbres noircis dans plusieurs jardins, en particulier « Cendres fertiles », imaginé par Robin Eymieux, urbaniste, Antoine Debray, concepteur-paysagiste, et Xuan Tuan Nguyen, architecte et concepteur-paysagiste. Les dynamiques végétales qui reprennent après le feu sont composées de vigne vierge qui repart à l’assaut des troncs, des fougères, des vivaces…

La biodiversité originale

La biodiversité ne pouvait être absente des propositions, au risque de paraître parfois un peu tarte à la crème. Le projet « De derrière les fagots » y échappe totalement. Une espèce « clé de voûte », à la fois capable de favoriser la biodiversité de 30 % là où elle s’installe, d’améliorer l’infiltration de l’eau par les barrages qu’elle construit, etc., s’est installée à Chaumont : c’est le castor. Réintroduit en 1974 dans la Loire, qui jouxte le domaine, cet animal a servi de modèle à la réalisation du jardin par biomimétisme. Les fagots et autres bûches de bois y occupent l’espace et abritent une grande diversité végétale pour interroger le rapport de l'homme à la nature, mais aussi à l’artisanat, expliquent les concepteurs, Manuel Jouault et Tom Sénécal, concepteurs-paysagistes, Léane Délicourt, architecte, et Pierre Brongniart, designer plasticien et en formation de charpentier auprès des Compagnons du Devoir.

Le crier sur tous les toits

La réutilisation et le recyclage sont indéniablement dans l’air du temps. « Demain tout ira bien », un jardin imaginé par le paysagiste Fabien Caumont et l’atelier Arzinc, spécialisé dans la récupération et le recyclage des matériaux, en particulier le zinc issu des toitures parisiennes, mais aussi les chapeaux aux multiples formes qui agrémentent les cheminées, a poussé le concept au plus loin. On entre dans le jardin en ayant le sentiment d’être sur un toit de la capitale, les sols sont constitués de dallages faits de carreaux de terre cuite récupérés, le paillage des sols est en tuiles concassées… Et comme il serait souhaitable de le faire sur tous les toits, les eaux de pluie sont collectées dans un bassin, pour irriguer ici des plantes pionnières qui investissent cet environnement qui leur est favorable.

Le chant du sel… et de la terre

Les paillages de verre coloré sont de retour à Chaumont, plus de vingt ans après leurs premières apparitions ! Ici, c’est pour symboliser l’océan. « Le Chant du sel » a été réalisé avec pas moins de douze tonnes de verre ! Face à la montée des eaux, le concepteur-paysagiste Félix de Rosen, l’architecte Éric Futerfas et le pépiniériste Bruno Derozier ont imaginé un jardin fait de plantes capables de résister aux embruns : Atriplex, Tamaris, Phillyrea… Bruno Derozier, qui dirige La Criste marine, dans l’île de Ré (17), est sensible au sujet, au vu des tempêtes de plus en plus nombreuses qui frappent son lieu de vie, qui pourrait un jour être englouti sous les eaux ! Il propose une gamme d’arbustes et de vivaces de bord de mer qui pourrait être davantage utilisée afin d'anticiper les risques !

Une jungle chaumontaise

Mais il faut noter que toutes les propositions de l’édition 2023 du festival font la part belle aux végétaux, pour montrer l’espoir en un futur différent mais réel. Le summum de la luxuriance est atteint avec l’artiste Evor. Celui-ci a créé chez lui, à Nantes (44), une jungle urbaine dans un espace totalement inhospitalier pour les plantes. Tout pousse en pot, mais cela ne se voit pas, on y trouve même une glycine de 15 m de longueur ! Avec le collectif « Nantes est un jardin », qui rassemble de nombreux professionnels de la filière représentés à Chaumont par Jacques Soignon, directeur retraité du service des espaces verts de la ville, Evor a reconstitué dans une parcelle du festival un jardin en pots cachés. Son idée est de proposer un univers végétal que l’on puisse déplacer pour le préserver des aléas du climat. Fuir face à la montée des eaux ou à la canicule, bouger pour échapper à la sécheresse ? Pour lui, la résilience s’incarne dans l’évitement. Après tout, pourquoi pas, même si aujourd’hui le mot d'ordre est plutôt de préférer des plantations en pleine terre, par essence plus durables !

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