Louvre-Lens (62) Un musée-parc pionnier
Réalisation conjointe entre architectes et paysagiste, le Louvre-Lens n’est pas seulement un musée. Juché sur un ancien site minier, le parc qui l’entoure est une composante indissociable du lieu.
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Situé sur un ancien carreau de mine, le parc du Louvre-Lens rend hommage à l’histoire de la région. Aujourd’hui inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, l’ancien site houiller occupe un terril plat, une friche de plus de 20 ha de forme oblongue. Résultat de l’accumulation des remblais extraits du fond, le terrain est surélevé jusqu’à quatre mètres au-dessus des cités-jardins environnantes. Cet important site d’extraction de charbon a été colonisé par des espèces pionnières après sa fermeture, en 1960.
« Ce site a été choisi pour le parc potentiel autour du musée, levier d’un renouvellement urbain en profondeur des territoires et la présence d’une végétation spontanée, marquée par la houille », explique la paysagiste Catherine Mosbach, qui a remporté le concours lancé en 2005 pour la construction du Louvre-Lens, en partenariat avec Sanaa, l’agence japonaise conceptrice du bâtiment.
Elle a choisi de préserver l’identité du site, en gardant le tracé des anciens « cavaliers », ces voies ferrées qui acheminaient le charbon extrait de la fosse ainsi que les matériaux jusqu’à la gare. L’entrée historique de la mine et le puits d’extraction, qui descendait à 630 m de profondeur, ont également été préservés et intégrés aux typologies du projet. Le parc est accessible par huit entrées et se compose de jardins variés, parfois éloignés du hall d’accueil du musée.
Un musée à hauteur du paysage
Chargé d’histoires et de symboles, le Louvre-Lens n’est pas seulement un musée, c’est un musée-parc. Le bâtiment, dessiné par les architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishazawa, est minimaliste, tout de verre et de lumière. Avec les façades en aluminium, dans lesquelles se reflète le parc, il apparaît autant qu’il disparaît. Et s’intègre de façon subtile dans le site. Il y a une certaine continuité entre architecture et paysage, permise par la conception-réalisation conjointe du parc et du musée, ainsi qu’aux concertations entre les acteurs (lire l’encadré p.48).
Contrairement à d’autres projets qui plaçaient le musée en bordure de la parcelle, les architectes ont privilégié une situation centrale. Cela oblige les visiteurs à traverser le parc avant d’accéder au musée. « C’était une critique des élus, ils trouvaient que c’était trop long », se souvient Catherine Mosbach. Mais le parc fait partie intégrante du musée, marqué par l’histoire minière du site, et les promenades complètent la visite.
Le bâtiment a été pensé pour valoriser le paysage et vice et versa. Que ce soit dans le parc ou dans l’architecture des bâtiments, rien ne dépasse les six mètres de hauteur, ce qui correspond peu ou prou à l’échelle des arbres environnants. Depuis l’extérieur, les visiteurs peuvent ainsi contempler certains espaces du musée, grâce aux parois vitrées. Et, depuis l’intérieur de l’espace muséal, c’est le parc qui se déploie.
Un espace en gestion différenciée
Une particularité du parc réside également dans son choix d’entretien. « On avait prévu de l’ordre de 10 % des surfaces très maîtrisées et davantage de spontanéité pour les 90 % restantes », explique la paysagiste. Ces espaces sont des prairies, des zones boisées... avec un entretien différencié. Les espèces indigènes sont bienvenues. Mais, même pensé de cette façon, seulement quatre jardiniers pour s’occuper de plus de vingt hectares, c’est assez peu. « Heureusement, le jardinier chef est très inspiré », assure-t-elle. Si le musée a ouvert ses portes en décembre 2012, le parc n’était pas encore prêt. Aujourd’hui, il est en passe de devenir « adolescent ». Les emprises en végétation spontanée favorisent la biodiversité. Avec pas moins de 6 600 arbres, 26 000 arbustes et des milliers de vivaces, le parc est un véritable vivier urbain qui évolue avec les saisons.
Des paysages marqués par l’exploitation minière
Cette biodiversité est adaptée à l’histoire du lieu. Les rails abandonnés ont été les premiers endroits de recolonisation végétale. Ils ont constitué des corridors pour la faune et la flore. Les matériaux laissés sur site après l’arrêt de l’exploitation ont favorisé l’installation de certaines espèces. Ainsi le schiste, qui absorbe la lumière et restitue de la chaleur, a permis le développement d’une flore spécifique aux terrils et terrains rocailleux. Les dépôts de ce minéral sont aussi devenus des refuges pour les semences.
Lors de la construction du musée, des zones ont été aménagées afin de préserver certaines espèces végétales. À l’ouest pousse une forêt « pionnière ». Celle-ci engage un processus de colonisation de plantes primaires sur des substrats dérivés d’une activité industrielle. Peuplée entre autres de Betula pendula, Salis caprea, Prunus sp., Sorbus aucuparia, cette forêt constitue un boisement de référence pérenne qui, en « épaississant » le substrat, permettra d’accueillir à terme des chênes, des charmes et autres espèces à durée de vie supérieure aux pionnières.
Léna HespelPour accéder à l'ensembles nos offres :