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Boulogne-Billancourt (92) Une école de la biodiversité entièrement végétalisée

Comment entremêler bâtiment et paysage ? C’est une des questions qui animent l’agence d’architectes parisienne Chartier-Dalix. Elle intègre de plus en plus le paysage dans ses projets. Parmi les plus représentatifs, celui de l’école des Sciences et de la Biodiversité, dont le toit, les murs et les balcons sont entièrement végétalisés.

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Dans le passé, à Boulogne-Billancourt (92), le constructeur automobile Renault avait des usines s’étalant sur plusieurs hectares. Le tout a été rasé de 2004 à 2005 et de nouveaux morceaux de ville ont été reconstruits par-dessus. Dans l’un des sites, la municipalité a souhaité faire construire une école. Contraint à la fois par la surface et l’historique industriel – et donc pollué – du lieu, la municipalité a eu l’idée d’un bâtiment végétalisé. Le concours, lancé en 2010, a été gagné par l’agence parisienne Chartier-Dalix, qui a pensé l’ensemble du projet sous l’angle du végétal (lire l’encadré p.49). Résultat : un bâtiment dans lequel le végétal est présent dans tous les espaces. L’école des Sciences et de la Biodiversité a ouvert ses portes en 2014.

Toiture, murs, rampes et balcons

Le premier défi a été la toiture. « Il avait été prévu de réaliser un boisement forestier typique d’Île-de-France », explique Sophie Deramond, responsable du projet. Avec un bosquet au centre, une lisière­ et une prairie. Cette configuration nécessitait une épaisseur de terre importante : plus d’un mètre au cœur, un peu moins sur les pourtours pour que les arbres ne puissent pas y migrer. Accessible aux enfants, la toiture accueille également un espace potager. Toutes les classes ont des balcons végétalisés, d’où partent des rampes, elles aussi plantées, qui permettent d’accéder à la toiture. « Il y a une continuité des espaces végétaux. Même si on est en plein cœur d’une zone urbaine dense, les enfants ont une vision de ce qu’est la nature, même si elle n’est pas sauvage », souligne l’architecte. Les murs aussi se parent de vert. La façade du bâtiment, en béton, est en effet constellée de cannelures et d’aspérités. Elle s’apparente à un mur de pierres sèches. C’est un paysage d’anfractuosités dans lequel se développe une végétation et où s’installent des oiseaux qui y nichent. Les murs sont des vecteurs qui relient le sol et la toiture.

Accueillir au mieux la biodiversité

Chartier-Dalix est une agence d’architectes, sans formation préalable en écologie ou en paysage. Afin de mener à bien ce projet, ils ont été aidés et guidés par des éco­logues. En amont du concours, l’un d’eux, Aurélien Huguet, avait été mandaté par la Ville pour bâtir un programme pour l’école. L’agence, elle, avait intégré dans son équipe un autre écologue, Jean-Louis Ducreux, comme prévu dans la réglementation du concours. Ces deux professionnels ont accompagné­ l’équipe jusqu’à la livraison pour que le bâtiment comme le paysage accueillent au mieux la biodiversité : les végétaux, bien sûr, mais également des oiseaux et chauves-souris, des insectes, des araignées ainsi que toute la petite faune. Les données naturalistes ont guidé les architectes dans la réalisation de cette paroi accidentée.

Études sur la biodiversité

Plusieurs études ont été réalisées, depuis que le bâtiment a été terminé, afin d’évaluer la biodiversité présente. Un inventaire effectué par l’agence régionale de la biodiversité (ARB), la deuxième année après la construction, a permis d’évaluer que, sur les 144 espèces recensées, 44 étaient issues des plantations et 70 étaient arrivées spon­tanément. Ces résultats montrent une colonisation rapide du bâti. Elles confirment également l’intérêt de ce genre d’ouvrage en pleine ville.

« Ce projet montre l’importance de travailler l’architecture et le paysage en même temps », es­timait Pascale Dalix au cours d’une conférence à l’occasion d’un colloque organisé par Adivet, l’association des toitures et façades végétales, en octobre 2021. Un discours que l’on entend de plus en plus dans la bouche des paysagistes, mais plus rarement chez les architectes.

Gestion des eaux pluviales

Récemment, Aurélien Huguet et l’agence ont demandé conjointement un diagnostic de l’état de la biodiversité sur la toiture, pour savoir s’il y a des actions à y mener. « Les enfants sont beaucoup allés dans le boisement. La terre s’est tassée et les racines se sont plutôt développées en surface », explique la responsable de ce projet.

Mais la biodiversité n’était pas le seul critère environnemental imposé par le concours. Un autre axe important était la gestion des eaux pluviales. L’eau de pluie, stockée dans des cuves, devait ensuite être rejetée dans des noues implantées dans le quartier. « Nous pensions récupérer beaucoup d’eau, mais en réalité la toiture absorbe tout », rapporte Sophie Deramond. Les murs, avec leur configuration légèrement inclinée, en escalier, retiennent aussi l’eau de pluie, qui s’écoule le long des blocs. Elle est recueillie dans des cannelures, ce qui favorise l’implantation d’une végétation spontanée, surtout calcicole. « Pour ce projet, le béton, qui est une sorte de pierre malléable, s’est imposé comme une évidence. Nous avons pu, grâce à ses propriétés, fabriquer des modules superposables et mouler chaque bloc pour qu’il intègre des nichoirs, des cannelures, des formes arrondies », explique l’architecte.

Léna Hespel

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