Fertilisation Inquiétude sur les engrais de synthèse en espaces verts

Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience débattu au Sénat, un amendement en première lecture, dont l’un des initiateurs est le sénateur Joël Labbé, vise à interdire l’utilisation des engrais de synthèse pour les usages non agricoles de manière échelonnée entre 2024 et 2027. Un texte contre lequel les associations professionnelles sont vent debout. (©Matériel et Paysage)
Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience débattu au Sénat, un amendement en première lecture, dont l’un des initiateurs est le sénateur Joël Labbé, vise à interdire l’utilisation des engrais de synthèse pour les usages non agricoles de manière échelonnée entre 2024 et 2027. Un texte contre lequel les associations professionnelles sont vent debout. (©Matériel et Paysage)

Plusieurs associations professionnelles, en particulier la Société française des gazons, ont soulevé les dangers qui se cachent, estiment-ils, derrière une extension de la loi Labbé. L’usage des engrais de synthèse dans les espaces verts pourrait connaître le même sort que les produits phytosanitaires de synthèse. Nos confrères de Matériel et paysage ont enquêté…

« Sur proposition du sénateur Joël Labbé, connu pour être à l’origine de la fameuse “loi Labbé” visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, ainsi que de ses collègues du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (EST), un amendement adopté en première lecture le 2 juin 2021 a pour projet d’interdire l’utilisation des engrais de synthèse pour tous les usages non agricoles de manière échelonnée entre 2024 et 2027 », précise le magazine Matériel et paysage qui, comme Le Lien horticole, fait partie de NGPA, dans lequel on compte nombre de journaux agricoles, dont l’hebdomadaire La France agricole. L’article est consultable dans son intégralité ici : «Inquiétudes sur un amendement voulant interdire les engrais de synthèse».

Un calendrier établi

Cette proposition prend modèle sur l’extension, à compter du 1er juillet 2022, de la loi Labbé relative à l’interdiction des produits phytosanitaires pour le désherbage dans les propriétés privées, les lieux fréquentés par le public et ceux à usage collectif, ainsi que le prévoit un arrêté interministériel du 21 janvier dernier.

Plusieurs phases sont prévues avec une première interdiction au plus tard en 2024, pour les personnes publiques, d’utiliser ou de faire utiliser des engrais de synthèse pour l’entretien des espaces relevant de leur domaine public ou privé, hors terrains à vocation agricole. S’ensuivrait une interdiction de mise sur le marché, de délivrance, d’utilisation et de détention d’engrais de synthèse pour un usage non professionnel au plus tard en 2025. Enfin, l’utilisation non agricole des engrais de synthèse serait interdite dans les propriétés privées en 2027. Notons que l’interdiction ne s’appliquerait pas « pour les équipements sportifs, aux usages des engrais de synthèse pour lesquels aucune solution technique alternative ne permet d’obtenir la qualité requise dans le cadre des compétitions officielles », précise l’amendement, qui propose plus loin une dérogation si des blocages techniques persistent pour les terrains de sport.

De fortes inquiétudes

Cette initiative soudaine suscite de vives réactions de la part d’un certain nombre d’acteurs professionnels représentant le monde du paysage et des gazons sportifs. « Nous sommes évidemment favorables aux mesures prises en faveur de l’environnement et répondant aux attentes sociétales, mais cette décision prise en catimini, noyée dans l’ordre des priorités de cette grande loi sur le climat, l’a été sans aucune concertation préalable avec les différents acteurs du marché professionnel, sans aucune étude ou enquête d’impact technique ou économique. Cette initiative est totalement dogmatique », s’insurge tout d’abord Jean-Marc Lecourt, président de la Société française des gazons (SFG).

« Cela est d’autant plus inquiétant et regrettable pour les entreprises intervenant dans la gestion des installations sportives qu’elles vont être déjà confrontées à d’importants challenges à compter du 1er juillet 2022 à la suite du renforcement de la loi Labbé sur les produits phytosanitaires ». Jean-Marc Lecourt conteste l’argument du texte d’amendement qui propose des dérogations spécifiques pour l’usage d’engrais de synthèse sur les pelouses sportives de compétition. « Les conditions techniques qui autoriseront des dérogations sont encore ambiguës et risquent de cumuler des critères trop restrictifs et difficiles à respecter pour la très grande majorité des gestionnaires, notamment en collectivités. »

Une importante mobilisation

D’aucuns n’hésitent pas à voir ici une manœuvre purement politicienne qui vise à passer cette mesure de façon insidieuse en jouant sur le calendrier de la loi, qui laisse très peu de marge aux opposants de l’amendement pour organiser une contre-proposition (l’amendement, apparu le 2 uin 2021, est déjà en cours d’examen). Beaucoup d’associations et fédérations sont mobilisées contre l’amendement, à l’instar de l’UPJ (1), l’Unifa (2), Fedairsport (3), l’Agref (4) ou bien encore la SFG, comme déjà évoqué. Les grandes fédérations du monde du sport telles que la FFF ou la FFG (Fédérations françaises de football/de golf) ont aussi été informées des enjeux. Un large consensus se met donc en place.
« Notons qu’il y aura une deuxième lecture de la loi à l’Assemblée nationale, avec encore des possibilités d’action et de modification du texte concernant les engrais », rappelle Jean-Marc Lecourt.

Voilà donc une affaire d’importance qui sera à suivre de près au cours des prochaines semaines.

D’après Nicolas Louis, sur www.materiel-paysage.com le 11 juin 2021

(1) UPJ : Union pour la protection des jardins.
(2) Unifa : Union des industries de la fertilisation.
(3) Fedairsport : Fédération des acteurs des équipements de sports et de loisirs.
(4) Agref : Association des personnels d’entretien des terrains de golf.

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