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RECHERCHE Découverte d'une mémoire épigénétique chez les pins

Pins maritimes issus d’embryons cultivés à 18, 23 ou 28°C en pleine terre, âgés ici de 5 ans.

En soumettant des clones de pins maritimes à différentes températures à des stades très précoces de leur vie, des chercheurs ont mis en évidence une mémoire épigénétique. Une avancée qui ouvre la voie à un possible conditionnement des arbres.

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«Autour des années 2008-2010, nous avons observé un déclin de la taille des cônes [soit la « pomme de pin »], moins de graines dans ces cônes (50 au lieu de 150) et une moindre qualité des graines », se souvient Jean-François Trontin, chercheur en biotechnologies forestières, alors à l’institut technologique FCBA (Forêt, cellulose, bois de construction et ameublement), aujourd’hui à l’Inrae.

Avec Stéphane Maury, spécialiste en épigénétique des arbres forestiers à l’Université d’Orléans, ainsi que leurs équipes, cette constatation les a poussés à s’intéresser aux graines des pins. Ils ont multiplié des embryons à partir d’une même graine de pin maritime. Ces clones ont ensuite été cultivés pendant trois mois à différentes températures : 18, 23 et 28 °C. Ils ont alors été mis à germer, et le reste de leur croissance s’est faite à 23 °C. Puis ils ont été plantés en extérieur.

Ces embryons immatures sont obtenus à partir d’une même graine de pin maritime. (© Jean-François Trontin)

« Nous avons observé des différences significatives de croissance à deux ans et à trois ans en fonction de la température de développement de l’embryon », explique Jean-François Trontin. Les chercheurs n’ont, par contre, pas réussi à mettre en évidence ce phénomène chez les arbres âgés de 5 ans. « Cela pourrait être dû à un trop petit nombre d’arbres analysés (45 spécimens par lot de température). Mais il est également possible que la mémoire épigénétique ait disparu, puisqu’il s’agit d’un mécanisme réversible », indique-t-il.

Ces embryons matures sont obtenus à partir d’une même graine de pin maritime. (© Jean-François Trontin)

L’épigénétique correspond à des modifications chimiques qui régulent l’expression des gènes, c’est-à-dire le processus par lequel l’information stockée dans un gène aboutit à la formation de protéines, sans changement de séquence sur l’ADN.

Méthylation de l’ADN

Cette mémoire épigénétique, ils l’ont mise en évidence en étudiant un mécanisme en particulier : la méthylation de l’ADN, soit l’ajout d’un groupe méthyle sur l’ADN. « La génétique explique environ 20 % de ce que l’on observe. Mais les effets de l’environnement contribuent pour 80 % et l’épigénétique peut en expliquer une part », constate le spécialiste en biotechnologies forestières.

Les études se sont longtemps cantonnées à étudier uniquement la génétique, via le séquençage des gènes. Mais, depuis une dizaine d’années, il est aussi possible de séquencer l’« ornementation » de ces gènes (la méthylation de l’ADN). Il est démontré que cette méthylation peut modifier l’expression des gènes, ce qui joue sur la physiologie de la plante.

Chez les pins âgés de 2 ans, des marques de méthylation sur une dizaine de gènes ont été conservées dans les bourgeons du pin où se fait le développement de nouvelles cellules : les méristèmes apicaux. Cette étude montre donc qu’en modifiant l’environnement de maturation des graines, il est possible de modifier le comportement des arbres qui en sont issus, ainsi que leur croissance. « On pourrait essayer de maîtriser les mécanismes épigénétiques en soumettant des graines, ou de très jeunes plants, à des stress abiotiques et faire de l’amélioration épigénétique », soutient Jean-François Trontin.

Ces variétés pourraient ainsi être mieux adaptées aux conditions climatiques, au moins pendant la phase d’installation.

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