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CHÂTEAU CAPITOUL, PRÈS DE NARBONNE (11) Diaporama : une gamme végétale innovante pour des conditions totalement inédites !

De la terrasse de Château Capitoul, on peut apercevoir un paysage varié, de la Méditerranée aux collines qui annoncent les montagnes de l’arrière-pays.

Non loin de Narbonne (11), les Jardins du Capitoul ont obtenu une médaille d’or dans la catégorie « entreprises, logement et immobilier » lors des dernières Victoires du paysage (Le Lien horticole n° 1142 de janvier-février, page 46). Une réalisation étonnante à plus d’un titre…

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Bâti sur une colline à mi-chemin entre Narbonne (11) et la mer, Château Capitoul est un complexe résidentiel remarquable : de sa terrasse, on peut en effet contempler le littoral méditerranéen, tout proche, la ville de Narbonne, les étangs nombreux dans la région, mais également la vigne, omniprésente, ainsi que les collines au nord qui annoncent déjà les contreforts du Massif central… Dès lors, se baigner dans la piscine à débordement construite contre le rocher n’est franchement pas ce que l’on peut considérer comme un moment des plus pénible.

C’est certainement en partie ce qui a décidé Domaine et Demeure, une entreprise spécialisée dans le rachat de sites d’exception, à acquérir cet endroit atypique. Comme les autres établissements sur lesquels elle a jeté son dévolu, elle l’a transformé en un lieu à part, composé d’une restauration et d’une hôtellerie haut de gamme, associés à des « hameaux », qui sont autant de propriétés locatives pour des vacances.

Une nouvelle gamme pour ne pas vivre dans un désert

C’est un paysagiste anglais installé depuis vingt-cinq ans sur la Côte-d’Azur, James Basson, qui a été chargé de réfléchir à l’aménagement des jardins. Même s’il connaît parfaitement la flore méditerranéenne, le problème à résoudre est en l’occurrence plutôt complexe. Le climat « semi-aride, voire aride » des lieux n’est pas propice à installer une gamme classique.

D’autant qu’au départ, un bureau d’études associé au projet, influencé par les associations écologistes locales, très présentes car le site tout proche de La Clape est classé, a fait pression pour que la palette végétale soit composée uniquement de plantes qui croissent dans les garrigues. C’est avec cette contrainte en tête de respecter les essences de la région que le paysagiste a décidé de s’adresser à Olivier Filippi, pépiniériste à Mèze (34), bien réputé pour ses connaissances de la palette méditerranéenne, afin qu’il lui fournisse les quelque 65 000 plants nécessaires.

« Il m’a répondu : “Je ne travaille pas sur ce projet, c’est nul, j’aime beaucoup les plantes locales mais, pour cet aménagement, ça ne pourra pas convenir” », a expliqué le concepteur britannique lors des journées « Palette végétale urbaine » de Verdir (voir dans Le Lien horticole n° 1144 page 42 et n° 1145 pages 38-39) le 4 février dernier à Paris.

> Sur le même sujet : "Plantes de demain : Rencontres palette végétale urbaine 2025"

Olivier Filippi a constaté de son côté comment les sécheresses extrêmes de ces dernières années sont en train de marquer les plantes indigènes des garrigues dans le climat du sud de la France. Les paysages sont peu à peu en voie de modification, les chênes verts sont soumis à des « descentes de cime »* et de nombreuses espèces sont en passe de péricliter. « Si on ne veut pas demain vivre dans un désert, il va falloir travailler une nouvelle gamme de plantes », estime le pépiniériste. Par ailleurs, le discours dogmatique sur les plantes locales l’agace plutôt : « Qu’est-ce qui est local ? Qu’est-ce qui le sera dans cinquante ans ? » s’interroge-t-il.

Diaporama

Le défi posé par l’omniprésent chêne kermès

Autre difficulté imposée par le site du Château Capitoul, situé sur des collines calcaires très rocheuses : le sol y est particulièrement pauvre. Hormis les pins d’Alep et le chêne kermès, peu de plantes peuvent résister aux conditions locales extrêmes. Une gamme méditerranéenne fleurie classique pourrait bien vite se trouver étouffée par la force de cette dernière espèce, extraordinairement bien adaptée aux conditions difficiles. Et il aurait fallu composer avec les risques d’incendie, élevés dans la région…

Les deux professionnels font alors un choix qui peut sembler un peu fou : recouvrir l’ensemble des jardins d’une épaisse couche de tout-venant afin d’étouffer le chêne kermès pour s’en débarrasser. Olivier Filippi a alors sélectionné une gamme végétale qui soit capable de résister à de telles conditions, des plantes qu’il est allé chercher en Grèce, à Gibraltar, à Chypre, partout où se rencontre le même contexte méditerranéen extrême.

Des plantes testées en conditions réelles

Rapidement, un jardin expérimental a été mis en place. Un buplèvre de Gibraltar, une sauge, Salvia candelabrum, une scabieuse, Lomelosia minoana, une immortelle, un thym de Grèce...ont été testés pendant cinq ans avant de pouvoir intégrer le site. Pas moins de 120 taxons y avaient été essayés. Une collaboration avec un laboratoire de Montpellier (34), Valorhiz, qui est spécialisé comme son nom l’indique dans la mycorhization, a permis d’inoculer à certaines plantes la gamme de champignons capable de les faire résister aux pires conditions. « Une technique classique pour eux pour les replantations de carrières », précise Olivier Filippi.

Des plantations réalisées avec soin

James Basson a choisi de planter des bandes répétées évoluant à travers le site, de sorte qu’aucun jardin n’ait exactement le même mélange d’espèces. « Comme dans un paysage naturel, où les communautés végétales varient en fonction de la topographie, de l’orientation et de la disponibilité en eau, la conception du jardin reflète ces changements écologiques subtils, créant une expérience dynamique et immersive », précise-t-il. Sachant que nombre des espèces plantées ont la capacité de se reproduire par dissémination des graines, il a recommandé à la responsable de l’entretien de prendre garde à ce qui se développe lors du désherbage. « Les végétaux sont plantés par blocs de cinq au maximum, sans les aligner. »

La plantation a été réalisée selon une procédure mise au point depuis longtemps par Olivier Filippi et qui a fait ses preuves. Les plantes sont cultivées dans des godets profonds, antichignons, proches de ceux qui sont utilisés dans les pépinières forestières. Chacune est ensuite installée dans une grande cuvette permettant de retenir un maximum d’eau lors des arrosages de reprise. La première année, chaque plant reçoit un arrosage sporadique mais abondant, pour l’inciter à aller chercher de l’eau en profondeur. L’objectif est qu’une fois enracinée la plante devienne complètement autonome.

« Certaines ont été installées en été, en plein mois de juillet, pour des raisons de planning de chantier, se souvient James Basson. Au bout de trois ans, elles sont toujours en retard de développement. » En revanche, selon lui, la pauvreté du substrat en place ne constitue pas un problème mais « la » solution. « En sol trop riche, les plantes méditerranéennes poussent rapidement, mais disparaissent tout aussi vite. Elles ont un cycle court, et là on cherche une plantation durable. »

Les arbres plantés à Château Capitoul ont également beaucoup souffert : n’ayant pas la même provenance que les autres végétaux, ils ont été cultivés dans des conditions plus classiques. Il n’était donc pas facile pour eux de passer du confort de la pépinière traditionnelle au rude climat méditerranéen, surtout dans un sol aussi peu fertile !

Reste que l’ensemble de la palette végétale offre aujourd’hui un paysage étonnant. Le tandem paysagiste-pépiniériste a pu conjointement pro­poser une gamme qui offre un maximum de floraisons au cours de l’été, lorsque le site est au sommet de sa fréquentation.

À suivre dans le temps

Le patrimoine existant a été en partie retravaillé, avec un élagage des vieux pins hérissés encore présents dans le site. Si les plantations nouvelles accompagnent largement les aménagements autour des constructions récentes, côté ouest, près de la bâtisse historique, un jardin de forme classique a été réhabilité avec des végétaux résilients.

Comment vieillira tout ce patrimoine végétal ? Inauguré en 2021, le site a connu des débuts marqués par la terrible sécheresse de 2022 et ses canicules. En conséquence, ce qui a résisté peut donc être considéré comme particulièrement adapté. Mais ce n’est que dans la durée que l’ensemble de la gamme pourra être jugé. Comme il a été rappelé lors des journées « Palette végétale urbaine », à Paris, en février : il y aura de la casse, mais il faut avant tout tester ! Dans les jardins du Capitoul, le test est singulièrement impitoyable !

*Desséchement du sommet d’un arbre.

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