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Une après-crise pleine de surprises ?

Le made in France et le label associé devraient faire partie des gagnants du manque de disponibilité de certaines gammes sur le marché. P. FAYOLLE

S’il est difficile de prédire la durée des perturbations pour le marché du jardin engendrées par les pénuries liées à la pandémie, certains consensus se dégagent chez les professionnels de la filière sur les conséquences de la situation actuelle à moyen terme.

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Combien de temps faudra-t-il au marché du jardin pour enfin revenir « à la normale » ? Répondre à la question revient à résoudre une équation à plusieurs inconnues, la première n’étant pas des moindres : quand en aura-t-on vraiment fini avec la crise sanitaire ? Avec un répit en été conjugué à un bon niveau de vaccination, l’espoir de retrouver cet automne une vie que l’on peut qualifier d’« habituelle », au regard des standards de vie avant la pandémie, peut-il se concevoir ? Cela dépend, entre autres facteurs, des capacités de mutation du virus.

Par-delà ces questions, sur des problématiques comme celles qui concernent les prix des métaux et des transports, voire des plastiques, d’autres inconnues entrent en ligne de compte. Des cessations d’activité d’entreprises entraînant la disparition de certains savoir-faire dans des domaines précis, comme par exemple l’arrosage connecté en Italie, est parfois évoqué comme un frein possible à la reprise du marché. Ces situations très particulières sont difficiles à prévoir.

On peut également s’interroger sur l’après-pandémie. Le virus a contraint les pouvoirs publics à clouer des gens chez eux. Certains en ont profité pour jardiner et améliorer leur cadre de vie. Ceux qui n’ont pas perdu d’argent, voire ont gagné en pouvoir d’achat faute de loisirs, de restaurants, de lieux culturels, des transports réduits grâce au télétravail, ont investi pour leur espace de verdure. Soit. Mais qu’en sera-t-il dès lors que les sorties seront de nouveau possibles, les voyages autorisés, voire encouragés, afin de relancer l’économie ? Le goût renforcé pour le jardinage l’emportera-t-il sur les envies d’ailleurs ? Le phénomène sera à examiner attentivement, mais de nombreux observateurs penchent pour qu’au moins une partie de l’intention de se ressourcer au jardin perdure.

« Deux ou trois ans pour revenir à une situation normale »

Quoi qu’il en soit, pour ce qui concerne le végétal, même si la pression sur la demande se calmait un peu, personne n’envisage une baisse des tensions avant quelques saisons. « Je suis d’accord avec l’analyse qui laisse à penser qu’il faudra deux à trois ans pour revenir à une situation normale. Je dirais même que pour le marché du paysage, pour de grands arbres, il faudra plus, entre sept et dix ans », estime Mikaël Mercier, président de Val’hor.

La disponibilité en jeunes plants, qui commence à devenir problématique et inquiète dans l’Hexagone*, pourrait par exemple freiner les remises en production. Pour Sylvie Robert, d’Excellence végétale, il est possible que certaines gammes voient leur situation se tendre au cours des prochains mois, en particulier pour les rosiers greffés, les cultures de porte-greffe se raréfiant en France.

Les distributeurs semblent toutefois avoir pris la mesure de la situation et cherchent à accroître la contractualisation avec la production, de peur de risquer de manquer de plantes. Même la distribution non spécialisée, les GSA et GSB**, assurerait ses arrières.

« La période nous conduit à renforcer notre relation avec nos fournisseurs, que ce soit sur les produits en marque de distributeur ou pas, témoigne Patrick Abadie, chez Truffaut. Nous sommes effectivement en train de relever la part de nos achats réalisés sous contrat. »

Une option pas toujours jugée favorable par tous : « La contractualisation, c’est un peu l’Arlésienne en France car “culturellement déséquilibrée’’ et… peu sécurisante : elle ne prévoit que rarement les accidents, avance Michel Le Borgne, dirigeant de Pépinières Drappier. Les producteurs savent bien que les négociations “à la française” se montrent généralement meurtrières pour eux. Au fond, je crois que les distributeurs français ont tort de viser plus la valeur (basse) du panier de la ménagère que l’accompagnement professionnel des acheteurs, notamment ceux qui ont les moyens. Ce sont en effet les producteurs qui paient la “soustraction”. »

Mais, globalement, un meilleur dialogue « amont-aval » est plutôt salué ces derniers temps dans le monde de la production.

Les prix seront tirés à la hausse ces prochains mois, les producteurs se retrouvant – pour la première fois depuis longtemps – dans une position plus favorable sur le marché, mais les distributeurs les invitent à modérer leurs attentes. « Lorsque le marché sera revenu à la normale, nous nous souviendrons d’éventuels abus », dit le responsable des achats en végétaux d’une enseigne, qui invite les producteurs à ne pas être trop opportunistes. « Nous ne sommes pas en conflit, mais en vigilance, les pépiniéristes le sont aussi », précise-t-il aussitôt.

Le label Fleurs de France vers un succès grandissant

L’autre grand gagnant de la situation pourrait être le made in France, poussé par la montée en puissance de l’attente des clients. La pandémie a en effet largement mis en lumière les failles de la mondialisation, dont la dépendance à d’autres pays dans bien des domaines. Dans un tel contexte, le label Fleurs de France devrait avoir un succès grandissant.

InVivo, union de coopératives agricoles qui rassemble les enseignes Delbard-Nalod’s, Jardiland ainsi que Gamm vert, a fait en décembre une annonce fracassante, prévoyant de proposer 90 % d’offre végétale française dans ses rayons à l’horizon 2025 (Le Lien horticole n° 1102 de janvier-février, page 8).

Enfin, la pandémie sera peut-être l’occasion d’observer à moyen terme des changements dans les modes de consommation. Comment les pots de plastique, confrontés à une crise d’offre, vont-ils franchir ce cap ? L’après-crise, quand l’urgence sanitaire appartiendra au passé, pourrait bien se révéler pleine de surprises !

P. F.

*Un sujet à découvrir dans une prochaine édition.

**Grandes surfaces alimentaires et grandes surfaces de bricolage.

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