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Osmie : des plantes locales et du collectif pour s’installer

Philipp Schröter, architecte-paysagiste, et Fabienne Guisle, paysagiste DPLG, ont créé dans la Loire une pépinière de vivaces issues de graines de la région, labellisée « Végétal local ». Leur projet s’intègre dans des démarches coopératives et collectives.

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Philipp Schröter, 39 ans, originaire du sud-ouest de l’Allemagne, et Fabienne Guisle, 40 ans, ont suivi leurs études outre-Rhin et en France, notamment à Bordeaux. Leur parcours professionnel les a conduits tous les deux successivement en Suisse et au Cameroun, avant de revenir dans l’Hexagone au début des années 2010. Fabienne met en place des projets d’éducation à l’environnement, pour les associations Robin des villes et Pierre Feuille Ciseaux. Philipp, lui, travaille dans un bureau d’études lyonnais.

Au fil des expériences, la flore lo­cale, les jardins naturalistes et le lien entre l’homme et la nature constituent les fils conducteurs de leurs aménagements paysagers. « Cependant, pour les grands projets, il faut encore faire trop de compromis », estime Philipp. En 2014, pour aller au bout de sa démarche, il crée son propre bureau d’études, Osmie, en libéral, avec l’envie de concevoir des espaces à la fois agréables et présentant un intérêt pour l’environnement et la biodiversité.

En 2015, par passion et pour pallier l’absence de producteurs dans leur zone climatique du Massif central, en lien avec l’activité en libéral, ils ajoutent à Osmie une pépinière du même nom pour la production de vi­vaces issues de graines locales.

Dans un premier temps, le couple s’est concentré sur ses premières récoltes­ de graines, ses multiplications en Ardèche, puis se sont attelés à la recherche d’un emplacement fonctionnel.

Leur exploitation est sous statut individuel, mais la pépinière a été créée­ en commun avec Fabienne, associée de fait. Tout en conservant sa propre activité professionnelle, elle participe aux prises de décision ainsi qu’à certains travaux, notamment la cueillette, la production et la commercialisation.

Peu à peu, leurs choix techniques, commerciaux, environnementaux et contextuels ont orienté, au fur et mesure, leur installation et le développement de leur jeune pépinière.

Mutualiser certains investissements et travaux

Le véritable départ de la pépinière, c’est en 2018, avec l’installation au sein du domaine du Centre agroécologique de La Rivoire (lire l’encadré page suivante), à Saint-Julien-Molin-Molette (42).

« En intégrant la société coopérative d’intérêt collectif, nous avons pu disposer de 2,5 ha en location ainsi que d’un bâtiment – une ancienne porcherie – en cours de transformation. Nous limitons de cette façon la mise de départ. Outre la dimension du travail en collectif, cela permet de mutualiser certains investissements et travaux : par exemple, nous pourrons profiter de la retenue d’eau en commun avec l’exploitation maraîchère. »

Une petite partie de l’emplacement est actuellement occupée par la plateforme de culture et par un tunnel dédié à la multiplication : environ 7 000 godets (de 200 espèces de vi­vaces) ainsi que quelques centaines de ligneux (environ 40 espèces). La production, naissante, devrait augmenter peu à peu : 10 000 vivaces sont prévues en 2021.

Regroupés, pour accéder à des marchés importants

« La taille modeste de nos cultures ne nous permet pas d’envisager des chantiers importants comme la renaturation de sites dégradés, ni de vastes programmes de plantation de haies, mais nous pouvons venir en complément pour quelques références. La demande des collectivités en plantes locales augmente. Aussi, en nous regroupant avec des collègues dans la même démarche, nous pouvons répondre à des marchés plus importants. »

La commercialisation aux particuliers s’effectue principalement en vente directe lors des marchés aux plantes ou via des paysagistes concepteurs. Une boutique en ligne est en création. L’année 2019 a surtout été consacrée au développement de la production et à l’élargissement de la gamme. Néanmoins, le couple a été présent à plusieurs foires aux plantes, dont l’édition automnale de Chantilly (60), où Osmie a été récompensée par le prix de la presse. « Même si, financièrement, cette première année de vente ne couvre pas les frais, cela a été l’occasion de nous faire connaître, de rencontrer d’autres professionnels et des organismes, de créer des liens... » L’année 2020 devait voir se dégager un premier chiffre d’affaires, mais la crise sanitaire, annulant la plupart des foires, est passée par là.

Des producteurs labellisés en vivaces

Fin 2019, Osmie a obtenu le label « Végétal local » pour une partie de sa gamme, qui lui a ouvert une aide de la Région de 2 000 €, obtenue par l’intermédiaire du conservatoire bo­tanique, afin d’investir dans du matériel de culture. Philipp et Fabienne étaient les seuls producteurs labellisés en vivaces dans leur région climatique, avant l’agrément très récent d’un autre producteur. La récolte et la multiplication posent de multiples difficultés : acquérir un savoir-faire, des connaissances et des stratégies très spécifiques, à l’image des tech­niques de conservation, de stratification et de semis en pépinière.

EALI : entreprises agricoles localement innovantes

L’investissement – près de 20  000  € – a permis la mise en place de la pépinière (infrastructure, matériels). S’y s’ajoutent les parts dans la SCIC (minimum 5 000 €). Philipp et Fabienne n’ont pas sollicité la DJA (dotation jeunes agriculteurs), préférant une installation progressive, selon leur rythme. Ils ont, néanmoins, été conseillés et suivis, au tout début de leur projet, par l’Adear (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural) de la Drôme, qui couvrait aussi l’Ardèche à l’époque. Ils ont pu bénéficier de conseils ju­ridiques et d’un suivi postcréation au travers du dispositif Entreprises­ agricoles localement innovantes (EALI)*, financé par l’ancienne région Rhône-Alpes (aujourd’hui Auvergne-Rhône-Alpes) et l’Europe. La Région propose un nouveau dispositif de soutien financier pour les porteurs de projets agricoles (comportant un diagnostic global, une étude de faisabilité et éventuellement un suivi postinstallation).

Claude Thiery

*Le dispositif pouvait notamment proposer­, pour une étude de faisabilité : 80 % d’aide publique plafonnée à 5 500 € et, en suivi postcréation, de 100 % de dépenses à hauteur de 2 200 €.

Pour en savoir plus : https://fr-fr.facebook.com/pg/Osmie42/posts/

© OSMIE - Actuellement, seule une petite partie des 2,5 ha du site est occupée, par une plateforme de culture et un tunnel dédié à la multiplication. OSMIE

© Pascaline NOACK - En 2019, Osmie a reçu le prix de la presse durant l’édition automnale des Journées des plantes de Chantilly. Une récompense pour « sa recherche en faveur de l’adaptation aux changements climatiques et pour la lutte contre l’érosion de la biodiversité ». Pascaline NOACK

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