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La fleurdopéepar l’achat plaisir et le local

Selon Florent Moreau, président de la Fédération française des artisans fleuristes,« le niveau d’activité est actuellement impressionnant. Depuis le début de l’année, nous sommes à + 10 % de chiffre d’affaires par rapport à la même période de 2019. »

Malgré la mise à l’arrêt de secteurs entiers de l’économie, la vente de bouquets en magasin ou sur le Web se porte bien, souvent au profit de la production hexagonale.

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Etant donné que, depuis plus d’un an, en raison de la pandémie de Covid-19, les Français ne s’invitent plus les uns chez les autres, que l’événementiel est à l’arrêt, les mariages reportés ou organisés en comité restreint, qui aurait pu croire que le marché du bouquet et de la fleur aurait su tirer son épingle du jeu ? Et pourtant, les faits sont là : les ventes tant chez les fleuristes que sur le Web sont à la hausse… Même les jardineries af­firment haut et fort bien vendre la fleur coupée.

Alors que beaucoup ont profité des périodes de confinement pour jardiner, de nombreux autres ont découvert les joies de la consommation pour soi, les achats plaisir. Et on ne pourra pas reprocher à cet engouement de favoriser la vente de fleurs de l’autre bout du monde : les importations ont baissé en 2020 (voir page précédente) et les producteurs de l’Hexagone sont de la fête…

Le panier moyen progresse

Bien sûr, certains font grise mine, comme ceux qui ont choisi le secteur de l’événementiel et n’ont pas de magasin, par exemple. Au début de la crise, tous les fleuristes ont eu très peur : la première enquête réalisée l’an dernier par Val’hor sur les conséquences de la pandémie avait fait ressortir que 15 % des quelque 12 000 fleuristes que compterait la France étaient en danger. Mais Florent Moreau, président de la FFAF, Fédération française des artisans fleuristes, se montre beaucoup plus optimiste aujourd’hui : « Ce chiffre ne sera pas atteint, le niveau d’activité des fleuristes est actuellement impressionnant. Depuis le début de l’année, nous sommes à + 10 % de chiffre d’affaires par rapport à la même période de 2019. » Évidemment, la référence à 2020 est rendue caduque en raison de l’instauration du confinement du printemps.

Même tonalité du côté de Benjamin Perot, l’un des fondateurs de la boutique en ligne Monsieur Marguerite, spécialisée dans la fleur française et de saison (lire l’encadré). Il explique que le chiffre d’affaires de son en­treprise, qui vend « un peu plus de 10 000 bouquets par mois », a « triplé en 2020 et est encore de + 60 % en ce début d’année 2021 ».

« Le panier moyen a beaucoup progressé », constate Florent Moreau, qui précise que les fleuristes « ne souffrent pas trop des ventes sur le Web. Le produit est visuel, olfactif. Il est important pour le client d’aller au magasin ». Selon lui, un nouveau marché s’est bel et bien développé, poussé par le surplus de pouvoir d’achat généré par l’arrêt dans les ménages de certaines dépenses. Des sommes que les Français utilisent en partie à se faire plaisir et décorer leur intérieur.

Le made in France en figure de proue

Cette bonne surprise s’accompagne d’une seconde : la fleur française profite pleinement de cette envolée des ventes. Le made in France est à la mode en fleurs coupées comme pour nombre d’autres produits. Une tendance constatée avant les confinements, mais qui s’est renforcée. « Clairement, les fleurs de France et les produits locaux sont très demandés, note Florent Moreau. Les clients veulent savoir d’où vient ce qu’ils achètent. Même si la part des fleurs importées de l’étranger reste prépondérante, il est impos­sible, aujourd’hui, de ne pas proposer de la production française. »

Les magasins Botanic ont lancé une opération pour la fête des Mères, le 26 mai : un bouquet composé à 100 % de fleurs françaises : dix-sept tiges de pivoines, roses, alstroemères et du feuillage. Pas moins de 1 500 unités seront disponibles dans 72 magasins de l’enseigne. « Nous travaillons sur cette opération depuis deux ans, explique Denis Mortal, qui est acheteur serres aux plantes et fleuristerie. L’offre a été travaillée avec un grossiste de l’Ain, Sodif. Les pivoines sont produites dans ce département, les alstroemères dans le Sud… » D’ici trois ans, Botanic a l’intention de proposer 100 % de fleurs hexagonales, ce que déjà dix magasins testent actuellement.

Même si, pour les jardineries, les fleurs coupées ne constituent qu’une part restreinte du chiffre d’affaires, « nous ne pouvons pas encore assurer un approvisionnement des magasins à 100 % avec des fleurs françaises », précise Denis Mortal. Des contrats vont être passés pour les fleurs qui ne sont pas disponibles en quantités suffisantes.

Cet engouement pour le made in France est confirmé au niveau de la production et se ressent sur les prix : « Dans le Var, une pivoine, l’une des principales productions de la région, qui se vendait habituellement fin avril 70 centimes la tige, part en 2021 à 1 euro », illustre Gilles Rus, directeur du développement de la Sica* Marché aux fleurs d’Hyères. Loin de l’ambiance de l’année dernière à la même date, quand le confinement avait fait perdre­ 5 millions d’euros à la société varoise !

Les quelque 85 % des fleurs coupées du Var qui transitent par ce marché partent vers Rungis, un réseau de grossistes en France ou même à l’export pour 13 à 14 % d’entre elles. Mais Gilles Rus rappelle que la tendance du made in France n’explique pas tout : « Le transport aérien s’est réduit. Il y a eu moins de place pour les fleurs dans les avions. Le prix du fret a donc augmenté et, parallèlement, les contraintes sanitaires se sont durcies drastiquement dans les pays producteurs, en Amérique centrale ou en Afrique. Cela a déstabilisé les importations. » Il faut dire que pour ces fleurs importées, « la logistique est plus chère que le produit lui-même ».

Véronique Brun, chargée de mission dans le Sud-Est de la Fédération nationale des producteurs de l’horticulture et des pépinières (FNPHP), rappelle d’ailleurs que Royal FloraHolland, la plaque tournante mondiale du marché de la fleur coupée aux Pays-Bas, a annoncé récemment une hausse des prix des produits qui y transitent de 5,3 %. Le surcoût­ de la fleur française sur celle d’importation devient en conséquence plus marginal…

Réussir la transition, surtout logistique

Le phénomène va-t-il durer et gé­nérer un renouveau de la fleur française ou tout cela n’est-il qu’un feu de paille ? « Cela devrait insuffler une dynamique. Les nouvelles générations sont sensibles à l’argument du produit local, qui est important pour eux », estime Gilles Rus. Les sites­ de vente sur Internet, utilisés massivement­ par les jeunes, surfent largement­ sur le phénomène, mais « les grossistes s’y mettent aussi », poursuit le directeur du développement de la Sica Marché aux fleurs.

Reste que la part des importations dans le marché français est telle aujourd­’hui­ que l’idée que le pays puisse redevenir autonome est to­talement illusoire. La production française s’est placée sur des créneaux spécifiques, où elle a l’occasion de réaliser de la valeur ajoutée, mais peut-elle se repositionner sur du « standard », face aux importations ? Telle est la question.

L’autre enjeu sera de réussir une transition logistique. Florent Moreau le rappelle : pour un fleuriste, un simple coup de fil aux Pays-Bas permet d’être livré le lendemain. C’est plus compliqué avec la production française.

Pascal Fayolle

*Société d’intérêt collectif agricole.

- Pour répondre à la demande des consommateurs, fleuristes comme enseignes en ligne tentent de mettre en avant l’origine française dans les bouquets.

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