Une plante « idéale » pour années atypiques ?
Que faut-il planter dans les massifs, en vue du fleurissement estival l’an prochain ? Le casse-tête de trouver des plantes robustes face à tous les aléas, beaucoup de responsables d’espaces verts y sont confrontés. Retours de terrain de fin d’été.
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Après plusieurs printemps extrêmement capricieux, alternant coups de chaud et gelées, un été 2020 plutôt caniculaire en maints endroits, un été 2021 plutôt pluvieux dans de multiples régions… comment préparer ses prochaines plantations ? Robert Pichot, responsable des pareterres d’ornement au Jardin des Plantes du Muséum national d’Histoire naturelle, à Paris, confirme : « Les années passent et ne se ressemblent pas. J’avais mis en place un paillage sur l’ensemble des massifs pour faire face à un été chaud. Patatras, cela n’a pas été le cas ! De plus, les plants en grande difficulté à la production – en raison d’un printemps froid – se sont retrouvés sous la “goutte froide” exceptionnelle de l’été français. D’où de très grandes disparités dans le comportement de chaque taxon. »
Idem à Brindas (69), près de Lyon, où la station d’expérimentation Ratho a constaté « un climat local avec des pluies abondantes (356 mm/m²), un orage violent, vent, grêle et fraîcheur… qui ont considérablement déprécié les fleurs cette année ». Et la station Astredhor Sud-Ouest (GIE Fleurs & Plantes), à Villenave-d’Ornon (33), déplore « un été maussade, avec une pluviométrie importante en juin et persistante en juillet-août, des températures moyennes plus basses de plus de 3 °C, un ensoleillement moins intense ».
Ce 30 septembre, le Bureau horticole régional (BHR) et l’Arexhor Pays de la Loire ont fait le point à Angers (49) sur les problématiques et solutions liées au dérèglement climatique. Leur constat : le climat évolue, c’est un fait ! Et ce changement affecte toutes les strates de la filière horticole : en effet, il remet en cause les itinéraires techniques, questionne l’organisation du travail, bouscule les gammes, chahute la structure du marché…
« Il y a encore dix ans, illustrait Maud Dubois, du BHR, la véronique était une plante fleurie en Anjou. Aujourd’hui, c’est moins fréquemment le cas. Le cyclamen est également plus compliqué à cultiver : 2021 lui a plu, mais c’est désormais le cas deux années sur dix seulement. Le reste du temps, nous sommes obligés de caler nos techniques de production sur celles du Sud. » Seule favorisée parmi les contributeurs de ce dossier : la ville d’Antibes (06), avec « un été beau et chaud, mais pas caniculaire, donc très agréable ».
Sur quoi se baser pour faire ses choix dès cet automne ?
« Il n’y a pas de plante “idéale”, modère d’emblée Gilles Baron, consultant horticole pour Hortifleurissement conseils, car nous travaillons avec du matériel vivant. Mais la recherche reste active pour trouver des solutions et améliorer les performances. »
Alors tous ceux qui ont fait des essais sur les plantes censées bien tenir à la sécheresse se sont-ils trompés ? En fait, leurs choix variétaux pour 2021 auront permis de vérifier si des plantes supposées supporter les restrictions en eaux et la chaleur peuvent également affronter un été pluvieux avec sa cohorte d’oïdium et autre mildiou... pour se diriger vers une plante quasi « idéale ». Ainsi, à Astredhor Sud-Ouest, les professionnels adhérents se sont prononcés le 8 septembre dernier. Leur top 5 des plantes évaluées pour l’aptitude à tolérer les stress hydriques et thermiques (une thématique déjà travaillée en 2020) s’est très bien comporté durant cet été humide : Portulaca grandiflora Duna® ‘Peggy’ Purple, Gomphrena globosa ‘Truffala’ Pink, Salvia interspecific ‘Big’ Blue, Euphorbia hypericifolia Sel® ‘Loreen’ Compact White et Astericus maritimus ‘Collis’.
Une quarantaine de genres, cultivars, groupes de plantes – pouvant être considérés comme ayant donné satisfaction certaines années de chaleur aussi bien que cette année pluvieuse – ont été référencées dans ce dossier (photos en encadré).
Depuis trente ans, Le Lien horticole publie des retours d’expérience sur le terrain. Année après année, les plantes observées par des Villes, des stations d’expérimentation, des écoles, des experts lors de visites voient les résultats publiés pour servir de repères.
Le travail de prospection effectué l’an passé sur les évolutions autour des hybrides interspécifiques (dossier du Lien horticole n° 1100 de novembre 2020) reste tout à fait pertinent. En dehors de deux bémols cet été : Dianthusinterspecific barbatus JoltTM Purple et Pelargonium interspecific Marcada®. Deux déceptions puisqu’ils n’ont pas complètement confirmé cette année alors qu’ils avaient montré plein de promesses en 2020. Marcada® était pourtant ressorti premier du jardin sec l’an passé à Astredhor Sud-Ouest, près de Bordeaux. Reste à leur donner une autre chance l’an prochain. À part ces deux cas, pour l’essentiel, les hybrides interspécifiques ont généralement conforté leurs atouts de très bonne tenue et d’abondante floraison. La « résistance » au mildiou est confirmée également pour Impatiens Beacon®. Et Gilles Baron d’annoncer qu’il « se passe encore beaucoup de choses dans les travaux de sélection chez les obtenteurs, avec une nouvelle palette d’hybrides interspécifiques à venir d’ici deux ou trois ans ».
Nouveautés à l’essai
Les distributeurs eux aussi testent les nouveautés, soit dans un jardin partenaire, tel Ducrettet à Maulévrier (49), soit dans leur site comme Graines Voltz, à Loire-Authion (49), et NPK Distribution, à Saint-Ferréol-d’Auroure (43), cette année. Graines Voltz aide les producteurs détaillants à choisir les plantes estivales idéales pour les particuliers par le biais d’une sélection Facil’Été retenue et promue par l’hebdomadaire Rustica. NPK Distribution vient de se donner les moyens de tester en pleine terre et en pots de 18 litres : « Les intérêts de disposer maintenant de notre propre jardin d’essais sont multiples avec, en tout premier lieu, une meilleure connaissance des nouveautés et de leur comportement sur le terrain tout au long de la saison, à une altitude de 580 m qui contraint à une plantation tardive. »
Ces informations sont précieuses, autant pour les obtenteurs pour qui ce contexte constitue un retour supplémentaire, que pour NPK, qui doit trouver les plantes idéales pour sa clientèle composée à 80 % de collectivités. Ces dernières privilégient actuellement les plantes de fort volume… alors « l’offre n’est pas vraiment en adéquation, avec en majorité des nouveautés très compactes, plutôt destinées à une utilisation par le grand public », regrettent à la fois NPK et le consultant Gilles Baron.
Restent des nouveautés (pour les ventes en 2022) qui ont donné entière satisfaction, malgré la pluie. À Astredhor Sud-Ouest, les professionnels ont établi le top 5 de leurs favorites pour 2021 : Achillea ptarmica ‘Summer Drift’, Bracteantha bracteata (immortelle à grosses fleurs) GranviaTM Gold, Verbena x hybrida LTD Sel® Drums Bicolore, Euphorbia hypericifolia ‘Snow Blizzard’ et Salvia canariensis ‘Lancelot’. Un éventail plus large de nouveautés qui ont satisfait ou déçu cette année sont compilées dans ce dossier (voir tableaux pages 32-33 et dans une prochaine édition).
Les géraniacées, les comestibles, les prêtes à poser… à l’essai en 2021
Certains essais, représentant de véritables vitrines, font (re)découvrir un ou plusieurs genres, des dizaines d’espèces, de très nombreux cultivars horticoles et des variétés botaniques. La station Ratho a quant à elle travaillé les comestibles en pots et en pleine terre, la « résistance » à la sécheresse, les prêts-à-poser, et bien sûr son jardin des innovations végétales.
Les sensorielles, les pavots, les « résistantes » au sec… à l’essai en 2022 ?
« L’année prochaine, au Jardin des Plantes du Muséum, nous mettrons l’accent sur les plantes sensorielles, annonce Robert Pichot. Ce thème réunira les odorantes, classées par familles, et les tactiles (duveteuses, rugueuses, accrochantes, douces et lisses, satinées, gluantes…). Nous devrions aussi travailler sur les pavots, thème pour la plante de l’année 2022 par Fleuroselect. Le reste des massifs du Jardin des Plantes devrait être laissé en ornement classique, même si un thème de dernière minute pourrait éventuellement compléter le tableau. »
En 2022, Fleuroselect mettra bien à l’honneur les coquelicots et autres pavots (poppies en anglais) pour sa campagne « La fleur de l’année » et le basilic pour le légume qui l’accompagne. Une démarche qui permet de (re)découvrir la richesse méconnue des palettes variétales dans différents genres végétaux pas suffisamment utilisés. La station Ratho devrait poursuivre ses essais de « résistance » à la sécheresse, que ce soit pour les annuelles, les vivaces, les arbustes et les arbres, l’ensemble à destination des particuliers et des collectivités.
Odile MaillardPour accéder à l'ensembles nos offres :