Sur les toits végétalisés, une grande biodiversité
Les bâtiments couverts de végétation apportent de la nature en ville. Si leurs avantages sont indéniables, leur seule présence ne suffit pas.
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Les bâtiments végétalisés connaissent un essor depuis quelques années, et notamment les toitures et terrasses. Si l’engouement est bien présent, il est renforcé par des obligations légales. En effet, depuis 2019, les nouvelles constructions de plus de 1 000 m2 d’emprise au sol dédiées à une exploitation commerciale, un usage industriel ou artisanal sont contraintes de végétaliser ou d’équiper de dispositifs de production d’énergie renouvelable au moins 30 % de la surface de leur toiture. Et à partir du 1er janvier 2023, le dispositif se renforce. Cette mesure concernera les nouvelles constructions et les rénovations lourdes pour les bâtiments commerciaux, logistiques et artisanaux de plus de 500 m² de même que ceux de bureaux de plus de 1 000 m².
Les retours d’expérience ont permis d’adapter les dispositifs et les techniques. Les toitures végétalisées, si elles sont bien conçues, comportent de nombreux avantages : rétention d’eau, lutte contre les îlots de chaleur, apport de biodiversité… Plusieurs études se focalisent d’ailleurs sur ce dernier point, afin de déterminer quelle configuration de toiture végétalisée peut abriter la plus grande diversité d’espèces et d’écosystèmes fonctionnels. L’association des toitures et façades végétales Adivet a réuni chercheurs et entrepreneurs fin octobre. Ils ont partagé leurs témoignages à l’occasion d’un colloque dédié à la biodiversité des bâtiments végétalisés (1).
Les obligations légales ou la tentation de greenwashing de certaines structures ne doivent pas être un prétexte à la mise en place d’un petit peu de verdure sur un bout de bâtiment, sans établir au préalable un projet bien pensé. Certaines plantes ne sont pas vraiment adaptées en toiture, des infrastructures s’avèrent plus ou moins accueillantes pour les pollinisateurs ou les oiseaux...
Il existe une très forte diversité de toitures selon la quantité de terre, l’exposition, le choix des plantes introduites (sauvages, horticoles, cultivées ou des mélanges…). Quelles sont les différences en termes de biodiversité ? Et comment favoriser la présence de faune et de flore variées dans ces espaces ?
Après la plantation, l’installation de spontanées
L’épaisseur du substrat de culture, choisie en fonction de la portance du support de la toiture, est le premier critère de choix des végétaux. Pour ceux de moins de 10 cm, le Sedum reste le genre le plus utilisé. Pour les supports d’une épaisseur moyenne (12 à 30 cm), la végétation peut se composer de vivaces de rocaille, de graminées et de plantes arbustives à faible développement racinaire comme le thym, l’hélianthème ou la lavande. Les toitures-jardins, qui ont une couche de terre plus importante, peuvent accueillir une plus grande diversité de végétaux, et même des arbres si la taille est maîtrisée. Toutefois, certaines plantes sont interdites en toiture pour ne pas endommager les constructions (2).
Différents intervenants ont partagé leurs retours d’expérience lors du colloque. Hemminki Johan, chargé de mission à l’Agence régionale de biodiversité d’Île-de-France, a détaillé l’étude Grooves, qui a été publiée au printemps dernier. Sur les trente-six toitures suivies à Paris entre 2017 et 2019, 400 espèces floristiques ont pu être observées, dont 73 % venues spontanément.
De son côté, Robin Dagois, chargé de mission sols urbains, agronomie et innovation végétale à Plante & Cité, a présenté Florilège en toiture, un projet visant à inventorier la flore plantée et spontanée des toits. Dans les 86 sites étudiés, répartis dans l’ensemble du territoire français, pas moins de 602 taxons ont été notés, dont 57 % de plantes spontanées.
Même constat établi par Yannis Delalandes, qui a réalisé un toit végétalisé à la maison de la petite enfance de Mérignac (33) : 50 à 70 % de la végétation est spontanée.
C’est une composante que les concepteurs doivent donc avoir en tête : la palette végétale choisie au départ va évoluer au cours des années et ne restera pas figée. Celle-ci doit être adaptée en fonction de la zone géographique du projet, de l’exposition (ensoleillement, orientation, soumission aux vents, hauteur du toit), du support de culture, ainsi que de la vocation du site. De manière générale, il est conseillé de privilégier les espèces indigènes car elles correspondent à l’habitat et aux ressources des espèces animales locales.
Un fort potentiel d’accueil de la faune
Au collège de la Paix, à Issy-les-Moulineaux (92), l’étude de la biodiversité a montré que les plantes spontanées (fabacées et astéracées) qui se sont installées se sont révélées très attractives pour l’entomofaune, que ces insectes soient pollinisateurs ou phytophages. Il a été dénombré pas moins de 630 individus, répartis au sein de vingt-deux familles et sept ordres. Dans l’étude Grooves, ce sont 611 espèces qui ont été inventoriées, mettant en œuvre une chaîne trophique fonctionnelle.
À travers deux programmes (Nature en ville et Refuge), la Ligue de protection des oiseaux (LPO) accompagne les projets de végétalisation du bâti pour favoriser la présence de la faune, et notamment des oiseaux. Cette pratique peut en effet contribuer à lutter contre la disparition des espèces dans un cadre urbain. Maeva Felten, responsable du programme Nature en ville, a ainsi détaillé quelques recommandations (lire l’encadré).
Une faune du sol souvent oubliée
Réservoirs de biodiversité, les sols sont souvent les grands oubliés des études. Ils accueillent pourtant 25 % des espèces terrestres. Contrairement à ce qui était attendu, il y aurait une abondance et une forte pluralité d’espèces dans les toitures végétalisées. En s’appuyant sur trois retours d’expérience, Sophie Boulanger-Joimel, qui est maître de conférences à AgroParisTech, note en effet que celles-ci présentent une biodiversité aussi riche qu’en pleine terre, voire même plus élevée qu’à l’intérieur de jardins familiaux ou au sein de terres agricoles. Ceci dit, les organismes sont très différents de ceux retrouvés dans les sols naturels et sont en général adaptés aux milieux secs.
La biodiversité végétale et animale semble donc bien présente sur la plupart des toits. Parmi les freins à la mise en place de projets bien menés ont souvent été cités le manque d’échanges avec les architectes lors de la conception et de soutien tout au long du projet. Il est important, comme pour tout espace végétalisé, d’avoir une vision à long terme du projet. Le végétal n’est jamais figé.
Quelques questions restent encore en suspens afin d’optimiser les bâtiments végétalisés. À commencer par la nature du substrat. Plusieurs expérimentations sont entreprises actuellement pour mettre en place des filières de construction de technosols avec des « déchets » urbains revalorisés. Il ne semble en effet pas acceptable d’utiliser des terres agricoles fertiles afin de végétaliser du bâti. Il reste également des améliorations à apporter à la conception même des toitures. Et notamment les composants artificiels qui se retrouvent dans les revêtements (pour étanchéifier, par exemple), un autre point important à éclaircir pour l’avenir.
Léna Hespel(1) Voir sur www.lienhorticole.fr l’actualité « Bâtiments végétalisés, des référentiels pour aider les professionnels », mise en ligne le 5 novembre dernier.
(2) Espèces interdites en toiture : voir la liste du NF P 84-204 (NF DTU 43.1). Le motif principal d’interdiction de ces plantes est leur système racinaire risquant d’endommager l’étanchéité.
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