Recherche Le secret de la croissance des végétaux enfin percé
Véritables architectes, les plantes allient sucres et protéines pour conférer à la paroi sa résistance et son extensibilité et permettre la croissance des cellules. Modélisation et prédiction sont désormais possibles.
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Contrairement aux animaux, les plantes ont des cellules qui sont toutes entourées d’une paroi solide. Elle les protège mais les enferme dans un squelette rigide. Alors comment peuvent-elles grandir malgré cette contrainte ? Des scientifiques de l’Inrae, du CNRS, en collaboration avec des équipes suisses et belges, ont maintenant percé une partie de ce secret. Ils ont publié, le 10 novembre dernier dans le magazine Science, les résultats de leurs travaux, d’une importance cruciale pour anticiper les effets des changements environnementaux sur la croissance des plantes.
La paroi peut résister jusqu’à dix fois la pression de l'atmosphère
Les végétaux ont la capacité extraordinaire d’utiliser l’énergie solaire pour convertir le CO2 atmosphérique en sucres. Ceux-ci constituent une source presque inépuisable d’énergie et servent aussi de « briques de construction », avec lesquelles ils construisent un rempart autour de chaque cellule : la paroi.
Celle-ci sert à la fois de barrière protectrice et de support pour un squelette, pressurisé. Ce dernier confère de la rigidité aux organes de la plante, comme un matelas gonflable. En effet, la paroi est si robuste qu’elle peut résister à des pressions considérables à l’intérieur de la cellule, atteignant jusqu’à dix fois celle de l'atmosphère terrestre. Curieusement, la présence de cette paroi n’empêche pas le grossissement des cellules lorsque la plante grandit.
Une question se pose alors : comment cette paroi peut-elle grandir, sans perdre son intégrité, ce qui ferait exploser la cellule ?
Des pectines qui agissent comme des aimants avec la paroi
Pour comprendre ce mécanisme, les scientifiques ont analysé en détail le processus d’assemblage de cette paroi.
Pour cela ils ont étudié la croissance du tube pollinique de l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), une plante modèle pour de nombreuses recherches sur les végétaux. Sa paroi cellulaire comprend deux composants majeurs, notamment des fibres et une matrice, principalement constituée de pectines*.
Une équipe d’Inrae avait déjà découvert qu’une fois déposées dans la paroi, les pectines gonflent, à la suite d'une transformation chimique, et permettent l’expansion de la paroi.
Ici la même équipe montre que ces pectines gonflées, recouvertes de charges négatives, se comportent comme de petits aimants. Et ceux-ci s’attirent, négatifs avec positifs. La charge positive qui se lie à ces pectines sont des protéines de la paroi. Il se crée ainsi un réseau, comme aimanté, qui confère sa résistance et son extensibilité à la paroi.
Pour les plantes chez qui cette protéine est altérée, le réseau ne se forme pas et, lors de la croissance, le tube pollinique explose sous la pression des cellules.
Grace à ces résultats fondamentaux pour mieux comprendre les mécanismes de croissance des plantes, les chercheurs développent actuellement des modèles numériques pour simuler et prédire la croissance et la morphogenèse des plantes cultivées en fonction des modifications dans l’environnement, par exemple ceux associés aux changements climatiques.
Dans ces modèles, il est absolument nécessaire d’inclure un mécanisme explicite de la croissance cellulaire.
Pour en savoir plus : Moussu S. et al. (2023). « Plant cell wall patterning and expansion mediated by protein-peptide-polysaccharide interaction ». Science 382,719-725(2023).
*Les pectines sont bien connues pour leur rôle de gélifiant dans la confection de confitures !
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