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Palette végétale Normandie : les changements climatiques influeront sur les futures plantations

Quelle palette végétale pour la Normandie demain, alors que le sud de la région pourrait connaître trente à quarante jours à plus de 30 °C ? C'est la question à laquelle des professionnels de la région ont tenté de répondre lors d'une table ronde l'été dernier.

Des professionnels de l’ensemble de la filière ont réfléchi l’été dernier à ce que pourrait être la palette végétale de demain dans une région qui pourrait, dans sa partie sud, enregistrer trente à quarante jours à plus de 30 °C !

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Astredhor Seine-Manche a organisé l’été dernier une table ronde, dans le cadre de son assemblée territoriale qui s’est tenue à Rouen (76). Animée par Olivier Fouché (Astredhor, bureau d’expertise Florysage), elle a été l’occasion d’échanges entre élus, ingénieurs, chefs d’entreprise et conseillers autour des questions de végétalisation en milieu urbain et du végétal local en Normandie.

Les projections climatiques en 2050 et en 2100 montrent que la région devra gérer de fortes pluies en automne, en hiver, au printemps et des sécheresses en été. Il y aura d’importantes inégalités territoriales : « Le sud de l’Eure devra faire face à trente, quarante jours par an à plus de 30 °C alors que le littoral sera plus préservé, selon les données du Giec normand », a expliqué Romain Debray, responsable de l’Agence normande de la biodiversité et du développement durable (ANBDD). Ces évolutions affectant les végétaux, les villes et les aménageurs devront s’adapter.

Comment assurer la pérennité des aménagements ?

Le développement des plantes en environnement urbain dépendant des condi­tions de plantation, la conception doit tenir compte du climat futur, mais aussi du sol. « La mortalité importante des arbres en ville est bien souvent liée à des sols inadaptés, estime Anne Maquignon, cheffe de projet nature en ville à la métropole de Rouen. La question “comment bien planter ?’’ est donc fondamentale pour la pérennité d’un aménagement. » Elle précise donc que toutes les étapes de plantation doivent être optimisées, de la préparation en pépinière à leur trans­plan­tation et leur entretien sur site.

Elle insiste par ailleurs sur le fait que le choix des végétaux doit être justifié : sont-ils adaptés au climat sec des villes ? au sol ? aux embruns ? au vent ? Répondent-ils aux attentes sociétales du site ? Sont-ils mellifères, et donc favorables à la biodiversité locale ? « Le choix doit aller au-delà du seul critère esthétique, du plaisir. »

Jean-Christophe Goulier, concepteur pay­sagiste du conseil d’architecture, d’ur­ba­nisme et de l’environnement (CAUE) 76, avance pour sa part que « dans la campagne normande, certaines essences choisies pour les bocages sont capables de s’adapter aux évolutions climatiques. Les espèces les plus sensibles seront plantées dans des secteurs bien identifiés. C’est le cas du hêtre, emblématique en pays de Caux : il sera toujours pertinent dans les vallées normandes, plus humides. Les talus, plus secs, seront, eux, repensés ».

La résilience des plantations passe selon lui par une diversification des essences. « Notre approche aujourd’hui est de parler du bon sens paysan : diversifier au maximum : les essences végétales que nous plantons, les strates végétales, donc les systèmes de plantation, au profit du paysage, de la biodiversité tout en minimisant les impacts des aléas, qu’ils soient pathogènes ou climatiques. »

« Un projet d’aménagement est la rencontre d’une demande et d’un site, avec son contexte historique, géographique, environnemental. Chaque aménagement doit être fait “sur mesure” », explique Franck Gaillet, concepteur paysagiste, gérant d’Atelier Galium et président de la Fédération française du paysage de Normandie. « Je vois la palette végétale comme une boîte à outils. Il est important qu’elle soit adaptée au projet, qu’il soit en ville, en périurbain ou en vallée, en bocage… »

Récolte de graines de plantes locales. Des plantes issues de la région et adaptées au climat font partie des pistes qui permettraient d'adapter la gamme au nouveau contexte climatique. (© Astredhor)

Production locale ou marque « Végétal local », quelles différences ?

Si la préférence du « local » fait l’unanimité pour les intervenants, le terme n’a pas toujours la même signification.

La marque « Végétal local » portée par l’Office français de la biodiversité (OFB) garantit l’origine des végétaux de la région concernée. Elle respecte un cahier des charges strict de collecte. « Il y a en ville trop d’espèces exotiques, certaines peuvent être envahissantes. Pourtant, en termes de biodiversité, il existe une palette végétale locale à redécouvrir, qui est capable de répondre aux évolutions climatiques. Selon nous, le choix de ces vé­gétaux d’origine locale est clairement prioritaire, tout particulièrement dans les aménagements hors des villes », affirme Romain Debray.

D’un autre côté, les productions horticoles locales correspondent aux plantes cultivées par les pépiniéristes de la région, quelle que soit leur origine. Une plante exogène est « souvent assimilée à une plante dite horticole », or « lorsqu’on parle de plante horticole, on ne précise pas si elle est indigène ou exogène », précise le guide « Les plantes d’avenir normandes »*.

La dimension économique demeure fon­damentale pour un producteur, son avenir dépend de cette question : qu’est-ce qui sera vendable demain ? Didier Anque­til, gérant des Pépinières d’Elle et président d’Astredhor Seine-Manche, estime que les exploitants doivent « être pertinents dans leurs choix. Ce n’est pas facile, car le temps de la production est long. C’est pourquoi nous optons pour la diversité. Les demandes des clients sont hétérogènes et parfois à l’opposé, on doit composer avec tout cela. […] Nous avons encore la chance, en Normandie, de pouvoir proposer un grande nombre d’essences qui poussent naturellement chez nous. » 

Récolte de graines de plantes locales. Des plantes issues de la région et adaptées au climat font partie des pistes qui permettraient d'adapter la gamme au nouveau contexte climatique. (© Astredhor)

Des acteurs de terrain engagés

Les élus de la région se sont tous montrés intéressés par ces problématiques très techniques de conception de la palette végétale. « J’ai souhaité dès le début du mandat être l’adjoint à la ville résiliente face au changement climatique, a témoigné Jean-Michel Bérégovoy, deuxième adjoint de Rouen, en charge de la transition écologique. L’adaptation de la palette végétale au changement climatique est donc une question essentielle, tout comme les techniques choisies. La mise en œuvre repose sur la société civile. Les villes doivent aussi s’entourer de compétences, d’experts [...]. Nous travaillons avec les habitants sur des projets participatifs. et nos équipes visent à proposer des palettes végétales adaptées. »

Différents acteurs travaillent sur la palette végétale du futur. L’ANBDD a ainsi lancé une étude en région pour créer un catalogue de plantations normandes, réservées à certains secteurs, définissant les essences résilientes face aux futures conditions climatiques. Cette mission réunit plusieurs partenaires, la publication est prévue d’ici l’été 2025. Quant au CAUE, il a relancé en 2024 un groupe de travail avec des acteurs normands de l’arbre et de la haie pour penser les stratégies de plantation.

Enfin, les représentants des professionnels régionaux du paysage et de la production horticole ont œuvré à l’élaboration d’une charte normande des achats publics en espaces verts, aussi appelée « charte de l’achat public local ». Son objectif principal est de favoriser un approvisionnement de proximité, de qualité et responsable dans la réalisation des aménagements paysagers des collectivités.

*Le guide « Les plantes d’avenir normandes », cofinancé par la région Normandie et Valhor, a été rédigé et publié par Astredhor et la FFP Normandie en partenariat avec Plante & Cité, Inrae, la chambre d’agriculture de Normandie, Unep Normandie et Valhor.

En savoir plus
Pour connaître les travaux menés par Astredhor Seine-Manche portant sur le sujet :
- Filonor : « Filière végétal local en Normandie » (2021-2024) ;
- Plantar : « Produire localement et autrement : mise en place d’une nouvelle gamme “Végétal local” et d’un système de production à bas niveau d’intrants » (2021-2024) ;
- Climarbre : « Préparer l’arbre urbain de demain à l’épreuve du changement climatique » (2024-2028).

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