SANTÉ Le Jardin des vents réunit et soigne

Après 10 ans de démarches acharnées et de réflexions tous azimuts, un terrain de 6 000 m2 - destiné à être transformé en parking - renaît sous le nom de Jardin des vents. Avant même son inauguration officielle en juin 2016, il était devenu un lieu de vie où ont commencé à se rencontrer les patients et résidents de plusieurs établissements qui le bordent de tous côtés : des résidents du foyer Les Hirondelles où vivent de jeunes travailleurs handicapés mentaux, de l'Ehpad Le Castelou, et du foyer Bel Oustal qui accueille des familles en difficulté, ainsi que des patients du centre hospitalier Jean-Pierre Cassabel. Sans oublier les enfants de la maternelle toute proche.

Un mardi matin, les petits élèves arrivent avec leurs pelles et leurs râteaux et se divisent en équipes actives et bruyantes pour planter tournesol, sorgho, haricots et maïs sur la parcelle qui leur est réservée. Juste à côté se trouve une autre parcelle où les résidents du foyer Les Hirondelles ont déjà installé un potager regorgeant de plants de tomates. Les 18 résidents travaillent dans un établissement et service d'aide par le travail (Esat) à des travaux de blanchisserie, de menuiserie ou d'espaces verts. En fin de journée, leur potager est devenu un lieu de bien-être et d'appartenance à un groupe qui - selon l'équipe d'animateurs - s'est battu pour que le Jardin des vents existe.

Un projet mené en partenariat

Le chef d'orchestre est John Riddel, un résident local qui a décidé de donner une dimension thérapeutique au projet qui lui trottait déjà dans la tête après avoir lu le livre Therapeutic Landscapes, de Clare Cooper Marcus (le Lien Horticole, n° 933, 17 juin 2015). Tout naturellement, il tend la main aux établissements médicaux et médico-sociaux avoisinants. Il se renseigne en visitant le jardin thérapeutique initié au CHU de Nancy (54) par la neurologue Thérèse Jonveaux ou celui d'une maison de retraite pour glaner des conseils et des retours d'expériences.

Il sollicite Martine Brulé, architecte-paysagiste spécialisée dans la création de ce type d'espaces depuis plus de quinze ans : « J'ai fait deux jours de formation et j'ai lancé les grandes lignes du projet qui ont été reprises par une stagiaire paysagiste, Mélanie Guesdon, aujourd'hui diplômée de l'École nationale supérieure d'architecture et du paysage de Bordeaux (33). Il y a encore des choix à faire pour cibler les espèces », explique-t-elle. Avec le soutien du Lions Club Castelnaudary Grand Lauragais et plusieurs sponsors (la fondation EDF, AG2R, la Caisse d'épargne, l'association Jardins et santé, la fondation Lions), le Jardin des vents a collecté les 200 000 euros nécessaires pour démarrer, y compris pour réaliser les chemins en sable compacté. Il recrute également les élèves et stagiaires de deux établissements professionnels (voir encadré). Un nouveau projet concerne la construction d'une serre.

Une vocation thérapeutique

Invitation à sortir pour les résidents et les patients, le Jardin des vents a été conçu pour attirer mais également pour retenir les visiteurs :

- la place du noyer permet de s'asseoir en rond et d'organiser des événements conviviaux ;

- des bancs placés à différentes hauteurs, et fabriqués par l'Office national des forêts (ONF), facilitent la contemplation ;

- la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dispose d'une prairie où les deux foyers vont être chargés de compter les oiseaux qui se font de plus en plus rares... Deux terrains de pétanque ont déjà été largement investis. Ouvert à tous, cet espace est aussi un lieu de détente et un endroit pour déjeuner pour le personnel hospitalier, mais aussi pour les lycéens voisins.

Le Jardin des vents affirme sa dimension thérapeutique à travers deux initiatives, le parcours de santé et les réflexions du docteur Philippe Sol. Des kinésithérapeutes de l'hôpital ont conçu bénévolement un parcours de santé qui leur permet d'accueillir le double de patients et de leur offrir un cadre extérieur agréable qui motivera peut-être certains, plus qu'une salle de gym.

Gérontologue au centre hospitalier et responsable de l'unité de soins de longue durée, le docteur Sol mène une réflexion pour mettre une parcelle au service de ses patients atteints de la maladie d'Alzheimer. « Il n'y a que le jardin pour permettre de travailler la mémoire du futur, la mémoire prospective. Deux autres principes sont la resynchronisation à la lumière du jour et le lien entre la chambre et ce lieu », explique-t-il. « Comme pour tous les ateliers, il est important de faire de l'évaluation grâce à des échelles qui permettent à l'équipe soignante de noter les troubles du comportement avant et après l'activité. » Ce médecin, convaincu des bienfaits de cet aménagement pour ses patients, reconnaît aussi qu'il représente un espace dédié à la sortie pour les familles en visite et les malades.

Pour John Riddel, un indicateur de succès serait de voir ce lieu envahi de jardiniers et de visiteurs. « Le docteur Sol nous a dit qu'il aimerait entendre des cris d'enfants sous les chambres de ses patients. » Un rêve en train de devenir réalité.

Isabelle Boucq