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Crowdfunding : solliciter le public pour financer un projet

Le financement participatif offre une alternative aux emprunts bancaires. Il permet à un porteur de projet de concrétiser son idée (installation, investissement...) en faisant appel à une communauté d'internautes. Mais pour assurer la réussite d'une telle démarche, le porteur doit mobiliser son réseau (site internet, Facebook, Twitter, mails...) et animer sa campagne de collecte activement.

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Le crowdfunding (« financement par la foule »), nouveau modèle de financement apparu il y a une dizaine d'années aux États-Unis, se développe en France. Il permet de collecter des fonds, généralement des petits montants, auprès d'internautes : famille, amis mais aussi inconnus donnent, prêtent ou investissent de l'argent dans un projet. Internet permet en effet de fédérer un maximum de personnes autour d'une cause, de manière très rapide et ubiquitaire. Loin du phénomène de mode anecdotique – le marché double tous les ans et a atteint 66 millions d'euros de fonds collectés au premier semestre 2014 (http://financeparticipative.org) –, le financement participatif touche tous les secteurs, y compris l'horticulture. Il ne se substitue pas au secteur bancaire – il ne représentait que 0,3 % des prêts aux entreprises en France en 2013 –, mais offre une nouvelle possibilité de financement. Près d'un Français sur deux est disposé à prêter ou à investir de l'argent sur une plate-forme de crowdfunding(1), 7 % l'ont déjà fait (ce chiffre double chez les moins de 35 ans). Le soutien irait en priorité aux entreprises de proximité, puis aux projets caritatifs, sociaux ou solidaires.

Du don aux prêts

QUATRE TYPES DE FINANCEMENT POSSIBLES

Le porteur de projet peut choisir entre différents types de financement : le don contre récompense(2) ou non, le prêt avec ou sans intérêt, la coproduction (surtout dans le milieu artistique) et la prise de participation au capital. Il présente son projet à une plate-forme internet spécialisée dans le crowdfunding. En cas d'acceptation, le porteur définit les modalités (montant, durée de récolte des fonds, contreparties...) et met en ligne son projet sur le site. La collecte prend fin quand le délai est terminé ou que le montant souhaité est atteint (voire dépassé) dans le temps imparti. Dans ce dernier cas, la plate-forme se rémunère par un pourcentage du montant recueilli, lequel varie de 3 à 12 % (8 % en moyenne avec les frais de transaction bancaire). Certaines prélèvent leur commission lorsque la collecte a atteint un certain seuil : par exemple, le site www.miimosa.com perçoit une commission de 8, 10 ou 12 % du montant si 60 % de la somme demandée sont récoltés. Si l'objectif financier n'est pas atteint avant la fin du délai, les sommes sont restituées sans frais aux financeurs.

Selon le statut du porteur de projet, les contributions reçues sont considérées comme des revenus (pour un particulier), comme des dons ou cotisations (association) ou encore des « produits exceptionnels sur opérations de gestion » (entreprise)... Côté contributeur, les soutiens financiers sont considérés comme des dons (non déductibles des impôts, excepté si le porteur de projet est une association publique et/ou d'intérêt général). Depuis le 1er janvier 2015, les particuliers qui investissent dans le capital d'une PME par crowdfunding peuvent déduire 18 % de leur investissement de leur impôt sur le revenu.

Plates-formes de financement participatif

ELLES SE MULTIPLIENT EN FRANCE

Les plates-formes internet servent d'intermédiaire entre les porteurs de projet et les financeurs. D'abord dédiées aux start-up et aux médias (musique – le chanteur Grégoire s'est lancé grâce à www.mymajorcompany.com –, cinéma, éditions...), elles se sont multipliées, certaines généralistes, d'autres spécialisées (écologie, solidaire, mode...). Depuis novembre dernier, l'agriculture a sa plate-forme avec Miimosa (voir le Lien horticole n° 906, du 19 novembre 2014, p. 9). Elle est réservée exclusivement aux projets agricoles et agroalimentaires. L'objectif de Florian Breton, le jeune fondateur de Miimosa, est d'atteindre 1 000 projets d'ici à 2017. Début février, elle en comptait déjà onze dont cinq financés avec succès, dont les objectifs variaient de 3 000 à 15 000 euros. En contrepartie des dons, les porteurs de projet proposent les produits issus de leur production, un week-end à la ferme ou des prestations de services.

Autre développement récent, les plates-formes de financement participatif régionales. En septembre, par exemple, Alsace Innovation a lancé Alsace Innovation Crowdfunding, « dédiée aux entreprises régionales qui souhaitent faire connaître leurs projets innovants et obtenir des fonds pour les réaliser ».

Faire fonctionner le réseau

MOBILISATION AUTOUR DES PLANTES CARNIVORES

En 2013, pourtant labellisée par le CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées), la collection nationale de plantes carnivores de Jean-Jacques Labat (www. natureetpaysages.fr), à Peyrusse-Massas (32), est en péril. Le pépiniériste, frappé par la crise et l'importante baisse de son chiffre d'affaires, réduit de façon drastique toutes les charges : plus aucun salarié, baisse du chauffage hivernal dans les serres, chasse effrénée aux dépenses... Mais la situation est critique. Le producteur fait alors un appel aux dons sur www.mymajorcompany.com. Ses récompenses sont échelonnées et s'additionnent en fonction des montants reçus : une carte postale dédicacée, un lot de deux plantes, le nom du contributeur inscrit sur un panneau à l'entrée du « Jardin carnivore », des entrées pour le jardin, le livre de Jean-Jacques Labat intitulé Plantes carnivores, une journée en compagnie du pépiniériste à la découverte des plantes carnivores des Pyrénées. Sur son site Facebook, qu'il fait vivre grâce à des « posts » réguliers sur la vie de la pépinière et les plantes carnivores (conseils, photos, réponses aux internautes...), il passe le message. Et il est entendu, aussi bien dans la communauté scientifique que parmi les amateurs de plantes carnivores. La presse régionale, l'Aspeco (Association des pépiniéristes collectionneurs), le CDTL du Gers (Comité départemental du tourisme et des loisirs) relaient l'information. Ouvert depuis la fin du mois de janvier 2014, le projet a atteint son objectif de 12 000 euros en un mois. En 2015, la collection est sauvée, la pépinière continue de faire le bonheur des « carniculteurs » amateurs, même si l'avenir de l'entreprise est « toujours très compromis », comme le souligne Jean-Jacques Labat.

Animer la campagne

BIOLABYRINTHUS : NAISSANCE D'UN JARDIN SOLIDAIRE

En 2014, le projet BioLabyrinthus des paysagistes Corinne Détroyat (www.lamoliere.fr) et Claude Pasquer (www.claudepasquer.com) est le seul projet français sélectionné pour le concours international de jardins créatifs, organisé à l'occasion d'Orticolario, en Italie. Toutefois, aucun budget ne lui est alloué. Pour réaliser leur jardin mixant classicisme et conscience écologique, dans le parc de Villa Erba sur les rives du lac de Côme, ils ont inscrit leur projet sur le site www.ulule.com. Ils ont présenté les esquisses du jardin, sa philosophie, et, au fur et à mesure des paliers franchis, ont décrit en photos les réalisations que les sommes récoltées ont permises. Les fonds obtenus – près de 18 000 euros – leur ont finalement donné la possibilité de financer voyages, matériaux, plantes et de concevoir leur jardin BioLabyrinthus, qui obtiendra le Grand Prix de la presse.

Aller plus loin

NAÏO TECHNOLOGIES : ULULE EST LE MAGICIEN D'OZ

Pour Gaëtan Séverac et trois autres ingénieurs en robotique, l'aventure solidaire a commencé en 2012. Les jeunes Toulousains ont créé un an auparavant la start-up Naïo Technologies pour développer et commercialiser leur petit robot désherbeur Oz, mais il leur manquait 5 800 euros pour terminer le premier prototype. Grâce à la plate-forme Ulule, ils ont obtenu 8 000 euros en quelques semaines. Les premières ventes ont eu lieu en 2013. Pour entrer dans la phase d'industrialisation, ils ont lancé une deuxième levée de fonds de 730 000 euros cette fois-ci, en 2014, en passant par les sites www.wiseed. com et www.smartangels.fr, qui permettent d'investir au capital de jeunes entreprises innovantes. Avec les sommes récoltées, l'entreprise a recruté, s'est structurée et a fabriqué dix robots vendus auprès de maraîchers et de centres techniques. « En 2015, nous lançons une nouvelle fabrication de vingt robots et accentuons le développement commercial », précise Gaëtan Séverac, le directeur général de Naïo Technologies.

Les facteurs de succès

ORGANISER, PLANIFIER, ANIMER

La réussite du projet dépend de nombreux facteurs, mais certaines « clés » sont à connaître pour mettre toutes les chances de son côté. Le projet doit être réaliste et bien présenté (contexte, entreprise, besoins...), avec des récompenses échelonnées en fonction des montants apportés. Une longue durée de campagne (supérieure à trois semaines) et des objectifs de levée trop élevés influeront négativement sur la probabilité de sa réussite. Plus le réseau du porteur est large (famille, amis, collègues, clientèle, amis Facebook, associations...), plus les chances de succès sont élevées. Dans une première phase, il devra mobiliser ses proches ; les inconnus seront plus enclins à investir si une partie du financement est assurée. Il devra animer sa campagne avec des photos ou des vidéos, des commentaires sur les avancées de la collecte, des messages sur les réseaux sociaux... Cette démarche nécessite organisation et planification, car toutes ces activités de communication sont chronophages, voire stressantes. Il faut créer le buzz. Le porteur doit bien mesurer également les conséquences du succès éventuel de son projet, en termes de temps passé en remerciements, envoi de récompenses, organisation de visites... Plus que des histoires d'argent, le crowdfunding génère de « belles histoires », où solidarité et générosité se dévoilent en toute simplicité. « Au-delà du financement, le crowdfunding peut s'intégrer dans la relation client. Il permet d'apporter un sentiment d'authenticité et un nouveau regard sur l'entreprise à travers un projet humain qui devient une expérience collective » (source : En quête de vert, newsletter n° 66, décembre 2014).

Valérie Vidril

(1) Étude « Les Français/les Entrepreneurs et le crowdfunding » lancée par l'Institut Think pour Lendopolis et le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables à l'occasion du Salon des entrepreneurs 2015 et menée auprès de 1 016 Français et 317 TPE-PME du 9 au 15 décembre selon la méthode des quotas. (2) Selon la valeur économique de la récompense, ce modèle peut être assimilé à une prévente.

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