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Travailler en hauteur et en toute sécurité grâce à la prévention

Les sixièmes rencontres Santé Sécurité au Travail, organisées par la MSA Pays de la Loire, ont permis de sensibiliser à de nombreuses missions comme l'élagage, le chaulage et le nettoyage des serres. Des tâches complexes qui nécessitent d'être formé pour répondre aux facteurs humains, techniques et organisationnels.

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En moyenne, en France et depuis 2004, les chutes de hauteur représentent, dans le secteur agricole, un peu moins de 10 % du nombre total d'accidents du travail avec arrêt. « Notre département se situe exactement à ce niveau », rappelait fin novembre, dans le cadre des sixièmes rencontres Santé Sécurité au Travail, Katia Le Lann, responsable de prévention des risques professionnels à la Mutualité sociale agricole du Maine-et-Loire. En 2012, dernier chiffre disponible, la MSA y a enregistré 180 accidents avec arrêt liés à des chutes de hauteur. « L'horticulture est le troisième secteur le plus concerné derrière l'arboriculture et l'hippisme. » Quant au domaine des jardins et espaces verts, qui inclut l'élagage, il arrive en cinquième position.

Souvent graves, parfois mortels, les accidents de hauteur ont des répercussions sur la victime mais également sur son entourage et sur l'entreprise. « En matière de prévention, l'idéal serait de pouvoir travailler très en amont, au moment même de la conception », confirme Marc Viel, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA du Maine-et-Loire. Schémas à l'appui, ce spécialiste a brossé les multiples enjeux de la prévention : « Ils sont à la fois humains (pour la victime, ses collègues, ses proches...) mais également juridiques et économiques », a-t-il rappelé avant de souligner que « la sécurité des personnes était, au même titre que la productivité et la qualité du travail, une condition sine qua non de la réussite d'un travail ». Une approche synthétisée sous la formule « Un travail réussi est un travail où il n'y a pas d'accident », que la MSA s'applique à développer dans son accompagnement des entreprises agricoles.

En matière de travaux en hauteur, les élagueurs semblent des victimes toutes désignées. Et pourtant, ils ne sont statistiquement pas les plus concernés. Également conseillère en prévention à la MSA, Christelle Giacomini vient éclairer cette apparente contradiction : « Les élagueurs sont des spécialistes du travail en hauteur et ils anticipent beaucoup leurs chantiers. » Des clés de compréhension que Pascal Noblot, élagueur et formateur au Centre de formation professionnelle pour adultes (CFPPA) du Fresne, à Sainte-Gemmes-sur-Loire (49), confirme. « Il y a vingt-cinq ans, lorsque j'ai découvert l'élagage en faisant de l'entretien de jardins, celui qui grimpait aux arbres était celui qui n'avait pas peur. Aujourd'hui, l'élagage est devenu une spécialité professionnelle et les jeunes ont la chance de pouvoir accéder à cette connaissance. » Le CFPPA du Fresne propose deux formations de grimpeur-élagueur. L'une destinée à des jeunes âgés de 18 à 26 ans ; l'autre à un public d'adultes. « Dans l'une comme dans l'autre, l'objectif est de former des élagueurs capables d'accéder à tout type d'arbre en conditions sécurisées », précise Pascal Noblot, plus particulièrement responsable des 18-26 ans. Ces derniers suivent un cursus de seize semaines au centre et autant en entreprise où la sécurité, donnée transversale, est présente dans tous les modules. Par exemple, dans celui intitulé « grimpé », « nous traitons différents chantiers de manière à ce que tous acquièrent un cadre et des repères adaptés à chaque situation, comme l'intervention près d'une ligne EDF ». De même, pour le module consacré à la biologie des arbres, « les jeunes découvrent que la présence de champignons est un mauvais signe ». Pour chaque cas de figure, la formation systématise la visite de préchantier et la rédaction d'une fiche de chantier.

Pratiques de métier et de sécurité

Pascal Noblot a poursuivi son intervention en rappelant que les personnes qui suivent le certificat de spécialisation (CS) « Taille et soins des arbres » sont déjà dans la vie active. « Elles ont acquis des manières de faire et même s'il faut relativiser en fonction des jeunes et des entreprises qui les emploient, il reste toujours difficile de confronter ces pratiques de métier à celles de sécurité. » Une problématique générale que connaît bien Pascal Simonet, enseignant-chercheur au Centre national des arts et métiers (CNAM) de Paris : « Dans toute profession, il existe des règles écrites et d'autres non écrites appelées “incorporées”. Ainsi, une question qui paraît simple comme “Quand je travaille en hauteur, quel usage faire du collègue qui se trouve en bas ?” ne l'est pas du tout. Elle remet en cause l'organisation du travail au niveau de l'entreprise et entre les deux protagonistes. » Pascal Simonet juge indispensable d'échanger autour de telles interrogations. « À défaut, chacun tranche ces dilemmes de manière solitaire, et ce faisant, se met en danger. » Cette démarche qui consiste à interroger sa pratique quotidienne en y intégrant l'aspect sécurité, l'entreprise de pépinière Minier l'a engagée. « Historiquement, Minier avait d'abord délégué les travaux en hauteur à des entreprises spécialisées avant d'en reprendre certains en interne », rappelle Thierry Bastard, animateur sécurité dans cette pépinière où les installations sont réparties sur quatre sites. La liste des travaux en hauteur y est relativement longue : aux interventions sur les serres et tunnels (chaulage, changement des plastiques, nettoyage, maintenance), il faut ajouter celles qui ont lieu sous les serres (ouvrants et systèmes d'irrigation), mais aussi la maintenance dans les bâtiments (éclairage, toiture, nettoyage) et plus surprenant, l'accès aux rolls lors de la préparation des commandes. Premiers concernés par ce changement de cap : le chaulage et le remplacement des couvertures plastiques. « Avant d'en arriver là, nous avons analysé nos contraintes en termes de moyens humains et matériels, mais également d'organisation et de connaissances des lieux et des infrastructures. Nous avons aussi intégré la contrainte météo. » Un groupe « Travail en hauteur », composé de deux représentants (maximum) par site, soit au total huit personnes, a ensuite été constitué. « Les gens qui le composent sont ceux qui s'occupaient des travaux en hauteur avant que Minier ne les externalise », précise Thierry Bastard. Ce groupe a tout d'abord travaillé sur les matériels disponibles en interne puis sur les manières de faire et les « trouvailles » de chacun. « Nous avons commencé à réaliser des chantiers en commun (ce que nous faisons désormais de manière régulière) et rédigé leurs procédures. » Concernant plus spécifiquement l'activité « chaulage des serres », une fiche de poste a été créée. Elle précise en particulier qu'il doit être réalisé par deux personnes : une pour s'occuper d'appliquer la chaux, l'autre, placée en bout de serre, pour gérer le tuyau. En parallèle, une personne par site a été formée de manière spécifique au travail en hauteur et, courant 2014, l'entreprise a demandé aux pompiers de Beaufort-en-Vallée (49) de venir sur site pour assurer une formation dédiée à la sécurité. « Par ailleurs, nous avons mis en place, en interne, une formation spécifique à l'utilisation d'une nacelle, et nous avons mis au point un dérouleur plastique “maison”. Entièrement basée sur l'anticipation des besoins, la démarche de Minier est aujourd'hui appliquée dans une autre entreprise, filiale du groupe coopératif Terrena. Là aussi, l'objectif est d'acquérir une culture de la sécurité non considérée comme un frein et de gérer le facteur humain par le développement de nouvelles compétences », ajoute Thierry Bastard.

Anne Mabire

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