FORMATION Les jardins du Pflixbourg : une exploitation en mutation

Au sein des centres de formation, les exploitations de production poursuivent leur transition en devenant également des références régionales pour « produire autrement » et des centres de ressources : elles s'ancrent au coeur de leur territoire... Lors des cinquièmes rencontres d'Hortipaysage, Pierre Charpentier, directeur des Jardins du Pflixbourg accueillait les participants du réseau national horticole et paysage. L'occasion de présenter comment l'exploitation du lycée de Wintzenheim (EPLEFPA Les Sillons de Haute-Alsace, dans le Haut-Rhin) s'inscrit dans ces enjeux et mutations. L'évolution des quinze dernières années y a été très marquante avec un renforcement des missions : production, pédagogie, expérimentation et animation sur le territoire. Cette structure de production accueille les élèves en formation initiale scolaire dans le cadre de travaux pratiques, tout comme les élèves en apprentissage pour diversifier leurs acquis.

Des travaux pratiques communs en BTS et en bac pro

Depuis deux ans, une expérience, s'adressant à la formation BTS, a été mise en place pour développer la notion d'encadrement de personnels et d'équipe, difficile à expérimenter durant les stages en entreprise. Ainsi, des travaux pratiques (TP) sont organisés conjointement entre les jeunes en BTS première année et ceux en bac pro première année. Les BTS arrivent une heure avant les élèves de bac pro qu'ils vont encadrer pour préparer les travaux. Pour les BTS deuxième année, cette notion de responsabilité se travaille également au cours de TP individualisés : ces étudiants viennent, par groupe, sur l'exploitation pendant une semaine quand les autres sont en cours et, en binôme, ils ont l'entière responsabilité de l'exploitation durant deux week-ends. Cela leur permet d'acquérir, en outre, une vision globale d'entreprise. Le choix des tâches réalisées se décide en concertation entre les responsables (chefs de culture et enseignants). Dans un premier temps, une réunion entre le chef d'exploitation et les chefs de culture vise à lister les travaux prévus pendant la semaine. Les enseignants se positionnent ensuite sur telle ou telle activité en fonction de l'avancement des programmes (échanges par mails), puis ils s'organisent avec le chef de culture pour le déroulement des TP. Une rencontre mensuelle réunit le chef d'exploitation et les enseignants pour faire le point.

L'exploitation est également un support pour les autres matières. En économie, cela permet de travailler en cours avec de véritables chiffres pour les calculs des marges et des coûts de revient, d'étudier comment recueillir les données, d'estimer le temps de travail... En agronomie, les élèves ont la possibilité d'utiliser l'ordinateur climatique ou d'intervenir sur la parcelle maraîchère pour la biodiversité (vers de terre, comptage d'insectes pollinisateurs...). L'exploitation s'ouvre par ailleurs aux filières non horticoles : BTS « transformation » (préparation de confitures, conserves de tomates...) ou bac pro « GMNF » (gestion des milieux naturels et de la faune). Cette dernière option permet d'entretenir, à l'aide d'une large haie, l'espace naturel situé autour de la parcelle de maraîchage. Et au mois de juin, la manifestation « Le jardin, c'est ma nature » est organisée dans l'établissement avec diverses animations comme le troc aux plantes. Tous les supports de communication sont réalisés par les élèves.

Mission d'animation et d'expérimentation

Au-delà des actions logiques de pédagogie en lien avec les cours, les aspects sociétaux sont présents à tous les niveaux. Les jardins de Pflixbourg participent à l'animation du territoire : marchés locaux, foires aux plantes, organisation de dix ateliers consacrés au jardinage, le samedi matin, sur différents thèmes et avec une mise en avant de l'agro-écologie. Adhérents à Flhoreal (association d'horticulteurs alsaciens) et partenaires de l'Arexhor Grand Est (réseau de stations d'expérimentation), ils participent à la promotion du label Elsass Géranium. Le point de vente représente un support de communication idéal. Il permet, en parallèle, la visite de l'outil de production et la rencontre, très appréciée, entre les clients et les élèves. Différentes expérimentations sont réalisées sur place. En floriculture, une classe de BTS mène chaque année un partenariat avec Flhoreal. Le protocole est établi avec les étudiants qui ne travaillent pas directement à la mise en place et au déroulement de l'expérimentation proprement dite mais ont accès aux données pour les exploiter ensuite pendant les cours. En maraîchage, un chef de projet, présent dans les locaux de l'exploitation, pilote actuellement des recherches prévues sur trois ans pour l'étude du maintien de la fertilité des sols dans trois systèmes de culture différents. Les interactions avec la pédagogie sont similaires à celles générées par les essais en floriculture. Parmi les programmes à venir visant à limiter les intrants chimiques, un travail est engagé sur l'influence des dates de semis, des engrais verts, des tests d'occultation visent à réduire l'enherbement sur culture de carotte.

Adopter des outils performants de gestion

Pour assurer ces missions, la construction d'une nouvelle unité de serres en verre de 2 500 m² en 2005-2006 pour la production florale, suivie de l'ouverture d'une serre de vente, puis de la mise en place, de 2009 à 2013, d'une unité de maraîchage de 1,5 ha (dont 1 700 m² de tunnels) ont constitué des étapes essentielles pour l'exploitation du lycée. En 2014, le chiffre d'affaires s'élèvait à 292 877 euros. Il est en progression constante depuis 2010 (production en hausse). Par contre, l'exercice 2014 accuse, comme en 2013, un résultat négatif dû notamment aux charges de personnel et aux amortissements importants, principalement sur l'atelier dédié au maraîchage.

L'enjeu des prochaines années est d'équilibrer les comptes. Deux pistes sont envisagées : mieux valoriser la production et adapter la masse salariale au niveau d'activité. Cet enjeu financier doit, avant tout, être une opportunité pour réfléchir et il doit se traduire par l'adoption d'outils de gestion performants. La mise en place d'une comptabilité analytique, autant destinée à l'unité de floriculture qu'à celle de maraîchage, est un premier élément pour la maîtrise des charges, mais aussi pour la gestion de la production. La notion « Produire ce que l'on peut vendre et non l'inverse » est de plus en plus cruciale pour les métiers de la filière afin de limiter les invendus. Cela nécessite d'acquérir des données précises sur les quantités vendues pour chaque type de vente.

Claude Thiery