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L'exploitation du lycée relève le défi environnemental...

Gilles Cloître, directeur de l'exploitation horticole de l'EPLEFPA de Coutances, au sein de la serre de production de fraises hors-sol.PHOTO : YAËL HADDAD

FORMATION. Depuis près de 20 ans, l'EPLEFPA (*) de Coutances (50) a fait évoluer son exploitation horticole pour répondre au contexte territorial et économique, et offrir aux enseignants un terrain d'apprentissage directement en phase avec chaque nouveau défi environnemental. Gilles Cloître, qui dirige cette unité, témoigne.

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«Depuis la loi d'orientation agricole de 1999, les exploitations des lycées agricoles doivent fonctionner sur un modèle économique réaliste, être en phase avec le territoire et avec les attentes pédagogiques de l'établissement », résume Gilles Cloître, directeur de l'exploitation horticole du lycée nature de Coutances. Ouverte en 1982 comme atelier pédagogique rattaché à l'exploitation agricole, la partie horticole prend son autonomie et devient un centre constitutif à part entière en 1996 lors d'une importante extension et une restructuration du site en appui à l'ouverture du BTS « production horticole ». L'évolution de cette structure reflète point par point les évolutions de la profession et a orienté sans cesse les cours sur les problématiques de la filière.

De la rose à la fraise

UNE RECONVERSION SALUTAIRE

L'exploitation a vécu tous les questionnements vis-à-vis de la protection de l'environnement (voir l'encadré). Les différents scénarios étudiés au moment de la démarche « Écophyto 2018 action 2016 » ne permettent pas de poursuivre les productions de roses et de gerberas, qualitatives et viables économiquement, d'autant que la concurrence étrangère (Éthiopie, Kenya, Équateur) progressait. « Ces deux cultures représentaient 80 % du chauffage, 70 % de la main-d'oeuvre, 90 % des auxiliaires... mais seulement 23 % du chiffre d'affaires ! » Les productions forcées d'hortensias, d'azalées et de poinsettias, ainsi que les tulipes, sont également stoppées.

Parce qu'elle souhaite conserver des cultures hors-sol sur substrats inertes à des fins pédagogiques, l'exploitation choisit une production de fraises et ses nombreux atouts : demande locale en progression constante, besoins en chauffage et en irrigation réduits, lutte biologique adaptée. Au printemps 2014, un bon écho sur la première récolte a incité à poursuivre, avec une diversification des variétés pour étaler la production d'avril à septembre.

Pour l'avenir, l'exploitation envisage, en complément, une diversification en petits fruits à l'extérieur. « Nos efforts ont payé sur le plan économique et environnemental. L'utilisation des intrants chimiques a été divisée par dix entre 2001 et 2011 (quantité de matière active utilisée), la consommation en gaz naturel est passée de 60 000 m3 en 2007 à 15 000 m3 en 2016, et la consommation d'eau potable pour les serres et le jardin pédagogique est aujourd'hui de 1 800 m3 contre 5 000 m3 auparavant. Ces évolutions ont permis de répondre aux attentes de nos formateurs qui souhaitent disposer de supports pratiques en phase avec le contexte actuel. Elles satisfont également l'ancrage dans le bassin local », souligne Gilles Cloître.

La pratique, élément essentiel

S'APPROPRIER L'EXPLOITATION

Des classes de 4e et 3e jusqu'au BTS, des formations initiales à l'apprentissage, la participation des apprenants à la vie de l'exploitation est active : travaux pratiques, observations dirigées, stages d'application, suivis d'essais avec la station Astredhor Seine Manche. Gilles Cloître ayant conservé, de son arrivée en 1991 à 2015, une part d'enseignement pratique, l'appropriation de l'exploitation par l'équipe pédagogique a été plus facile : « Les élèves de 4e et 3e constituent un vivier intéressant. Arrivés le plus souvent là par défaut, la pratique les aide à retrouver confiance en eux. » Pour les étudiants en « conseil et vente en produits horticoles et de jardinage », le point de vente est un bon moyen de s'exercer et les visiteurs apprécient d'être à leur contact. Avec la baisse des débouchés sur le marché de gros et l'existence d'une demande locale - dans une région rurale et peu densément peuplée - le développement de la vente directe depuis 10 ans, en diversifiant l'offre, a remporté un franc succès. Aujourd'hui, elle représente 95 % du chiffre d'affaires.

Un jardin et un Festival

ASSOCIER DAHLIAS ET ZÉRO PHYTO

L'affluence croissante des clients contribue largement à la réussite des animations menées par l'équipe dirigeante qui pressentait qu'il fallait proposer autre chose que la seule vente pour fidéliser le public et motiver les apprenants. Ainsi, avec la complicité d'un enseignant en « aménagement paysager », un jardin botanique à thèmes voit le jour en 1993. De 1 500 m2, la surface de l'exploitation est passée à 3 ha. Assisté d'élèves rémunérés comme saisonniers en été, Bertrand Castel, entretient le site et gère un atelier technologique du paysage. En phase avec le contexte environnemental et réglementaire, ce lieu est entretenu en gestion différenciée depuis 2010, puis avec réduction des intrants et développement de pratiques alternatives depuis 5 ans, et maintenant avec le « zéro phyto ». Point d'orgue du jardin : le Festival annuel des dahlias, organisé depuis 20 ans et qui attire près de 10 000 visiteurs chaque mois de septembre. « Il a été Initié en 1996 sous l'impulsion de Georges Clénet, alors président de la société française du dahlia et ancien responsable d'espaces verts en ville, passionné de dahlias et introduit chez les producteurs. Chaque édition dévoile près de 300 variétés, fournies gracieusement par nos partenaires, et renouvelées par tiers chaque année », précise Gilles Cloître. Par ailleurs, un concours de jardins éphémères estproposé, depuis 2009, aux élèves de tous les niveaux d'études qui disposent - par classe en compétition - d'une parcelle de terrain de 200 m2 et d'un budget de 1 500 euros.

ÉcoJardin et Plante Bleue

FORMALISER LES ACTIONS

Depuis son arrivée en septembre 2014, Benoît Bulot, directeur du lycée, a mené une vaste réflexion avec les équipes afin d'élaborer un projet d'établissement. Objectif : faire de l'EPLEFPA de Coutances un véritable campus des métiers de la nature, c'est-à-dire une structure bien identifiable pour la région et ses soutiens. Il s'appuie sur trois documents : un plan stratégique en 5 axes (innover, adapter les pratiques vers un modèle agro-écologique, être au service des territoires et des filières, progrès continu, dynamiser le fonctionnement d'équipe) ; un plan d'actions sous forme de fiches élaborées par le personnel concerné ; et un recueil d'indicateurs. « Les diverses démarches d'amélioration des performances environnementales n'ont pas été pleinement valorisées, notamment vers l'extérieur. Afin de formaliser les actions menées et d'évaluer leur pertinence, nous nous sommes engagés - en 2017 - vers une certification Plante Bleue (niveau 2) et une labellisation ÉcoJardin, labels qui viennent tous les deux de nous être confirmés », conclut Benoît Bulot.

Yaël Haddad

(*) Établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole.

Vue aérienne sur les jardins éphémères installés au coeur du jardin botanique pédagogique de 3 hectares.

PHOTO : COUTANCES

Bertrand Castel, enseignant, et des élèves préparent des massifs de dahlias pour le Festival de septembre.

PHOTO : COUTANCES

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