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Être chef de culture pour relever les défis de chaque saison

Être chef de culture ne s'improvise pas. La diversité des expériences préalables permet de relever les challenges permanents que sont les choix de culture, les relations avec les salariés et avec les clients professionnels, les stratégies commerciales. Témoignage de Jérôme Grimault, en Loire-Atlantique.

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Le Lien horticole a lancé, en 2011, une série d'articles sur des métiers et des parcours professionnels. Après « Un chasseur d'écorces au service de la filière » (Lien horticole n° 774 du 9 novembre 2011) et « Technicien en PBI » (Lien horticole n° 776 du 23 novembre 2011), Jérôme Grimault, chef de culture depuis un an chez Delhommeau, explique en quoi consiste son métier et comment il en est arrivé là. Il a saisi les opportunités au fur et à mesure qu'elles ont croisé son chemin. Il a eu le courage de se remettre en question à chaque fois. Ses expériences ont été menées au fur et à mesure, sans préméditation. Aujourd'hui, elles lui servent au quotidien.

Alternance école-entreprise

LA THÉORIE ET LA PRATIQUE

Jérôme Grimault a débuté par un BEP en pépinière ornementale, fruitière et forestière, de 1997 à 1999 à la Maison familiale rurale (MFR) de Beaupréau, dans le Maine-et-Loire. Deux années durant lesquelles il a alterné école et travail en entreprise aux pépinières Claude Michel, spécialisées dans les rosiers de jardin au Mesnil-en-Vallée, dans le Maine-et-Loire. Puis il a suivi un bac pro, toujours en pépinière (mêmes options), à la MFR de Machecoul, en Loire-Atlantique, avec des stages en alternance effectués aux pépinières Daniel Bastard (qui ont été reprises par les pépinières Laurentaises, à Saint-Philbert-en-Mauge, Maine-et-Loire) renommées pour leurs chênes de collection. « L'alternance entre l'école et l'entreprise m'a permis d'apprendre les bases de la pépinière : les techniques de culture, la reconnaissance des plantes... J'ai bénéficié du savoir des professionnels avec lesquels j'ai travaillé, de véritables passionnés. Au départ âgé de 16 ans, j'ai effectué les tâches les plus simples sans avoir beaucoup de responsabilités : je faisais mon apprentissage. Il est important, quand on commence sa formation, de bien assimiler les bases du travail, surtout sur des cultures qui ont des cycles de quatre à cinq ans. Le lien entre l'école et l'entreprise est très pertinent. L'alternance proposé par les MFR permet d'être tout de suite dans le bain, aussitôt en contact avec le monde du travail, directement dans une combinaison alliant théorie et pratique. Depuis, j'aime bien faire comprendre aux stagiaires que je vois, même pour quinze jours, l'intérêt de ce double enseignement », explique Jérôme Grimault.

Espace pépinière

LE CONTACT AVEC LA CLIENTÈLE PROFESSIONNELLE ET ÉTRANGÈRE

Par la suite, en 2001, Jérôme Grimault a travaillé trois ans aux Ets Horticash (Groupe Bernard-Camus), à Bouchemaine, dans le Maine-et-Loire. Chez ce grossiste, il a commencé comme simple employé de serre, puis il est devenu responsable de l'entretien de l'espace pépinière ornementale (arrosage, fertilisation, mise en rayon...). « Une partie des achats se faisait avec l'étranger (Espagne, Sicile, Pays-Bas...). J'ai donc eu l'occasion de rencontrer nos fournisseurs, de connaître leurs différentes façons de faire dans leurs pays respectifs. J'ai pu et dû apprécier et juger la qualité de diverses origines... », se souvient Jérôme. « Cette période a été une bonne expérience et m'a beaucoup apporté en particulier pour découvrir les plantes que je ne connaissais pas, notamment les plantes vertes, plantes fleuries et plantes à massif. De plus, c'est là que j'ai commencé à mettre le pied dans le monde de la vente, à avoir des contacts avec les clients, essentiellement des professionnels en jardinerie et des grossistes. J'ai également été amené à découvrir la nécessité de rester en phase avec le marché et avec les évolutions du commerce en jardinerie. »

Jardinerie

LE CONTACT AVEC LA CLIENTÈLE « DE DÉTAIL »

En 2004, suivant son épouse qui est infirmière, Jérôme Grimault a rejoint un ancien collègue d'Horticash à Saint-Julien-de-Concelles, en Loire-Atlantique, responsable de la jardinerie Jardins de Robinière, gérée par Jean-Louis Ménard. Durant cinq années, Jérôme Grimault a travaillé au contact du grand public et de la clientèle « de détail ». « Responsable de la pépinière, je m'occupais des achats, de l'entretien, de la vente... On m'a fait confiance et j'avais le champ libre. J'ai une nouvelle fois pris connaissance avec plusieurs secteurs du végétal dont les légumes que je ne connaissais pas du tout. Durant cette période, j'ai également pu bénéficier de l'expérience de Claude Jeudon, qui travaillait depuis déjà une vingtaine d'années dans le monde de la jardinerie », relate Jérôme.

Premier challenge

ÊTRE LE SECOND DU CHEF DE CULTURE

En 2008, toujours à Saint-Julien-de-Concelles, Marcel Delhommeau a pris sa retraite et la reprise a été assurée par son fils Mickaël. Tous deux ont décidé de créer un poste de second pour épauler le chef de culture et l'ont proposé à Jérôme Grimault. « À cette époque, je sentais que j'arrivais un peu au bout de mon expérience dans la vente. Je commençais à réfléchir sur un projet personnel qui me laisserait plus de temps pour m'occuper de ma famille. Je ne connaissais pas la production des légumes et des plantes à massif mais le challenge était intéressant, les horaires mieux cadrés et appropriés à mes souhaits (week-end libres...). J'avais gardé mes réflexes et les connaissances de ma formation d'origine en production de pépinière », souligne Jérôme qui a donné un nouvel élan à sa carrière. « Le chef de culture, Éric Jacopin, un ami, passionné lui aussi, m'a appris le métier sur le terrain. Pendant deux ans, nous avons beaucoup échangé, il m'a fait confiance. Cela a été une très bonne collaboration et une vraie chance. Il avait envie de partager son expérience et il avait senti que j'avais le désir d'apprendre. Ayant plutôt travaillé seul avec la responsabilité d'une équipe, il a apprécié de pouvoir s'appuyer sur ma présence. Il m'a tout transmis sur les plantes à massif et les légumes. J'ai beaucoup avancé à cette période. »

Second challenge

DEVENIR LE CHEF DE CULTURE

En 2010, Éric Jacopin a décidé de concrétiser un projet longuement étudié : celui de s'installer à son compte en production de légumes et plantes à massif pour la vente au détail. Cette installation a été pour Jérôme Grimault l'occasion de saisir une nouvelle opportunité : « Je n'avais jamais pensé le remplacer mais Mickaël Delhommeau m'a proposé le poste en novembre 2010. La décision n'était pas facile à prendre. J'ai beaucoup réfléchi car le niveau de responsabilité me faisait peur. Je savais ce que je valais en tant que second mais pas si j'étais capable d'assumer le rôle principal pour mener des cultures, gérer une équipe de dix personnes... Je n'avais travaillé que durant deux printemps à mon poste de second. Éric Jacopin qui avait beaucoup plus de recul avait estimé que j'avais le potentiel nécessaire. Il m'a encouragé et m'a incité à accepter ce poste. Il m'a conseillé et épaulé pour la mise en place du printemps. Mickaël, lui aussi, m'a dit qu'il serait à mes côtés et qu'il ferait le nécessaire s'il fallait appeler un technicien... »

La prise de poste effective s'est faite rapidement, en février 2011. Il y avait la première saison de printemps à mettre en place : « Marcel Delhommeau est venu m'apporter son expérience et ses connaissances. Depuis à peine un an, j'ai relevé le challenge. J'ai mené mon premier printemps et ma première Toussaint mais j'ai eu beaucoup de chance. Le fait que tout était en place au départ d'Éric a facilité ma tâche : lourds investissements en matériels fonctionnels et performants déjà réalisés sur trois ans, équipes organisées, qualité des plantes et confort de travail améliorés, mises en culture programmées et enregistrées sur le système informatique... »

Au quotidien

GÉRER LES CONTRAINTES ET ALLER DE L'AVANT

Manager reste pour Jérôme un challenge pour lequel il pensait ne pas être à la hauteur : « En fait, manager c'est comprendre les caractères de chacun, savoir mettre en confiance les collaborateurs, leur permettre d'avancer. Écouter permet de mieux savoir parler. Éric Jacopin et Marcel Delhommeau avaient organisé les équipes pour que chacun ait des responsabilités, puisse se sentir utile et impliqué. Chaque secteur (tomates, aromatiques, géraniums, plantes à massif, salades et choux, légumes et cucurbitacées...) a son responsable autant pour les opérations culturales que pour les préparations de commandes.

« Ce que j'aime le plus dans ce travail, c'est mener une culture, gérer les contraintes (climatologiques, phytosanitaires, environnementales ....). Tous les ans, nous sommes confrontés à un nouveau challenge. La tâche n'est pas toujours facile mais justement c'est intéressant de relever les défis. L'ensemble de mon parcours m'a apporté de nombreuses satisfactions y compris les stages de quinze jours. Chaque expérience m'a permis d'acquérir un savoir-faire qui me sert quotidiennement aujourd'hui », poursuit Jérôme Grimault. Ce dernier a su saisir les opportunités qui se présentaient. « Au fil d'une carrière, on sent lorsqu'on a fait le tour d'une mission qu'on ne peut pas aller plus haut. Une routine peut s'installer, ce qu'il faut éviter tant qu'on est encore jeune... Moi, j'ai toujours eu envie d'apprendre, d'évoluer. C'est ce qui me fait avancer. »

Parfois, ce sont les circonstances économiques qui vous obligent à changer. Parfois la famille. Parfois la chance. Jérôme Grimault témoigne : « Avec l'ensemble de mes expériences précédentes, je peux mieux comprendre les collaborateurs extérieurs (clients, fournisseurs...). Toutes les entreprises que j'ai découvertes avaient des organisations et des méthodes de travail différentes ; je peux en appliquer certaines maintenant. J'ai aussi l'assistance des techniciens du BHR d'Angers pour des conseils de culture ou encore l'appui de certains fournisseurs. Avec le recul, je suis sûr qu'il faut toujours se remettre en question. Chaque printemps est une belle bataille : ce qui a marché une saison peut ne pas marcher la suivante. Le commerce et la météo évoluent sans cesse. Il faut toujours revoir ses stratégies culturales pour optimiser la qualité du travail. Je m'étais peut être mis trop de pression au moment de la décision. Mais moi, la pression c'est ce qui me rend plus performant. Je n'ai aucun regret sur mon parcours, même si j'ai refusé quelques opportunités. Et je suis bien là où je suis à présent. »

Aux jeunes qui s'interrogent quant au choix de leur formation ou aux personnes qui souhaitent se reconvertir, Jérôme suggère : « Chacun doit construire son propre parcours. On peut passer par des écoles et des formations... mais il n'est pas inutile d'occuper ensuite de “petits postes”... Moi, j'ai saisi plusieurs opportunités. Je me suis donné à fond même dans le moindre boulot. Ce n'est jamais perdu ! Nous passons pas mal de temps de notre vie au travail. Cela doit rester un plaisir. Sinon, il ne faut pas hésiter à changer afin de conserver l'ardeur au travail et d'y trouver de l'intérêt. D'autant plus si on est quelqu'un qui, comme moi, a toujours envie d'avancer... »

Odile Maillard

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