Services à la personne : la hausse de la TVA change le paysage
Quel impact aura, à terme, l'augmentation du taux de TVA applicable à certains services à la personne, dont les petits travaux de jardinage ? Pour faire face à ce relèvement de 7 à 19,6 % entré en vigueur depuis le 1er juillet 2013, les entreprises du paysage peuvent adhérer à une coopérative coopérative ou choisir la micro-entreprise...
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Beaucoup d'entreprises du secteur du paysage avaient, ces dernières années, créé une structure distincte pour répondre au développement des services à la personne (SAP). Leur objectif : faire bénéficier leurs clients particuliers de la TVA à taux réduit et des possibilités de réduction d'impôts. Ces dispositions ont largement contribué à réduire la part du travail non déclaré (« travail au noir »). Mais selon les chiffres publiés par le syndicat Unep (les entreprises du paysage), 7 800 sociétés se trouvent aujourd'hui impactées de plein fouet par le relèvement du taux de la TVA de 7 à 19,6 %, entré en vigueur depuis le 1er juillet 2013. Pour l'instant, les conséquences restent limitées : le précédent taux de TVA se poursuit sur tous les contrats en cours signés avant le 30 juin 2013. Les contrats signés juste avant cette date bénéficient donc du taux réduit jusqu'à fin juin prochain. C'est en 2014 que l'on pourra évaluer concrètement les conséquences. Néanmoins, les chefs d'entreprises interrogés s'attendent à une baisse d'activité sur ce secteur et estiment que 15 à 20 % des contrats ne seront pas renouvelés. Le relèvement du plafond ouvrant droit à la réduction d'impôts ne saurait compenser, pour la plupart des clients, l'augmentation de la TVA. En effet, peu de contrats dépassent 3 000 euros annuels et une partie de ceux qui ont recours à ces services est constituée de personnes âgées souvent non imposables. On s'attend également à ce que près de 30 % des clients diminuent les prestations demandées pour rester dans la même enveloppe globale. L'Unep prévoit ainsi que seulement 49 % d'entre eux maintiendront leur contrat en l'état. Les impacts seront plus importants au niveau des travaux ponctuels, précisent les professionnels interrogés, et pour les personnes « à petit budget » qui ne paient pas forcément d'impôt. Pour ces dernières, le taux réduit de TVA était le principal argument pour s'adresser à un professionnel du paysage. Ces clients risquent de se tourner davantage vers le travail non déclaré ou vers les auto-entrepreneurs et autres dispositifs (dont le chèque emploi service) qui ne facturent pas de TVA.
Pourtant, à y regarder de plus près, ces formules ne sont pas toujours à l'avantage des clients, malgré un taux horaire nettement inférieur. Les prestataires sont souvent mal équipés (ceux proposant le chèque emploi service ne devraient, en principe, utiliser que le matériel des clients) et consacrent beaucoup plus de temps pour une même prestation qu'une entreprise spécialisée. Au final, la facture pour le client peut s'avérer plus élevée pour un travail où la qualité n'est pas toujours au rendez-vous. La qualification du personnel et le savoir-faire sont des arguments mis en avant par les professionnels du paysage, mais contrairement à d'autres corps de métier comme la plomberie ou l'électricité, par exemple, les clients ne voient malheureusement pas toujours l'intérêt de prendre, pour l'entretien de leur jardin, une personne qualifiée, avec une assurance responsabilité civile, et respectant toutes les obligations en termes de sécurité du travail.
Quel avenir pour les coopératives ?
L'adhésion à une coopérative de services à la personne, dans le cadre de la loi Borloo, permet aux entreprises du paysage de s'affranchir des contraintes liées à la création d'une seconde structure, tout en faisant bénéficier leurs clients particuliers des réductions d'impôts. La coopérative assure, en outre, l'ensemble des démarches administratives : l'envoi des reçus fiscaux pour la réduction d'impôt, la mise à disposition d'un logiciel de facturation accessible sur internet... Cette option intéresse essentiellement les petites entreprises ou celles dont l'activité d'entretien auprès des particuliers est limitée ; elle ne justifie pas la création d'une seconde structure. Pour ces entreprises, facturer à 19,6 % sans possibilité de réduction d'impôt les rendait peu compétitives. Adhérer à une coopérative leur a permis de conserver leur clientèle. En pratique, l'entreprise réalise les prestations comme elle en a l'habitude, et facture ces travaux à la coopérative au taux de 19,6 %. Jusqu'au 1er juillet 2013, la coopérative refacturait la même somme TTC au client, mais assortie d'une TVA au taux réduit (7 %)... Elle assurait ainsi sa marge grâce à cette différence de TVA. Pour le client, cela ne changeait rien financièrement, tout en lui permettant de déduire jusqu'à 50 % des travaux sur ses impôts.
Aujourd'hui, la coopérative doit, comme les entreprises de SAP, facturer au taux de 19,6 %. Mais elle n'a plus la possibilité de financer ses services via le différentiel de TVA, ce qui l'oblige à augmenter d'autant la facture finale. Même si certaines coopératives, comme Accès SAP, annoncent avoir réduit ce pourcentage à moins de 10 %, cela reste une augmentation conséquente pour les clients. Cet organisme estime avoir observé une baisse de près de 20 % de son chiffre d'affaires au troisième trimestre 2013, mais reste cependant confiant dans l'avenir des coopératives. Ayant perdu l'avantage de la TVA à taux réduit, de nombreux paysagistes prévoient, en effet, pour limiter les frais administratifs et comptables, la possibilité d'arrêter temporairement ou définitivement leur structure de SAP et pensent rejoindre une coopérative.
Mieux encadrer le statut d'auto-entrepreneur
Le relèvement de la TVA sur les services aux personnes renforce la détermination des professionnels du paysage à soutenir la réforme du statut de l'auto-entrepreneur. L'Unep a présenté plusieurs propositions au député chargé par le gouvernement de mener à bien cette réforme. La loi avait pourtant déjà prévu certains dispositifs pour limiter la concurrence déloyale que pourraient exercer les auto-entrepreneurs vis-à-vis des entreprises classiques, mais les règles restent floues sur de nombreux points. Force est de constater que les dérives sont nombreuses et que les contrôles sont difficiles.
L'entrepreneur qui exerce exclusivement une activité d'entretien de jardin ne peut pas être auto-entrepreneur (toutes les activités rattachées au régime social de la MSA sont exclues du régime). En revanche, un auto-entrepreneur peut, dans le cadre d'une activité multiservice, réaliser des travaux de jardinage, mais le chiffre d'affaires relatif à cette activité ne doit pas dépasser 50 % du chiffre d'affaires total. L'auto-entrepreneur a, en outre, la possibilité de faire bénéficier le client des déductions d'impôt relatives aux prestations de services à la personne s'il a l'agrément simple (remplacé aujourd'hui par un dispositif déclaratif simplifié), obtenu par la DDTEFP (Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle), mais il se voit alors contraint de ne proposer ses prestations qu'à des particuliers et de ne réaliser que des « petits travaux de jardinage ». Interdiction donc de travailler pour une entreprise ou pour une association. L'auto-entreprise permet aux personnes qui désirent créer leur propre activité de minimiser les démarches tout en respectant parfaitement le cadre légal. Néanmoins, ce statut, s'il doit conserver son caractère simplifié pour ne pas décourager les initiatives, mais également pour limiter le travail au noir, doit être considéré (c'était l'idée de départ) comme un moyen pour démarrer une activité, comme un tremplin vers une véritable entreprise, et ne doit donc pas demeurer un statut définitif. Dans cette optique, le chiffre d'affaires maximum de 19 000 euros proposé pour réformer l'auto-entreprise est cohérent. Au-delà de ce chiffre, l'auto-entrepreneur a toujours la possibilité d'opter quelque temps pour le statut de microentreprise (que l'on confond souvent avec celui d'autoentrepreneur) qui reste très simplifié, en franchise de TVA, mais qui offre un véritable statut d'entreprise de paysage, avec de meilleures garanties aussi bien pour l'entrepreneur que pour les clients : affiliation à la MSA, AAEXA (assurance accident des exploitants agricoles), assurance responsabilité civile, respect des obligations au niveau de la sécurité du travail...
Claude Thiery
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