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Reconnaissance des végétaux : dynamiser l'apprentissage

Une étude sur les « moyens et méthodes favorables à une pédagogie efficace en matière de connaissance et de reconnaissance des végétaux » a été engagée, en 2011, auprès de plusieurs lycées et centres de formation agricole. Responsabiliser les apprenants apparaît primordial...

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Menée par Laurence Perrot-Minot, déléguée régionale à l'ingénierie de formation de la région Rhône-Alpes, et Caroline Pierron, du CFPPA de Romans-sur-Isère, cette étude, achevée fin 2011, a été réalisée sous l'impulsion du groupe technique tripartite réunissant les partenaires sociaux du paysage, l'Unep (les entreprises du paysage) et les représentants de l'enseignement agricole. La présentation des résultats a constitué le point d'orgue du séminaire école-entreprise de décembre 2011.

Savoir-faire

CONNAÎTRE ET FAIRE RECONNAÎTRE

Les séminaires nationaux école-entreprise, organisés par l'Unep et la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), ont pour vocation de renforcer les liens existant entre les professionnels de l'aménagement paysager et les acteurs de la formation. Le premier a eu lieu à Toulouse (31), en octobre 2009. Le second s'est déroulé le 7 décembre 2011 à Lyon (69), dans le cadre du salon Paysalia, sur le thème central suivant : « Un intérêt commun pour le végétal ». Il a porté sur la connaissance et la reconnaissance des végétaux. Pourquoi ce sujet ? « Parce que le végétal est au coeur des métiers du paysage », a souligné Emmanuel Mony, président de l'Unep, en introduction au séminaire. « Et de ce fait, sa connaissance se doit d'être au coeur de l'apprentissage. » C'est grâce à cette connaissance que l'on peut créer un dialogue avec le client dans un jardin privé ou avec l'usager dans un espace public. C'est également par cette connaissance que le professionnel met en avant son savoir-faire, la technicité de son métier et sa spécificité, à savoir un travail sur le vivant. Sans une bonne connaissance des végétaux, le jardinier ne peut pas mettre en place correctement les plantes sur le terrain, à partir d'un simple plan de plantation. À l'heure de la gestion différenciée et de la préservation de la biodiversité ordinaire, il ne pourra pas, non plus, effectuer des travaux d'entretien adaptés aux sites et à leur niveau spécifique de gestion.

Mais le hic réside dans le fait que cet apprentissage de la reconnaissance des végétaux est vécu par nombre d'apprenants et même par certains enseignants comme une discipline fastidieuse. Pour apprivoiser la grande diversité de la palette végétale, il faut du temps, de la rigueur, de la persévérance et un travail régulier que beaucoup de jeunes ont du mal à fournir dans un monde qui avance vite. En outre, il faut apprendre les noms en latin alors que certains maîtrisent mal la langue française. Face à ces multiples freins, il faut développer une pédagogie dynamique et originale pour motiver les apprenants et leur donner le goût et les méthodes pour ne jamais cesser d'accroître leurs connaissances tout au long de leur vie professionnelle.

Étude

DÉVELOPPER DES OUTILS PÉDAGOGIQUES

La première phase de l'étude a permis d'analyser près de deux cents dossiers de demande de subventions reçus par la commission tripartite de l'Unep entre 2005 et 2009 (dossiers retenus ou non pour un financement), et qui avaient pour objet principal le développement d'outils pédagogiques autour de la reconnaissance des végétaux. Cette étape a conduit à la sélection d'un panel jugé représentatif de la diversité des approches utilisées pour susciter la motivation des apprenants.

L'analyse approfondie des démarches et des moyens mis en oeuvre par ce panel a constitué la deuxième phase de l'étude. Elle a été réalisée dans le cadre de visites dans les établissements ou par le biais d'enquêtes téléphoniques auprès d'une cinquantaine de structures réparties sur le territoire national, aussi bien publiques que privées, proposant des formations scolaires initiales ou de l'apprentissage. Des entretiens avec les enseignants, lors des concours régionaux de reconnaissance des végétaux et durant le dernier séminaire du réseau national Horti Paysage à Angers (en février 2011), ont été menés en complément.

Espaces plantés

LES CRÉER ET LES ENTRETENIR

Dans près de 80 % des cas, les établissements possèdent un espace planté qui leur sert de support pour la reconnaissance des végétaux in situ – la base de tout, aux dires de la majorité des enseignants et des professionnels –, ainsi que pour la récolte d'échantillons. Il peut être aménagé sous la forme d'un arboretum, d'une collection végétale ou d'un aménagement paysager dont la vocation est donc pluridisciplinaire. Il sert alors à présenter des techniques, à observer des caractères architecturaux ou morphologiques, à organiser des expérimentations ou à mettre en valeur le site pour des visites publiques. Le terrain constitue un formidable lieu de mobilisation des sens (l'odorat, le toucher, la vue), une aide souvent précieuse pour faciliter la mémorisation des plantes et de leur nom. Des jeux de piste peuvent être organisés pour rendre ludique l'apprentissage sur le terrain.

Le premier point d'achoppement reste la question de l'étiquetage. En l'absence d'indications écrites, les élèves ne peuvent pas venir s'entraîner seuls, en dehors de la présence des enseignants. Mais il n'est pas toujours simple de trouver un système qui soit à la fois esthétique, résistant et peu coûteux... La deuxième difficulté concerne la taille des groupes. Souvent trop importants, ils peuvent devenir un frein aux relations personnalisées. Enfin, si ces espaces sont considérés comme incontournables pour l'apprentissage, ils ne sont pas faciles à gérer car ils ne sont pas « rentables » pour les établissements de formation et leur entretien en période de congés scolaires pose un véritable problème.

D'autres outils

FAIRE APPEL AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES

Les espaces plantés peuvent constituer un support pour mettre en place d'autres outils d'apprentissage tels que des mallettes pédagogiques, des panneaux et des brochures d'information pour le public, des jeux (comme celui des 7 familles ou le jeu de l'oie). Les outils virtuels ont également tendance à se développer. Ils représentent une porte d'entrée qui motive les jeunes apprenants.

Près de 5,5 % des établissements enquêtés ont développé des outils de formation à distance, des blogs, des herbiers numériques, des bases de données. La confection d'un herbier sur papier peut, par exemple, se prolonger par la réalisation d'un instrument de travail numérique qui apparaîtra beaucoup plus ludique. Environ 6 % des structures possèdent une salle dédiée, avec des équipements spécifiques : ordinateur avec accès Internet, appareil photo, vidéo projecteur, tableau interactif...

Concours

UNE FORTE MOTIVATION

Parmi les établissements interrogés, 7 % organisent des concours de reconnaissance des végétaux. Une douzaine de régions sont impliquées dans cette démarche et toutes ont été représentées lors de la première finale nationale qui s'est déroulée à Paysalia en parallèle du séminaire (voir le Lien Horticole n° 770 du 12 octobre 2011, page 16). Les participants aux concours sont tous des volontaires, apprenants, enseignants et professionnels passionnés.

L'aspect challenge et le goût du partage sont moteurs pour les jeunes apprenants qui doivent fournir un travail personnel important, la préparation n'étant que rarement intégrée aux cours. Quelques lycées et centres de formation organisent également des concours de jardins. Par groupes de quatre à cinq, les élèves réalisent un aménagement, en autonomie, depuis la conception des plans jusqu'à la réalisation des travaux. Un tuteur, professionnel du paysage, apporte ses conseils lors d'une rencontre mensuelle. Un comité de pilotage composé de professionnels et d'élus se met dans la situation du client pour évaluer le projet.

Si l'organisation de ces concours est parfois lourde pour les professionnels et les établissements scolaires, – investissement important pour les enseignants et mise à disposition de terrains –, la motivation de tous est très forte, à commencer par les élèves qui se retrouvent dans une situation responsabilisante et proche de conditions de travail réelles.

Apprentissage

DIVERSIFIER LES TECHNIQUES

Au cours de débats, un certain consensus est ressorti sur le fait que la diversification des techniques de formation constituait un point clef pour rendre plus dynamique l'apprentissage de la reconnaissance des végétaux. Si certains fondamentaux de la botanique méritent des séances spécifiques, la reconnaissance peut s'intégrer dans un grand nombre d'enseignements techniques, mais aussi dans le cadre des cours de langues, d'économie ou de communication. Au-delà d'un exercice purement « scolaire », cette discipline doit être perçue comme un élément structurant de la compétence professionnelle. Elle doit être utilisée au quotidien. Rendre les jeunes acteurs et responsables est très bénéfique. Ils deviennent beaucoup plus réceptifs car ils comprennent concrètement à quoi cette connaissance peut leur servir. Rien de mieux pour cela que de les mettre en situation sur des chantiers terrain diversifiés, pour la création d'une rocaille, l'entretien d'un aménagement, la création d'une collection ou la mise en production d'une palette végétale.

« Pour des élèves motivés, il faut des enseignants passionnés et des maîtres de stage ou d'apprentissage ayant un discours fort sur la place du végétal dans le métier », souligne Laurence Perrod-Minot. « La connaissance du végétal est l'affaire de tous. »

Yaël Haddad

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