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Travail en hauteur : des règles... et des pratiques

À l'intérieur des serres et abris, nombre d'accessoires justifient des interventions en hauteur : toiles d'ombrage thermique et leurs mécanismes de commande, ouvrants manuels ou ouvrants mécanisés d'aération, éclairages, chauffages aérothermes (notre photo)...PHOTO : MSA49

Depuis 2011, le service de prévention de la Mutualité sociale agricole (MSA) du Maine-et-Loire coordonne un groupe d'études sur les travaux en hauteur dans et sur les serres et les tunnels au sein des entreprises.

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Plusieurs animateurs « sécurité » d'entreprises horticoles et maraîchères ont voulu avancer en matière de prévention des risques de chute lors des travaux en hauteur. Leur constat a affiché un manque de repères sur les obligations et les normes qui n'incitent pas les producteurs à exiger de leurs fournisseurs des installations et des équipements sécurisés. Peu d'études en recherche et développement ont été menées et peu d'innovations ont été lancées : l'offre est donc faible et peu ou mal adaptée. Et si les accidents ne sont pas trop fréquents, ils sont potentiellement très graves. En coordination avec Michel Martellière et Marc Viel, conseillers « prévention » à la MSA du Maine-et-Loire, Laure Le Douce, ingénieur conseil à la caisse centrale de la MSA (CCMSA), Joël Le Garff, consultant pour la société JLG Conseil, et cinq animateurs « sécurité » au sein des entreprises horticoles (Thierry Bastard, Nadia Drouet, Christine Jouan, Nathalie Le Gal, Nadège Le Lem) ont donc constitué un groupe de travail. Après des visites approfondies dans des entreprises, un inventaire des règles et un état des lieux des pratiques a été mené, puis partagé avec les acteurs des filières concernées : chefs d'entreprises horticoles, fabricants de serres (en verre et en plastique) via leur syndicat Axema, concepteurs d'équipements de sécurité, fabricants de peintures d'ombrage et prestataires (blanchiment, pose de vitrage et de bâche, maintenance)... Cette démarche a permis d'éditer en 2013 un guide intitulé Travaux en hauteur en serres et tunnels : état des lieux des règles et des pratiques. Ce document récapitule toutes les obligations réglementaires, les réponses apportées par les normes, un échantillon représentatif des situations réelles caractéristiques, et les principales solutions techniques ou voies de progrès envisagées.

Cinq codes de réglementation

Pour travailler en toute légalité et dans les règles de sécurité, le défi n'est pas mince : les réglementations doivent prendre en compte à la fois des notions contenues dans le code du travail ; le code de l'urbanisme appliqué à la construction et à la modification de serres ; le code ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement) ; le code de l'habitat et de la construction : protection des personnes contre les risques d'incendie, notamment pour les établissements recevant du public (ERP) ; et le code des assurances : exigences techniques à la construction. Pas moins, sachant que des mesures doivent se mettre en place dès la conception d'un projet de serre ou de tunnel, puis pendant la construction ou la modification-extension, et lors des opérations ultérieures d'entretien et de maintenance pendant toute la durée d'exploitation des structures existantes.

Au-delà de cette réglementation générale qu'il faut connaître, selon le nombre et le type des intervenants sur le chantier, il convient de préparer un « plan général de coordination » ou un « plan de prévention ». Pour aider à s'y retrouver, le guide répertorie, code par code, tous les décrets, arrêtés et articles de loi (en date du 1er mars 2012) utiles dans ce contexte : soit cinquante-six rien que pour le code du travail appliqué aux travaux en hauteur. Ne sont pas oubliés tous les termes et notions spécifiques : maître d'oeuvre (concepteur et contrôleur de l'exécution de l'ouvrage), maître d'ouvrage au sens du code civil (le client de la serre), coordonnateur de sécurité, entreprise utilisatrice, entreprises intervenantes ou sous-traitantes, co-activité, permis de travail... Ce travail a également été assuré pour chacun des quatre autres codes concernés. Un chapitre spécial est attribué aux normes de sécurité utiles : références, calculs de résistance (neige, vent...), circulation des produits, notes techniques... Enfin, sont inventoriés, évalués et illustrés, en fonction des diverses typologies de serres et tunnels :

- les principales situations (observées) de travaux en hauteur : montage et pose de rouleaux de films en plastique et bâchage (couverture souple), montage et pose de vitres (couverture rigide), remplacement ou nettoyage des couvertures d'abris, travaux sur échelle ou marchepied ou échafaudage (pose, état du sol, fixation-stabilité, longueur), déplacements dans les chéneaux (à la construction et à l'entretien), nettoyage et démoussage des chéneaux, travail par météo non adaptée (vitesse et origine des vents), utilisation d'un équipement de levage ou conduite d'une nacelle élévatrice, cas particulier des serres-entrepôts plus élevés que les serres classiques, préparation de certains rolls d'expédition, et blanchiment-déblanchiment des couvertures ;

- les principaux accessoires justifiant des interventions en hauteur : toiles d'ombrage thermique et mécanismes de commande, ouvrants manuels d'aération (couverture souple), ouvrants mécanisés d'aération (couverture rigide), éclairages, chauffages aérothermes, systèmes d'irrigation suspendus...

Trouver puis expérimenter des outils opérationnels

Les situations observées ont mis en évidence des risques pas toujours maîtrisés, des personnels pas toujours bien informés et formés. Pour chaque situation de travail, des voies de progrès sont préconisées. Reste des écarts entre ce qui est prescrit, les obligations du code du travail et les pratiques réelles, souvent dus à l'absence de solutions techniques adaptées, notamment sur les plans pratique et financier. Ainsi, des pistes ont été expérimentées in situ dans plusieurs entreprises : lignes de vie, filets, déambulateurs (manuels, roulants ou électriques), butées en bout de chéneau, passerelles et échafaudages, larges rails permanents, appareils de levage... Mais, même opérationnelles, la plupart des solutions pertinentes restent à confirmer pour une fabrication économiquement abordable et compatible avec les règles de conformité. On constate qu'il est d'autant plus difficile de rattraper les défauts sur le parc ancien de serres, d'où l'importance de privilégier la prévention en amont, dès la commande, la conception, et le chantier de construction de la serre. Par exemple, il est important de prévoir un espace suffisant autour des serres pour pouvoir, ultérieurement, laisser passer une plate-forme élévatrice... Des contacts avec Invenio, centre de recherches et d'expérimentations de la filière fruits et légumes en Aquitaine, ont abouti sur une étude et donné quelques pistes : le secteur du maraîchage est en effet lui aussi concerné par le travail en hauteur.

À ce jour, le groupe de travail a établi une « bible » et une check-list de tout ce à quoi il faut penser et proposé un tour d'horizon détaillé de la problématique. Le document édité à l'issue de ce processus (*) sert déjà d'outil de travail et de documentaire. Les réunions du réseau se poursuivent. Des pistes prospectives pour trouver des outils opérationnels sont encore suivies par la MSA et les entreprises participantes (producteurs et constructeurs notamment), par exemple sur l'étude de la résistance des plastiques à la chute d'un homme, d'un test de faisabilité technique et financière relatif à la mise en place de ligne de vie sur serre, ou de la mise au point d'un système de bâchage partiellement mécanisé... Reste enfin un souci budgétaire pour le soutien de ces expérimentations et recherches en solutions sécurisées, homologables, et compatibles financièrement.

Odile Maillard

(*) Le document est téléchargeable gracieusement sur references-sante-securite.msa.fr/front/id/SST/S_Des-outils--sante-et--securite/S_CULTURES/S_Maraichage/publi_Travaux-en-hauteur-en-serres-et-tunnels.html

En fonction de la conception de la serre, le déplacement sur un chéneau peut être plus ou moins sûr, plus ou moins risqué et dangeureux. L'intervenant posant le pied sur une zone fragile peut être victime d'une chute.

PHOTO : MSA49

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