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S'installer avec l'aide d'une coopérative

Francis Voignier se considère davantage jardinier que paysagiste : « Je m'adapte au jardin qui est souvent le reflet de son propriétaire. Je n'essaie pas d'imposer “ma patte”, mais juste d'apporter une touche originale. »

Danseur et chorégraphe durant vingt-cinq ans, Francis Voignier est devenu créateur de jardins, à Montreuil (93). Après sa formation au Greta en 2010, il a rejoint une entreprise partagée : la Coopaname.

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« Créateur de jardins autodidacte, je ne me définis pas comme un paysagiste. » Si Francis Voignier tient ces propos, c'est sans doute aussi parce qu'il a été danseur et chorégraphe avant d'être jardinier. Au départ, ses grands-parents, arboriculteurs-maraîchers, un oncle et son père, maraîchers, lui ont transmis leur savoir-faire, leur connaissance des végétaux, les noms latins des plantes... « Je m'intéressais au paysage, aux plantations, aux jardins. À l'époque, j'aurais aimé en faire mon métier, mais je n'ai pas été accepté au lycée horticole de Roville-aux-Chênes », regrette-t-il. Détenteur d'un brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa), il a été animateur nature pendant trois ans dans plusieurs régions, où il encadrait des classes vertes, apprenant aux enfants à reconnaître la faune et la flore. Plus tard, diverses rencontres l'ont amené à la danse, domaine dans lequel il a travaillé pendant vingt-cinq ans, d'abord comme interprète, puis comme chorégraphe. Mais le paysage n'était jamais très loin, comme en témoigne ce spectacle intitulé Siempre verde (Toujours vert), inspiré des caractéristiques des différents types de végétaux. « Je n'imaginais pas alors que je deviendrais un jour jardinier professionnel. Une carrière, c'est difficile à construire, cela prend du temps... »

Rattrapé par le jardin...

À 45 ans, l'envie de changer le gagne et, avec elle, celle de travailler en extérieur, même par temps de pluie... « Intermittent du spectacle, je connaissais les possibilités du droit à la formation, car nous étions régulièrement informés par l'Afdas, le Fonds d'assurance formation des secteurs culture, communication et loisirs. En cherchant un lycée horticole sur Internet, j'ai trouvé le Greta 93 BIP, bâtiment, industrie, paysage. J'y ai suivi la préparation au BPA Travaux d'aménagement paysager pendant neuf mois. Une amie, originaire du monde de la danse vient, elle aussi, de suivre cet enseignement. Le métier se féminise de plus en plus et s'ouvre à des candidats de toutes origines... »

Durant cette formation pour adultes, Francis Voignier a effectué trois stages en entreprise, dont un au service des alignements du parc du Sausset, sur les communes d'Aulnay-sous-Bois et Villepinte. Dédié aux « rideaux d'arbres » sur les routes du département, ce service lui a permis de découvrir le travail de suivi et de contrôle d'une entreprise d'entretien, ainsi que le contrôle de l'état des jeunes plantes avec des sondes hydriques. « J'ai apprécié la proximité des équipes, mais aussi le travail de veille écologique, d'autant plus intéressant qu'à cette période, le parc passait sous norme Iso 9001. Je voulais comprendre ce type de gestion en constante évolution et mieux appréhender les normes environnementales. Dans ce métier, il faut sans cesse s'adapter, à la réglementation comme aux usages... »

Pour s'installer, Francis Voignier est devenu adhérent de Coopaname, une coopérative ouvrière (voir l'encadré) qui se définit comme « une alternative à l'entreprise classique pour ceux qui désirent se mettre à leur compte. » Au lieu de créer leur propre structure, les adhérents deviennent salariés d'une entreprise partagée. « Depuis quinze mois, je développe mon activité au sein de Coopaname, dont j'ai connu l'existence lors d'une discussion sur les différents statuts d'entreprise. Ma clientèle s'est progressivement développée. Depuis le mois de mars, je travaille environ 12 heures par jour, 6 jours par semaine... Je n'ai plus beaucoup de temps pour suivre les sessions de formation continue de la coopérative, du CNRS ou du Muséum d'histoire naturelle, pourtant intéressantes et utiles, comme les sessions de reconnaissance végétale dans le bois de Vincennes ou de greffes sur les fruitiers... Le développement de mon entreprise va se poursuivre via la coopérative qui compte aujourd'hui parmi ses adhérents une vingtaine de professionnels dont l'activité tourne autour des métiers du paysage, de l'amont, avec des designers, jusqu'à l'aval, avec les jardiniers créateurs de jardins comme moi ou des jardiniers plus pointus, spécialisés dans l'élagage et le soin aux arbres. Coopaname accueille aussi une personne qui réalise pour les collectivités des études sociologiques sur les jardins urbains, des animateurs spécialisés, un concepteur de balades thématiques consacrées à la faune et à la flore des jardins... »

Ensemble, les salariés de la coopérative essaient de constituer un « pôle paysage » orienté vers le développement durable. Francis Voignier travaille également aux côtés d'un collectif de paysagistes de Versailles, Omnibus, qui répond aux appels d'offres de collectivités pour mettre en place, par exemple, des murs végétaux.

« Je garde aussi des liens avec le milieu artistique, notamment avec un collectif d'artisans et d'artistes, Les Manufactories. Ce printemps, j'ai participé à une exposition pour laquelle j'ai proposé des petits jardins temporaires réalisés avec des végétaux “de récupération” et du carré des producteurs de Rungis. » Le collectif a apporté à l'ancien danseur quelques nouveaux clients. Ses jardins éphémères, conçus pour du fleurissement événementiel, le maintiennent en contact avec son ancienne activité et lui permettent « de ne pas m'enfermer dans une routine ». Il poursuit par ailleurs ses recherches sur les plantes locales et travaille avec une plasticienne sur un projet d'installations éphémères.

« Apporter une touche originale »

À son installation, Francis Voignier a découvert, autour de Montreuil, des jardins quasi abandonnés dans lesquels il a fallu tout reprendre... « Aujourd'hui, j'entre généralement dans un jardin pour de l'entretien. Je diagnostique le contexte, les contraintes au cas par cas et, selon les désirs du client, j'adapte mes propositions. Un jardin est souvent le reflet de son propriétaire. Je n'essaie pas d'imposer “ma patte”, mais juste d'apporter une touche originale. En revanche, j'impose ma façon de travailler : pas de désherbant, respect de l'environnement, gestion différenciée des espaces, mise en place de composts... » Jusqu'à présent, Francis Voignier travaillait uniquement pour des jardins de particuliers. Depuis l'automne, il commence à se faire connaître auprès de syndicats de copropriétés et rayonne de plus en plus loin en région parisienne.

Pour lui, la coopérative présente un triple intérêt : l'investissement de départ est minoré, les adhérents peuvent avoir recours à des compétences complémentaires pour les besoins particuliers d'un chantier, et l'on ménage... sa santé. « Mon passé de danseur m'a appris à prendre soin de mon dos. J'utilise donc essentiellement des débroussailleurs, taille-haie, tronçonneuses électro-portatifs. Pour leur côté silencieux, leur légèreté, leur ergonomie, et parce qu'ils fonctionnent avec un carburant propre. »

Odile Maillard

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