Responsable de chantier, il a racheté son entreprise
INSTALLATION. Bertrand Mangin a pris, en 2003, la direction de l'entreprise paysagiste Boissonnet, à Saint-Nabord (88). Il a choisi de se concentrer sur la création de jardins de particuliers en développant, notamment, les jardins aquatiques et en misant sur le développement durable.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Essentiellement orientée vers les chantiers de création auprès d'une clientèle de particuliers (plantations, engazonnements, terrasses, cours et entrées de garage en pavés ou enrobé...), l'entreprise Boissonnet a été créée en 1966 à proximité de Remiremont (88) par Martial Boissonnet. À l'approche de l'an 2000, ce professionnel, alors âgé de 54 ans, doit toutefois se résoudre à la céder progressivement pour raisons de santé. Il se tourne vers l'un de ses salariés, Bertrand Mangin, arrivé en 1996. Ce titulaire d'un BTS « Aménagements paysagers » y a tout d'abord occupé un poste d'ouvrier spécialisé puis de chef d'équipe dès 1997, avant d'intégrer, en 2000, le bureau d'études. La transmission s'est opérée sur quatre ans, avec une double direction pendant deux années. Bertrand Mangin a pris la responsabilité des chantiers de création, puis il est devenu officiellement gérant en 2003. Le rachat, lui, a été effectif un an plus tard. L'établissement comptait à l'époque vingt employés. « Cette reprise en douceur a évité toute perturbation tant au niveau de l'organisation et du fonctionnement interne qu'au niveau de la clientèle », précise Bertrand Mangin. « La société présentait plusieurs atouts : sa notoriété dans un rayon de 40 kilomètres, la qualité de son travail, sa taille et ses services : elle était équipée en matériels de terrassement, la plupart de ses équipes étaient tournées vers des chantiers de création, et elle était à même d'aborder des ouvrages d'envergure sans s'interrompre, contrairement aux petites entités. »
Une spécialisation très technique, très pointue
Tout en maintenant le créneau qui a fait la force de l'entreprise, Bertrand Mangin a su, au cours des dix dernières années, s'adapter à une clientèle de plus en plus exigeante et en constante évolution. Concevoir un jardin dans sa globalité autour d'une construction récente est aujourd'hui une chose rare. Les projets se rattachent plus souvent à des maisons anciennes pour lesquelles les propriétaires n'ont, généralement, plus de crédit à rembourser. Les aménagements concernent une partie du jardin avec des prestations très particulières, essentiellement dirigées vers le minéral : dallages, pavages, murets, portails, piscines, bassins, éclairage basse tension, abris de jardin, terrasses en bois. Le budget moyen se situant entre 25 000 et 30 000 euros (autour de 15 000 euros en 2014). « La pierre naturelle est très présente dans nos réalisations, contrairement aux années 1990 qui s'orientaient plus vers les matériaux en béton. D'autres produits apparaissent : gabions, pierres d'importation, résines... Nous nous efforçons de faire évoluer notre zone d'exposition pour permettre aux clients de visualiser ces nouvelles ressources. Toutefois, ces derniers n'hésitent pas à se renseigner par d'autres biais comme internet ou les marchands de matériaux. Nous devons donc leur proposer une gamme très large. »
La conception de bassins, cascades, piscines classiques et naturelles a été l'un des axes forts de développement depuis 2004. Une équipe s'est spécialisée dans ce secteur qui représente près de 20 % des créations. Dans ce domaine très technique, l'entreprise n'avance pas seule. Elle a rejoint les Créateurs Aquatiques (*) qui regroupent une vingtaine d'établissements du paysage dans toute la France et un bureau d'études spécialisé. La force de ce réseau est de proposer, deux fois par an, des formations, rencontres et visites de chantiers, pour acquérir des connaissances et partager expériences et savoir-faire. « Grâce à cet appui, nous avons mis au point notre propre procédé de filtration naturelle avec lagunage pour les bassins d'ornement. Il aurait également été difficile, voire impossible, sauf à travailler avec un procédé breveté, de se lancer sur le créneau des piscines naturelles ou des étangs de baignade (six réalisations à ce jour) sans un soutien technique. Il faut optimiser à chaque projet : de nombreux paramètres propres à chaque réalisation sont à prendre en compte, sans oublier les contraintes administratives si le bassin est ouvert au public », poursuit Bertrand Mangin.
Le dernier aménagement de ce type a été achevé ce printemps. Il s'agit d'une piscine (5 x 11 m + un petit bassin) avec filtration naturelle d'un camping intercommunal axé sur l'intégration paysagère et la protection de l'environnement pour attirer une clientèle sensible à cette approche, comme les clients d'Europe du Nord. « Toutefois, en France, si on parle beaucoup de développement durable, concevoir une piscine avec filtration naturelle ouverte au public reste un parcours du combattant au niveau administratif », fait remarquer Bertrand Mangin. « Il a fallu négocier avec l'Agence régionale de santé qui nous imposait des mesures draconiennes : la création d'un pédiluve, l'interdiction des UV, la limitation du nombre de baigneurs à un instant T (pas plus de trois), une analyse d'eau par semaine, le renouvellement régulier de l'eau, ainsi que diverses modifications au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Techniquement, le procédé est au point, les analyses d'eau des premiers mois de fonctionnement le prouvent, mais l'administration reste très réticente. »
Un développement freiné dans un contexte économique morose
Au niveau du particulier, la notion de développement durable reste également assez marginale. Des prestations comme la récupération des eaux pluviales, les toitures végétalisées, le traitement des eaux usées par lagunage ont encore peu d'échos auprès des clients, d'autant que depuis 2008 la crise est passée par là. Cette notion est, en revanche, largement prise en compte par l'entreprise Boissonnet qui, par exemple, recycle en interne l'ensemble de ses matériaux et déchets verts. Ainsi, les déchets de taille ou de tonte sont transformés en composts qui sont réutilisés sur les chantiers ou mis à la disposition d'un agriculteur. Les matériaux de démolition ou de déblais (le béton, les gravats, le tout-venant) sont triés en vue d'être broyés puis transformés en nouveaux matériaux : mélange béton, sable, concassé...
Si l'entreprise a senti un premier ralentissement à partir de 2008, passant d'un carnet de commandes de huit à dix mois d'avance entre 2004 et 2008, à seulement cinq à six mois, c'est depuis ce début d'année 2014 que les effets de la crise sont plus sensibles avec moins de demandes et peu de devis acceptés. « Si nous avons toujours une majorité de la clientèle qui veut de la qualité, de plus en plus recherche d'abord un prix. Notre entreprise s'est développée autour de la qualité des prestations : celle-ci a un coût (matériaux, main-d'oeuvre, formation du personnel...) que nous sommes obligés de répercuter sur nos devis. Le marché des particuliers reste notre seul créneau : nous nous intéressons peu aux marchés publics, sauf exception. Quand nous répondons aux appels d'offres, nos tarifs sont généralement 30 à 40 % plus élevés que les autres. Cela peut se comprendre pour des chantiers éloignés car nous avons fait le choix, depuis longtemps, de rémunérer tous les temps de déplacement, mais plus difficilement pour des appels d'offres de proximité. La commune de Saint-Nabord (88), par exemple, a lancé, début 2014, un appel d'offres pour l'entretien de ses espaces verts. Nous étions en charge de ces travaux depuis de nombreuses années (par appel d'offres renouvelé tous les trois ans), et nous connaissions parfaitement les coûts. Pourtant, les entreprises qui ont eu le marché se situaient entre 30 et 50 % en dessous de nos propositions. »
Pour Bertrand Mangin, qui s'était installé dans un contexte économique plus favorable, la concurrence se renforce au niveau de l'entretien des jardins et des espaces paysagers, mais « le plus inquiétant est qu'avec la raréfaction des grands chantiers, on aperçoit quelques entreprises du BTP se tourner vers les particuliers (circulations en enrobé...) à des prix relativement bas. »
Claude Thiery
(*) www.lescreateursaquatiques.com
Pour chaque projet de piscine avec filtration naturelle, les plantes choisies ont pour objectif de créer un milieu vivant qui évoluera au fil des saisons en s'adaptant aux variations climatiques. Et malgré les efforts pour prendre en compte la protection de l'environnement et l'intégration paysagère, chaque réalisation, en France, reste un parcours du combattant au niveau administratif.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :