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INSTALLATION « Je n'ai bénéficié que d'une transmission orale du savoir-faire »

FrancK Poly a dû apprendre par lui-même tout l'aspect pratique et organisationnel. Aujourd'hui il présente, entre autres, une collection de 410 taxons de joubarbes (Sempervivum et Jolibarb).

En 2014, Franck Poly met de côté son métier de chercheur pour créer son exploitation horticole à Vienne (38), saisissant l'opportunité de reprendre une importante collection de joubarbes et de sedums.

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Titulaire d'un doctorat en écologie, Franck Poly était pendant douze ans chercheur au CNRS (Centre national de recherche scientifique), à Villeurbanne (69). « La recherche - ma principale motivation - occupait de moins en moins de place dans mes journées, reconnaît-il. La majeure partie concernait des réunions, montages de projets, rédactions de rapports... Cela ne correspondait plus à mes aspirations de départ et l'idée d'une reconversion commençait à germer. Passionné de plantes exotiques et vivaces j'ai, un moment, envisagé d'en produire. Mais la concurrence est forte, tant en France qu'à l'étranger. »

En 2014, alors âgé de 43 ans, Franck Poly apprend que François Gouin, horticulteur à Domme (24), cherche un repreneur pour sa production de plants de Sempervivum et Sedum. « Je le rencontrais en tant que client, chaque année, sur la foire aux plantes de Saint-Priest (69), relate l'ex-chercheur. En 2014, il m'annonce que c'est sa dernière année. Connaissant déjà un peu ce type de plantes, je me suis dit pourquoi ne pas me lancer ? » Après plusieurs mois d'hésitations et de discussions avec le cédant, la décision est prise à la fin de l'été 2014. « Idéalement, il aurait été préférable de travailler quelque temps avec lui, autant en production qu'en commercialisation. Cela n'a pas été possible. Plus de 400 kilomètres séparent Vienne de Domme. Et j'étais encore en activité salariée à l'automne 2014, avec peu de temps disponible pour me former. »

Un statut et une situation encore provisoires

Entre septembre et fin décembre, il a fallu gérer beaucoup de choses. Ne voulant pas faire de trop gros investissements au départ, il décide d'installer la production dans son jardin (plus d'un hectare), mais en très forte déclivité et très difficile d'accès. D'où d'importants travaux de terrassement pour aménager le terrain et créer deux plates-formes de culture.

Franck Poly quitte son emploi fin 2014 pour se consacrer à 100 % à sa nouvelle activité et à son entreprise baptisée Sempervivum & Cie. « Si on veut que cela marche, il faut s'en donner les moyens et y consacrer tout son temps, constate le nouvel horticulteur. Je me suis fixé trois ans pour voir comment cela évolue. Sous statut de fonctionnaire, je bénéficie d'une mise en disponibilité. Je peux envisager de reprendre une activité salariée à temps partiel, si besoin. »

Comment s'est passé le transfert de la Dordogne vers l'Isère ? « J'ai récupéré les plantes en février 2015 : 30 000 godets de 9, soit un semi-remorque. J'ai repris aussi une partie du matériel, des stocks de godets, des caisses, un fourgon aménagé, des équipements pour le stand..., soit quasiment un outil clé en main. Ceci m'a permis de démarrer rapidement les ventes sur les foires. » Au niveau de la production, par contre, c'était un peu la course. Après un an et demi, il y a encore pas mal de retard à rattraper pour être à jour pour la multiplication. « Concernant la culture des plantes, je n'ai bénéficié que d'une transmission orale du savoir-faire de mon prédécesseur. J'ai dû apprendre par moi-même tout l'aspect pratique et organisationnel. Je me rends compte que le choix d'aménager une partie de mon jardin n'était peut-être pas le plus judicieux. Je suis déjà à l'étroit, et le manque d'accessibilité contraint à beaucoup de manutentions. Aussi, je suis à la recherche - à proximité - d'une parcelle plate et facile d'accès pour y transférer une partie de ma production. »

Franc Poly a participé à vingt foires aux plantes cette année. Ces événements représentent le principal moyen de commercialisation, exclusivement au détail. « Ce sont des moments agréables. Les gens les fréquentent pour se faire plaisir. On y rencontre pas mal de passionnés. Pour des raisons géographiques, je n'ai pu conserver que quatre des foires que François Gouin assurait. Je regrette surtout celle de Saint-Priest, à 30 km. Cela m'aurait permis de développer une clientèle locale. Malheureusement, mon prédécesseur a annoncé trop tôt l'arrêt de son activité et un producteur de joubarbes a pris la place. Par contre, ma collection, très pointue, m'a ouvert des portes sur d'autres événements en France comme les journées aux plantes de Chantilly (60). »

Franck Poly a aussi développé son site Internet (www.sempervivum-et-cie.com), et a adhéré depuis peu à l'association Plantes et Cultures. La clientèle de connaisseurs et de novices est séduite par le graphisme, la couleur et la diversité des plantes, ainsi que par la résistance dont elles font preuve. Les véritables collectionneurs ne représentent qu'une faible part des acheteurs.

Lors de son installation, Franck Poly n'a bénéficié d'aucune aide financière. Malgré un très bon accueil, « je n'ai pas reçu beaucoup d'aide concrète de la part de la chambre d'agriculture : les techniciens que j'ai rencontrés étaient peu à l'aise avec le type de culture que j'envisageais. J'ai surtout démarché moi-même. Et plusieurs aides m'ont été refusées à cause de mon statut de cotisant solidaire à la Mutualité sociale agricole et parce que je n'ai pas pu justifier d'une demi-SMI. Heureusement, mon prédécesseur m'a accordé un crédit pour l'achat du stock. »

Après ces deux premières années, si du point de vue financier il est encore trop tôt pour faire le point, au niveau qualité de vie, Franck Poly ne regrette rien : « Avant, j'étais souvent frustré de ne pas pouvoir faire tout ce que j'avais prévu. Depuis mon installation, le travail en extérieur, le fait de vendre ma propre production, les rencontres avec les clients me procurent beaucoup de satisfaction et un sentiment de liberté. »

Claude Thiery

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