Collectivités territoriales : la santé des jardiniers passée au crible
Depuis 2010, l'Observatoire social territorial de la MNT (Mutuelle nationale des territoriaux) réalise une série de monographies sur la santé des agents au travail. Il a publié une enquête qui s'intéresse aux jardiniers, des professionnels qui ont vécu une profonde mutation de leur métier ces dernières années.
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Les jardiniers représentent environ 3 % des effectifs territoriaux, soit près de 50 000 agents, exerçant principalement au sein des communes et des structures intercommunales, et dans les services techniques des conseils généraux ou des établissements publics gérant des espaces extérieurs. L'Observatoire social territorial a choisi de s'intéresser à cette profession car elle a constitué une part importante des arrêts de travail de plus de 90 jours ces dernières années. Dans l'étude qui a été menée en 2012 (les élagueurs grimpeurs n'ont pas été pris en compte), les principaux types de risques ont été mis en lumière ainsi que la profonde mutation du métier survenue avec le développement d'une gestion des espaces verts et naturels plus respectueuse de l'environnement et la rationalisation des dépenses liée à une stagnation des budgets pour des surfaces en constante augmentation.
Le premier groupe de risques identifiés concerne :
- l'utilisation de matériels coupants occasionnant des blessures plus ou moins graves ;
- l'exécution de travaux sur la voie publique et l'organisation de chantiers mobiles qui rendent complexe la mise en place de la signalisation de protection ;
- les accidents de la circulation, les agents devant se déplacer régulièrement avec leur matériel ;
- la conduite d'engins de chantiers et de nacelles, nécessitant des qualifications spécifiques (CACES) ;
- le travail en hauteur ou à proximité d'un vide pour la taille des haies, par exemple, mais aussi pour l'entretien de jardinières ou de plantations installées sur des talus. S'y ajoutent des risques plus insidieux dont les effets sont différés et ne seront identifiés qu'après plusieurs années :
- l'exposition au bruit (pertes d'audition irrémédiables) ;
- l'utilisation de matériels vibrants (atteintes vasculaires, neurologiques ou musculo-squelettiques) ;
- les risques chimiques (toxiques et potentiellement cancérigènes liés à la manipulation de produits phyto, non seulement en cas de surdosage, mais probablement aussi à la suite d'une exposition régulière à faible dose) ;
- les risques infectieux (en cas de contact soit avec des objets souillés, soit avec des animaux morts) ;
- les allergies (respiratoires liées à des pollens ou encore par contact, par exemple avec des plantes à latex) ;
- et enfin l'exposition aux contraintes climatiques.
La troisième grande catégorie de risques identifiés dans l'enquête regroupe, d'un côté, les TMS (troubles musculo-squelettiques) et les problèmes de postures, de l'autre, les précarités sociales ou psychologiques. Tous le reconnaissent, les professionnels de la santé et de la prévention comme les agents : il s'agit d'un métier qui « casse », avec principalement des maux de dos. Concernant les risques psychosociaux, les jardiniers ne sont pas à l'abri, même si, pour la grande majorité, ils ont choisi cette profession et l'exercent avec passion. Les principaux soucis sont liés aux agressions, le plus souvent verbales, exercées par des citoyens mécontents, ainsi qu'aux actes de vandalisme. Selon les responsables des services d'espaces verts, les addictions à l'alcool ont fortement diminué et touchent nettement moins les nouvelles générations, de même que les difficultés liées à l'illettrisme, car le recrutement s'oriente de plus en plus vers des personnels qualifiés.
Une nouvelle culture professionnelle
Ces dernières années, l'élément jugé le plus déstabilisant sur le plan psychologique a, sans conteste, été l'évolution du métier, avec la mise en oeuvre des démarches de gestion différenciée et la réduction de l'usage des traitements « chimiques » au profit de techniques alternatives plus respectueuses de l'environnement et de la santé. Ces changements de pratiques sont parfois mal vécus par ces professionnels qui ont l'impression que leur savoir-faire horticole n'est plus valorisé et qu'ils perdent leurs repères. En outre, certains soulignent une charge de travail qui ne cesse d'augmenter, avec des tâches pénibles, comme le désherbage manuel. Cependant, lorsque les évolutions ont fait l'objet d'actions de sensibilisation et de concertation, elles sont bien comprises et acceptées, notamment par les plus jeunes générations qui ont suivi des formations initiales. La tendance vise à redonner davantage de sens à leurs actions et à mettre en avant l'initiative personnelle. Les jardiniers ont un rôle plus large, en faveur du fleurissement et de l'embellissement des communes mais aussi pour la préservation de la nature et de la biodiversité.
Le tournant de la prévention et de la sécurité au travail a été pris dans les collectivités au début des années 80 avec les lois de décentralisation et l'instauration du Document unique en 2001 et la création des postes d'agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité (ACMO), devenus assistants ou conseillers de prévention. Mais les avancées sont variables selon les collectivités. Le Document unique est souvent perçu comme un outil trop complexe et lourd à mettre à jour, en particulier dans les petites communes. Pour avancer plus efficacement, certaines font le choix de fixer chaque année un nombre restreint de problématiques à traiter et de s'y tenir.
Dans l'étude de la MNT, quatre pistes d'actions ressortent :
- approfondir la culture de la sécurité et de la prévention avec la nécessité de mutualiser le travail pour les communes de moins de 5 000 habitants, de développer une norme sur le bruit et les vibrations pour le matériel, d'intégrer la sécurité dès la conception des projets ;
- réduire la pénibilité de certaines tâches avec une mécanisation du transport des charges ou l'emploi de matériels plus légers, moins bruyants et moins polluants ;
- faire évoluer la gestion des ressources humaines en valorisant mieux la visite médicale d'aptitude comme moyen de prévention, en pratiquant une gestion prévisionnelle des effectifs, en améliorant la formation des agents sur la prévention des TMS et celle des chefs d'équipes aux risques psychosociaux ;
- recruter des médecins du travail, car nombre de postes sont aujourd'hui toujours vacants.
Yaël Haddad
Le retour du désherbage à la binette n'est pas sans conséquence sur la pénibilité du travail des jardiniers. PHOTO : SEVE ROUBAIX
Les risques de coupures avec des matériels ou des outils tranchants sont nombreux dans le domaine des espaces verts. PHOTO : YAËL HADDAD
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