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Le Festival des jardins de la Saline royale associe pédagogie et territoire local

Ci-dessus, le chantier du projet intitulé « À table », d'Amélie Braibant et Gaëlle Serra. PHOTO : YAËL HADDAD

Depuis 2001, la Saline royale d'Arc-et-Senans (25) organise une manifestation qui donne naissance à des jardins éphémères du mois de juin à celui d'octobre. Son originalité tient à sa volonté affichée d'en faire un lieu de développement d'actions pédagogiques et de partenariats à l'échelon de la Bourgogne-Franche-Comté et de la Suisse. Plongée au coeur de la dernière édition...

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Chaque année, plus d'une vingtaine d'établissements d'enseignement de la région Bourgogne-Franche-Comté participent à l'aventure du Festival des jardins de la Saline royale d'Arc-et-Senans, que ce soit pour la conception, la réalisation ou l'entretien. En 2016, près de 619 apprenants, depuis le CAP jusqu'aux écoles supérieures de paysage, ainsi que des personnes en situation de handicap et des élèves issus du secteur de la ferronnerie, de la céramique ou du bois accompagnés par 78 enseignants, ont oeuvré de concert pour mettre en scène une douzaine de jardins. Une expérience enrichissante pour tous car fondée sur l'échange et la mise en situation pratique. « Dès son origine, le Festival a eu pour ambition principale de créer une dynamique de partage des connaissances et des savoir-faire autour du jardin, impliquant des établissements de formation régionaux et plus récemment les écoles supérieures de paysage, des artistes et des partenaires locaux, des entreprises, les CAUE... Cet événement constitue un vaste terrain d'expérimentation et d'apprentissage pour les élèves, les enseignants et l'équipe de la Saline qui accueille de nombreux stagiaires en apprentissage ou dans le cadre d'un service civique », explique Denis Duquet, chef jardinier et responsable du Festival.

Dynamique d'échanges au fil des mois

« Tout au long de l'année, nous travaillons à la fois sur la manifestation en cours et sur celle de l'année suivante, ce qui nécessite un important travail d'organisation et de logistique. Ainsi, dès le mois de juin, qui correspond à l'ouverture au public, nous lançons l'appel à projets pour l'année d'après. Début juillet, nous réunissons les enseignants des établissements habituellement partenaires pour réfléchir au planning d'intervention des apprenants à la rentrée scolaire suivante », précise Audrey Cognet, assistante administrative et technique du Festival. Durant l'été, les équipes de conception candidates s'inscrivent et doivent finaliser leur projet en lien avec le thème retenu et en respectant le cahier des charges, avant fin octobre pour les écoles supérieures nationales ou début décembre pour les établissements régionaux. Le cahier des charges rappelle notamment les règles de gestion de la Saline : zéro phyto, refuge LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) et pour les chauves-souris, contraintes de fréquentation, aspects réglementaires... Le site étant classé au titre des Monuments historiques, certaines précautions s'imposent avec, par exemple, l'obligation de respecter les vues sur les bâtiments existants. Il faut tenir compte de la fréquentation (environ 80 000 visiteurs), avec des publics variés, en particulier des enfants et des personnes à mobilité réduite. Concernant la palette végétale, il est demandé de privilégier des plantes à croissance rapide du fait du caractère éphémère de la manifestation et du contexte climatique continental (hivers rigoureux, étés chauds et secs). Ce document présente également les matériels ainsi que les structures, oeuvres d'arts et végétaux ligneux conservés d'une année sur l'autre et disponibles. La Saline possède une jauge et une serre de 40 m2 qui permet de conserver les plantes gélives.

Un partage des compétences

Fin novembre début décembre, le jury délibère pour sélectionner les projets. Dès début janvier, la planification précise des interventions est définie avec les équipes pédagogiques pour la phase concernant les chantiers. Les lauréats du concours de conception proviennent de formation BTS « aménagements paysagers » ou des écoles supérieures du paysage. L'implication de ces dernières date de 2016, avec une quinzaine de dossiers en provenance de Gembloux (Belgique), de l'École nationale supérieure de la nature et du paysage (ENSNP) de Blois - 41 (ENP intégrée à l'INSA-CVL Institut national des sciences appliquées Centre - Val de Loire) et de l'École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Bordeaux - 33 (ENSAP) pour cinq projets sélectionnés au final. Pour l'édition 2017, quatre projets ont été retenus sur une dizaine de dossiers reçus : deux provenant de Blois, un de l'Hepia, à Genève, et un de l'Itiape (Lille - 59). En avril mai, les concepteurs interviennent sur le terrain en tant que chefs d'équipe pour coordonner le travail des étudiants des centres de formation impliqués dans la réalisation des travaux et issus de cursus variés : CAP, bac pro, bac techno, instituts médico-éducatifs, dans les secteurs du paysage et de l'horticulture, mais aussi des arts appliqués (design, céramique) ou de l'artisanat (vannerie, bois, ferronnerie, carrosserie...). Un encadrement est assuré par des enseignants et l'équipe de la Saline. Celle-ci, composée de trois permanents et d'apprentis, est à pied d'oeuvre dès le mois de mars et jusqu'en mai. Elle prend en charge le démontage des anciens jardins, les travaux de modelage des terrains, ainsi que les plantations des ligneux (réalisées à l'automne). Pour les enseignants, la participation à ce rendez-vous constitue une formidable occasion de mettre les apprenants en situation réelle et de leur donner l'occasion de côtoyer des profils différents du leur. Stanislas Bah Chuzeville, concepteur paysagiste et enseignant en BTS « aménagements paysagers » au lycée Olivier de Serres-Quetigny, à Plombières-lès-Dijon (21), témoigne : « Je fais travailler les élèves de première année, de septembre à décembre, à raison de deux heures par semaine, puis une fois par mois de janvier à avril en ayant recours aux travaux pratiques, et une semaine en mai sur site. Ils ont ainsi une occasion unique de réaliser un projet de A à Z. Il s'agit d'une approche concrète très motivante. Ils réalisent des plans, une note d'intention, une planche projet, des esquisses, choisissent des matériaux et une palette végétale adaptée à des contraintes spécifiques... Ils apprennent à communiquer sur leurs projets et à encadrer des personnes. Cette année, pour les mobiliers et structures de notre jardin, nous avons fait appel à l'académie des arts appliqués de Quetigny (21) et à des élèves en formation de ferronnerie et de carrosserie. » Au sein de l'établissement, l'enseignant collabore avec ses collègues en charge de l'histoire des jardins et des végétaux.

Un pied dans le monde professionnel

Aux dires de tous, la participation à cet événement constitue un atout pour appréhender les réalités du monde professionnel, acquérir et partager des expériences. Jean-Gaston Fournier est l'adjoint de Denis Duquet depuis deux ans. Depuis son premier stage à la Saline, il n'a pas quitté les lieux. « Durant mon bac pro "gestion des milieux naturels et de la faune (GMNF)" j'ai fait un stage de seize semaines au cours duquel j'ai participé à la réalisation d'un jardin, à l'entretien et à la phase démontage. J'ai enchaîné avec un BTS "aménagements paysagers" en apprentissage au CFA Lucien-Quelet, à Valdoie (90), ce qui m'a permis de continuer à travailler sur le Festival, mais aussi sur l'entretien de tous les espaces végétalisés de la Saline. Dans la foulée, il y a eu une création de poste d'adjoint pour la partie opérationnelle de la manifestation. Mon profil "terrain" a plu. Il est un atout pour mettre en confiance les stagiaires et partager connaissances et savoir-faire. La rencontre avec des concepteurs m'a permis de mieux comprendre leur métier. »

Pour Victorine Lalire, diplômée de l'ENSNP, à Blois, le passage à la Saline a constitué une bonne expérience pour allier conception et terrain et valoriser cet atout sur le plan professionnel : « J'ai effectué un premier stage de trois mois durant ma dernière année d'études, puis un service civique de six mois. J'ai travaillé sur deux projets de jardin pour l'édition 2016, "Du monde d'Orbæ aux îles Indigo", inspiré de l'oeuvre de François Place, avec Guillaune Aimon et Bruno Régnier et les élèves du lycée du Fayl-Billot (52), puis sur "Entre deux rives" avec Jacques Ferrandez (auteur). Le terrain a été très formateur car à l'école il y a peu de pratique et, par exemple, je n'avais jamais fait de terrassement, ni géré un planning de chantier. Cela a constitué unplus lorsque j'ai recherché un poste en agence. J'ai apprécié aussi les échanges avec des élèves de différents niveaux et de plusieurs horizons, en particulier avec ceux du lycée du Bois, à Mouchard (39), et du lycée de la céramique, à Longchamp (21). » Après la fin de son service civique, Victorine Lalire a été embauchée à l'agence Territoires, à Besançon (25), pour mener des projets de conception et assurer le suivi des chantiers.

Amélie Braibant et Gaëlle Serra, étudiantes en troisième année « jardins et paysage » à la Haute école Charlemagne, à Gembloux, ont réalisé en 2016 le jardin « À table » inspiré de la bande dessinée À boire et à manger, de Guillaume Long. Un choix qui leur a permis de créer un espace ludique et gourmand et de travailler en collaboration avec des apprenants de bac STAV (sciences et technologie de l'agronomie et du vivant) du lycée Saint-Joseph, à Fontenelles (25), et de CAP ferronnerie du lycée Ferdinand-Fillod, à Saint-Amour (39), pour la réalisation des assiettes, couverts et ustensiles de cuisine géants. « Ce que je retiens, c'est l'enrichissement mutuel lié aux échanges interdisciplinaires et intergénérationnels. Par ailleurs, l'équipe de la Saline n'a pas hésité à nous accorder sa confiance et à nous considérer comme des professionnels. Le travail d'encadrement des élèves du lycée Saint-Joseph a également constitué une étape positive qui nous a permis de nous aguerrir dans le cadre d'une situation réelle », explique Amélie Braibant.

Juliette Guénard et Albane Poirier-Clerc sont les conceptrices du jardin « Corto au large », inspiré de l'oeuvre d'Hugo Pratt. Tout juste diplômées de l'ENSNP en septembre 2015, elles ont réalisé ce projet alors qu'elles venaient d'intégrer un premier poste de paysagiste-concepteur, en Angleterre pour Albane Poirier-Clerc, et en Suisse pour Juliette Guénard. « Le Festival a été l'occasion de nous initier à d'autres dimensions que celles de l'école ou d'une agence, où nous suivons des directives pré-établies. Nous avons été confrontées à un changement d'échelle radical : spatiale par les dimensions de la parcelle qui tranchent avec les échelles larges et urbaines auxquelles nous sommes habituées ; temporelle ensuite par l'aspect éphémère du jardin, son immédiateté, la nécessité de s'adapter en direct sur un chantier. Il nous a offert la possibilité d'échanger avec d'autres professionnels, d'être à l'écoute et d'être écoutées, de nous plonger dans la réalité du terrain. Cette expérience a permis aussi une introspection sur nos envies face aux différentes facettes du métier. » Une aventure qu'elles tentent de promouvoir auprès de collègues encore étudiants, tant elle leur a apporté sur le plan professionnel et humain avec de belles rencontres, en particulier avec une équipe de la Saline engagée et passionnée. En 2017, elles ont été sélectionnées, avec Hermine de Chavanes, pour participer au Festival international de Chaumont-sur-Loire (41).

Yaël Haddad

Pour en savoir plus : - www.salineroyale.com (liste des établissements partenaires, jury, mécènes et entreprises partenaires). - https://festivaldesjardins.eu (blog du Festival).

Ci-dessus, le même espace une fois finalisé.

PHOTO : YAËL HADDAD

Les élèves du lycée de Fayl-Billot lors de l'aménagement « Du monde d'Orbæ aux îles Indigo ».

PHOTO : YAËL HADDAD

La végétation y a rapidement pris pleinement ses droits (ci-dessus).

PHOTO : YAËL HADDAD

L'artiste ivoirien Tiene Vanly réalise une oeuvre en bois flotté avec des élèves de la MFR de Chargey-lès-Gray (70) pour « Le Monde de Léo ».

PHOTO : LA SALINE ROYALE

La réalisation d'une sculpture destinée à rejoindre le jardin des élèves de BTS « aménagements paysagers » Olivier de Serres-Quetigny, à Plombières-lès-Dijon (21).

PHOTO : S. BAH CHUZEVILLE

Le bateau du jardin « Corto au large » a été installé par les élèves du lycée du Bois, à Mouchard (39). Avant...

PHOTO : YAËL HADDAD

Le bateau du jardin « Corto au large » a été installé par les élèves du lycée du Bois, à Mouchard (39). Après...

PHOTO : YAËL HADDAD

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