La pédagogie passe par les plantes et la coopération
Début 2016, lors d'un conseil de la vie collégienne, des élèves de 4e de l'établissement Georges-Cabanis, à Brive-la-Gaillarde (19), ont demandé plus de verdure et de nature. Thomas Paré, leur professeur de sciences et vie de la terre (SVT), a sauté sur l'occasion et travaillé en collaboration...
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Passionné de botanique et de nature en général, Thomas Paré a proposé à ses élèves de « libérer leurs rêves », de laisser s'exprimer leurs souhaits, leurs envies, en termes de nature. Leurs travaux et leurs réflexions ont abouti à la création d'une sorte de cahier des charges idéal du projet qui a vu le jour : des plantes pour les abeilles, des fleurs à toutes les saisons, susceptibles d'attirer des insectes, des fontaines, des bancs pour s'asseoir... Cette liste a ensuite été confrontée à la réalité et aux fortes contraintes du collège Georges-Cabanis, de Brive-la-Gaillarde, essentiellement liées à la sécurité, à la nécessité d'un passage pour les pompiers, à la présence de terrains de sport au milieu de la cour, à celle de canalisations et à la prégnance du goudron, seul revêtement de la cour de l'établissement.
La meilleure façon de faire apprendre
Pour la mise en forme du projet, le professeur de SVT s'est rapproché du lycée agricole de Voutezac (19), qui accueille des BTS et des CS en « aménagement paysager », et de l'institut médico-éducatif (IME) de Puymaret, à Malemort-sur-Corrèze (19). Une convention de partenariat a été signée, entre le département, propriétaire et responsable du collège, le collège et son chef d'établissement, Marc Bartoli, le conseil de la vie collégienne, représenté par la conseillère principale d'éducation, Agnès Cellier, et le lycée agricole de Voutezac. Les élèves de BTS ont dessiné les plans de l'îlot de nature en coordination avec ceux de 4e pour le choix des plantes. Ils ont sélectionné des plantes mellifères, des végétaux offrant des fleurs tout au long de l'année, des fruits comestibles... Ils ont également fait appel au monde imaginaire en retenant le sureau dont le bois est celui de « la baguette des reliques de la mort » au sein de la série Harry Potter. L'idée maîtresse de Thomas Paré a été d'appliquer quelques principes de permaculture à la création de ces massifs : pour implanter de la vie sur le goudron, il a créé d'immenses jardinières, en bois de récupération (essentiellement des palettes), qui ont été remplies de terre bien fumée et de bottes de paille. Par endroits, le goudron a été ouvert pour que les plus profondes racines trouvent le chemin du sous-sol. À ces jardinières ont été associés des bancs et des espaces destinés au repos et à la détente. Les élèves ont fait des recherches sur la biologie et la physiologie des plantes qu'ils avaient envie de voir dans les massifs, et ont établi un calendrier des floraisons. Pour le professeur, ce projet est un lieu d'observation privilégié : « Par exemple, l'implantation du fenouil, plante aromatique avec des fleurs en ombelle qui attirent les syrphes et autres insectes pollinisateurs, constitue la meilleure manière de faire apprendre aux jeunes la morphologie des plantes et les interactions entre les espèces vivantes. » Pour leur part, les élèves de BTS ont appris à être pédagogues : « Nous avons travaillé sur la vulgarisation de notre vocabulaire pour être compris par les plus jeunes. Communiquer avec eux, c'est spécial. Il faut rester calme, détendu et répéter sans arrêt. » Quant à Emmanuel Coulombs, professeur en « aménagement paysager » au lycée de Voutezac et encadrant les BTS : « Coordonner des collégiens et des BTS de première année et de deuxième année, ce n'est pas facile, mais voir des jeunes de 4e qui ont envie de végétal et s'investissent autant, c'est extra ! »
Sur le terrain, la réalisation du projet a débuté le 17 février dernier : l'îlot nature est une ruche, qui a accueilli une trentaine de travailleurs, de la CPE du collège aux jeunes de l'IME, en passant par des agents d'entretien, les BTS, les jeunes de 4e, le pépiniériste Marc Dosch, venu livrer les plants et expliquer comment planter, pourquoi certains végétaux sont en conteneur et d'autres en racines nues, quel en est l'impact pour la plante et pour la plantation... Durant leurs cours, les élèves de 4e ont dû être particulièrement attentifs à la préparation de ce chantier car le fumier n'a plus de secret pour eux : ils savent dorénavant ce qu'il apporte au sol et aux plantes.
La ville de Brive-la-Gaillarde a fourni la terre, enrichie de fumier, qui a été apportée par les trois jardiniers du département, qui ont en charge l'entretien des espaces verts des collèges et autres structures corréziennes. « Le département apporte son aide logistique et matérielle, explique l'un d'eux. Voir comment le projet a été mis en place a été particulièrement intéressant, car nous en assurerons l'entretien. »
Une fois déchargées du fourgon du pépiniériste, les plantes ont été disposées dans chaque espace selon les plans établis par les élèves et le professeur. Confrontés aux noms latins, les jeunes ont cherché les liens entre les noms français écrits sur les plans et les noms latins présents sur les étiquettes. Ils ont découvert, regardé et se sont activés, pressés d'arriver à la plantation. Pour cette dernière étape, les étudiants de BTS les ont encadrés, leur ont expliqué comment faire, et ont assuré la finition du travail paysager. « C'est un moment de rencontre extraordinaire entre des personnes de milieux très différents, qui travaillent ensemble pour embellir la cour de leur établissement, c'est magique, a confié Thomas Paré. Les jeunes affichent leur satisfaction. Ils sont heureux, c'est le bon côté du métier. »
La mise en oeuvre pratique a été largement facilitée par l'octroi d'une ligne de crédit, de 4 000 euros, attribuée par le chef d'établissement du collège Georges-Cabanis, Marc Bartoli. L'enveloppe n'a pas été entièrement consommée ; cela montre la forte implication des responsables dans ce projet. Il est un exemple de coopération réussie entre des établissements scolaires de l'Éducation nationale et agricole, un IME, et avec le soutien des collectivités, commune et département. Il est également une étape cruciale pour susciter l'intérêt des jeunes pour les plantes, et pour la nature de façon plus large, ainsi que pour la valorisation des métiers du paysage et de l'horticulture.
Cécile Claveirole
    
   Thomas Paré (à gauche), professeur de SVT au collège Georges-Cabanis, à Brive-la-Gaillarde (19), et Marc Dosch, pépiniériste, à La Chapelle-aux-Saints, au sud de la Corrèze.
    
   Les élèves de 4e ont beaucoup appris en matière de plantation de végétaux au contact des étudiants en BTS.
    
   Exemple de coopération, le chantier s'est très bien déroulé.
    
   Les végétaux plantés ont été choisis avec soin en fonction de leurs qualités ornementales, gustatives, environnementales...
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