Des partenariats écoles - entreprises en faveur de l'agriculture urbaine
Rapprocher les établissements de formation des entreprises, et les ouvrir à un public plus large comme les élèves du primaire, des collèges, des lycées, ou encore des groupes de personnes handicapées : telles sont les ambitions affichées par l'établissement public local (EPL) de Lyon-Dardilly-Écully (69) au travers de nouvelles formes d'engagements.
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Réparti sur deux sites - Dardilly pour la formation initiale et Écully pour la formation continue -, l'établissement public local (EPL) dispose d'une situation géographique intéressante aux portes de Lyon, à une dizaine de minutes seulement du centre-ville. En outre, le Centre de formation professionnelle horticole (CFPH) pour adultes (de Lyon-Écully) dispose aujourd'hui d'une nouvelle surface de près de trois hectares mise à disposition par Lyon Métropole. Ce terrain était occupé, il y a encore quelques années, par une pépinière ornementale. L'EPL a pour ambition d'en faire un lieu privilégié de démonstration et de développement de l'agriculture urbaine, ou plus précisément des différentes formes d'agricultures urbaines qui devraient prendre une place de plus en plus importante ces prochaines années si on observe les diverses initiatives qui éclosent un peu partout en France. L'établissement, qui propose des formations en paysage, production horticole et commercialisation, ne pouvait pas passer à côté de ces nouvelles tendances. Ce terrain étant cependant difficilement valorisable pour les seuls besoins des activités de formation, l'idée est venue de le mettre à la disposition d'autres structures et d'établir avec elles des partenariats pour que ces nouvelles activités aient aussi une fonction pédagogique. La ferme de l'Abbé Rozier, exploitation maraîchère qui a démarré ses activités en mars 2015, en est le premier exemple. La création de cette structure d'insertion, qui emploie (autour d'un encadrant) neuf personnes en situation de retour à l'emploi, est issue du partenariat avec l'association lyonnaise Aiden Chantiers. Cette dernière apporte son expérience en matière d'insertion et de suivi des carrières des personnes et assure en même temps la gestion de l'exploitation. La structure bénéficie du foncier mis à disposition par le CFPH - terrain, tunnels et bâtiment d'exploitation -, mais aussi de l'expertise technique des formateurs du CFPH au niveau de l'agronomie, des techniques culturales et de la conduite d'une exploitation en agriculture biologique. Les salariés en insertion ont un contrat de travail (CDD renouvelable) et peuvent intervenir de quelques mois jusqu'à deux ans ; ce qui constitue un pas important dans leur projet professionnel et peut leur servir de tremplin pour aller plus loin. Parmi les premiers salariés qui ont quitté la structure, l'un a créé son entreprise, un deuxième a obtenu un CDI et trois autres ont intégré une formation en maraîchage au sein du CFPH.
Vente directe, économie circulaire et botanique
Pour la commercialisation, la ferme développe différentes formes de vente directe avec la création sur le site d'un marché hebdomadaire qui accueille chaque semaine une douzaine de producteurs agricoles locaux (dans un rayon de 30 à 40 km) et attire une centaine de clients. Depuis septembre 2015, est venu s'ajouter un « drive fermier » sur le site de Dardilly.
Autre initiative : la vente aux restaurateurs. Une équipe de maraîchers assure une livraison hebdomadaire auprès de plusieurs restaurants de l'agglomération (Cour des Loges, Villa Florentine, Valpré...) et leur propose en outre le recyclage de leurs biodéchets. Ceux-ci sont récupérés chaque semaine puis compostés à la ferme en complément des déchets verts. Le compost obtenu est directement réutilisé sur place : une forme d'économie circulaire est en train de naître. Cette relation avec les restaurateurs a aussi permis d'initier un travail de redécouverte des espèces ou variétés de légumes locaux, typiques de la région lyonnaise, grâce à l'aide du Centre de ressources de botanique appliquée (CRBA).
Autour de l'exploitation, plusieurs activités complémentaires se mettent en place progressivement, notamment une activité apicole. Une vingtaine de ruches ont été implantées sur place par la société Api Environnement et, dernièrement, l'entreprise Refarmers, ferme urbaine pilote qui s'appuie sur des techniques de culture hors sol, a rejoint le site de formation. Un système aquaponique vertical de haute densité a été installé dans un tunnel de 320 m². L'aquaponie associe l'élevage de poissons avec la culture de plantes en circuit fermé, utilisant les cycles bactériens naturels pour transformer les déchets des poissons en nutriments pour les plantes. Ce système est équipé de ZipGrow. Il s'agit de tours de culture verticales d'1,5 m de hauteur en PVC, légères et facilement manipulables, remplies d'une mousse appelée Matrix Media dotée d'une forte capacité de filtration. Il produira des salades et des herbes aromatiques, ainsi que des pleurotes sur du marc de café. Refarmers a aussi l'ambition de commercialiser ses colonnes de cultures verticales. L'idée est de développer le modèle (mis en place à Écully) à travers toute l'Europe. Face au manque de surfaces disponibles, l'enjeu est de répondre aux besoins grandissants des citadins pour une agriculture de proximité.
Un regain d'intérêt pour les productions
« L'EPL de Lyon-Dardilly-Écully se positionne également comme accompagnateur de porteurs de projets en fédérant différents partenariats : techniques, économiques et humains, explique Vincent Ripoche, directeur de l'établissement. L'objectif est de créer, à Lyon, un réseau autour de l'agriculture urbaine. La présence d'entreprises comme Refarmers doit permettre aux apprenants de se familiariser avec un domaine spécifique porteur d'avenir. » L'intérêt pédagogique est multiple et va bien au-delà des missions initiales du centre de formation. L'agriculture urbaine - et ses implications au travers de la biodiversité et de la nature en ville - est un thème transversal qui fait le lien entre paysage et production. Elle doit contribuer au rapprochement des deux filières et susciter un regain d'intérêt pour la production, actuellement peu prisée par les jeunes. La conduite d'une activité de maraîchage en conditions réelles, avec tous ses aspects (production, commercialisation, recyclage des déchets, gestion...), sert de support pour les activités pratiques des formations horticoles de l'EPL, particulièrement pour le brevet professionnel Responsable d'exploitation agricole (BP REA) orientation « Productions légumières » et, dans une moindre mesure, pour le bac pro Productions horticoles. Les apprenants participent, aux côtés des salariés, aux divers travaux de la production et à la commercialisation, soit dans le cadre d'horaires bien définis, soit dans le cadre de stages internes (immersion d'une ou plusieurs semaines dans le fonctionnement de l'exploitation). Parallèlement, le lieu s'ouvre davantage à un public plus large et peut susciter des vocations. Le CFPH accueille aujourd'hui des classes du primaire (à partir de trois ans), de collèges et de lycées, ainsi que des groupes de personnes handicapées. « Outre le jardinage, la diversité des activités permet d'aborder de nombreuses thématiques comme l'apiculture, la biodiversité, le recyclage et le compostage... ou encore la notion plus générale d'agriculture urbaine, précise Maxime Delayer, directeur du CFPH. Faire découvrir d'où viennent nos légumes, de nouvelles visions de l'horticulture, des techniques de pointe. Ces actions ont pour premier atout d'être animées par des professionnels. Et une formatrice du CFPH y consacre un tiers de son temps. Au-delà de l'aspect pédagogique direct, l'intérêt réside dans la rencontre et le contact entre ces différents publics : élèves en formation professionnelle, salariés en insertion, scolaires, groupes de personnes en situation de handicap... Tous se côtoient et des ponts s'établissent. Par exemple, des apprentis en formation paysage au CFPH encadrent régulièrement des groupes d'autistes. Outre la découverte du monde du handicap et un réel sentiment de valorisation, certains apprentis, en se transformant en éducateurs, se sont véritablement révélés sur ces actions. »
Des échanges avec la profession
En relation avec la station expérimentale horticole Ratho, quatre tunnels de culture de 450 m² seront installés sur le site. Deux sont déjà en place, un tunnel classique et un tunnel bioclimatique double paroi gonflable. Les deux autres vont l'être prochainement : un tunnel double paroi gonflable et une serre bioclimatique en polycarbonate avec pieds droits. L'objectif est de comparer les avancées apportées par chaque infrastructure en termes de précocité. Sur chaque unité, les mêmes cultures, plannings et modalités seront respectés. La technique et les résultats intéressent directement les stagiaires, mais aussi l'ensemble des professionnels. C'est une occasion, pour le centre de formation, de s'ouvrir encore plus vers les entreprises ou les collectivités. De façon plus large, favoriser les échanges entre ces derniers et les centres de formation est essentiel pour cibler les besoins en compétences des futurs salariés ou collaborateurs d'entreprises.
Cet effort d'ouverture, permettant d'être en phase avec la réalité du travail sur le terrain, est déjà bien réel au sein de l'EPL, à travers les projets décrits précédemment et par une implication active au sein des structures professionnelles. L'établissement est le représentant de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (Draaf) au sein de la plate-forme Echopaysage et, à ce titre, accueille chaque année une journée technique à laquelle les apprenants sont associés (classes de BTS et bac pro sous statut scolaire ou en apprentissage). La journée du 2 février 2016, en partenariat avec Plante & Cité, a réuni une centaine de participants sur le thème de la connaissance de la flore ornementale et sauvage. Par ailleurs, les deux parcs paysagers (4 ha à Dardilly et 10 ha à Écully) ont reçu le label Ecojardin et recèlent quelque 850 taxons végétaux, tous étiquetés et prochainement identifiables par QR codes. Chaque année, de nouvelles espèces sont plantées pour coller aux tendances rencontrées sur le terrain, en pépinières ou en aménagements paysagers. De plus, les publications des listes pour le concours national de reconnaissance des végétaux sont aussi l'occasion d'enrichir la collection pour aider les candidats. Objectif atteint : pour la finale nationale de décembre 2015, Margaux Willems, élève en BTS du LEGTA de Dardilly, a reçu le premier prix dans sa catégorie (Niveau III), ainsi que le prix spécial pour sa connaissance des caractères des végétaux.
Claude Thiery
Disposant de 2,5 hectares à quelques kilomètres du centre-ville de Lyon, l'EPL de Lyon-Dardilly-Écully peut accueillir des structures et entreprises partenaires. PHOTO : CFPH
Deux tunnels sont déjà en place : un classique et un bioclimatique à double paroi gonflable. Deux autres sont prévus. PHOTO : CFPH
Les élèves et les stagiaires ont la possibilité de pratiquer toujours plus d'activités menées autour de la biodiversité - ici à travers l'apiculture -, la botanique... PHOTO : CFPH
Dans le cadre de la vente directe auprès des restaurateurs, les biodéchets sont récupérés et recyclés. C'est l'occasion également de redécouvrir les variétés locales typiques, comme ces cucurbitacées, grâce à un partenariat avec le centre de ressources de botanique appliquée. PHOTO : CFPH
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