Confinement : les enseignants s’adaptent et innovent
Un sondage de notre rédaction auprès d’écoles en horticulture et paysage a recueilli les témoignages d’une trentaine de formateurs sur la façon dont ils ont dû repenser leurs méthodes pédagogiques.
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Quelles adaptations, voire innovations, les enseignants et formateurs en écoles d’horticulture et de paysage ont-ils pu trouver afin d’assurer la continuité pédagogique demandée par le ministère ? Les obstacles techniques rencontrés ont été nombreux. Ils ont été retranscrits dans une information sur le site Internet du Lien horticole*.
À la question « Quelles innovations ou adaptations pédagogiques avez-vous pu trouver pour vous ajuster à ce contexte inédit ? » certains formateurs ont répondu humblement que l’innovation n’a pas toujours été nécessaire ou possible. L’efficacité résidait souvent dans les logiciels ou les plateformes pédagogiques déjà en place, en y associant si besoin les envois d’exercices par e-mails pour chaque élève et des travaux thématiques individualisés. « Pédagogiquement parlant, j’ai fait le choix de donner aux élèves des consignes très simples et claires via l’espace numérique de travail (ENT), mais aussi sur leur messagerie personnelle, bien plus accessible », relate une enseignante.
Malgré un grand nombre de difficultés, beaucoup de formateurs ont réussi à organiser des séances de cours en visioconférence, à créer des petits films ou « tutoriels vidéo », tout en complétant parfois « par l’achat d’un tableau blanc pour les explications devant la caméra ! ».
Pour les rapports de stage à terminer, le suivi personnalisé par téléphone a été nécessaire.
« Principalement, j’ai utilisé MailChimp, une plateforme gratuite qui permet d’éditer des newsletters [NDLR : outil marketing, à la base], à des fins pédagogiques : insertions de vidéos, d’exercices, de ressources et cela a plutôt bien fonctionné », dit une documentaliste de Dunkerque (59).
« J’ai fait participer un groupe à un webinaire de Plante & Cité. Ils ont fait des reportages photo, autour de chez eux, sur des aménagements paysagers qu’ils ont pu détailler, analyser, critiquer. L’amplitude de travail est bien plus grande qu’à la normale car il faut pouvoir s’adapter aux contraintes de chacun… tout en gérant les nôtres ! » raconte un enseignant de Bretagne.
« J’ai utilisé une nouvelle façon de faire des diaporamas avec PowerPoint, mais aussi une tablette graphique et des macros de photos pour remplacer les sorties sur le terrain en écologie », explique une enseignante de Lomme (59).
Travail partagé et interactivité
Pour favoriser l’autonomie et la motivation, des cours ont été réalisés, pour autoformation ou formation personnalisée, avec vidéos et questionnaires, ou alors des initiations-découvertes sans évaluation. Les QCM (questionnaires à choix multiples, via Pronote, Google Forms...) et divers quiz ludiques ont été très utilisés.
Une astuce : des activités numériques interactives ou tutoriels sont facilement réalisables sur www.quiziniere.com/ sur PC, tablette, portable… sans inscription sur un site, sans imprimer. Les sciences participatives et sites collaboratifs ont été évoqués. Le partage et le stockage de documents ressources dans un « Cloud » ont été cités.
Zoom semble avoir la faveur de plusieurs enseignants : « Il permet des cours en direct avec supports apprenants distribués au préalable (diaporama commenté, interactivité à l’écrit et à l’oral), des entraînements pour les oraux (E6) en petits groupes. J’ai aussi fait des entretiens et du tutorat de suivi de rapports sur supports numériques », confie un enseignant d’Angers (49).
« J’ai utilisé la plateforme Moodle pour mettre les cours en ligne, avec différentes applications pour créer des exercices et tests sortant de l’ordinaire, mais elle est plus ou moins adaptée pour certains cours », témoignent plusieurs formateurs.
Un enseignant en STE (mécanique), en Bretagne, illustrait la modification obligée de ses cours : « Je suis allé collecter beaucoup de schémas et de vidéos sur le Net. Au lieu de suivre un mode classique, j’ai demandé aux élèves de bâtir ce cours en les questionnant et en reformulant leurs recherches par des phrases très courtes afin d’éviter le copier-coller. S’en suivait une correction du travail puis la mise à disposition du cours. À la place du classique contrôle, ils pouvaient s’autoévaluer à l’aide de jeux (mots croisés, cachés..)… les réponses étant données la semaine suivante. »
Vidéos : de précieuses alliées
« J’ai appris à réaliser des vidéos de cours et corrections d’exercices que j’ai diffusées sur YouTube. Les cours en visioconférence ne fonctionnaient pas : trop de problèmes techniques et car il était illusoire d’espérer avoir ma classe au complet », confie un professeur de mathématiques.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, des vidéos « ont permis aux élèves de suivre leurs productions pédagogiques florales et maraîchères. Mais ils ont surtout participé à la mise en place d’un drive pour la vente : réalisation de fiches conseils sur les plantes, d’un livret de recettes de cuisine avec les plants maraîchers issus de l’exploitation, reconnaissance à partir de photos, préparation à la vente pédagogique prévue pour mai avec utilisation de la caisse enregistreuse... »
Dans le Nord : « Nous avons demandé à un étudiant, fils d’horticulteur, de réaliser des petits films présentant l’exploitation. Ses camarades de première année ont ainsi pu travailler sur ce support. Ils se sont fédérés en petits groupes, sur des plateformes de partage en ligne. » Dans le même département : « Je profite de ma dualité d’enseignant et de technicien de l’exploitation. Les cultures et certains projets – débutés avant le confinement – poursuivent leur croissance et ont besoin qu’on s’en occupe. Je continue donc de venir à l’exploitation. J’en profite pour animer certains de mes cours en visio directement dans les serres. Outre le fait d’être dans un décor plus stimulant, cela me permet de faire entrer des classes entières dans des parties où, en temps ordinaire, j’aurais eu du mal à contenir tout un groupe et me faire entendre de tous… C’est presque une formule à retenir pour la suite ! »
Relationnel à distance : de la frustration
C’est surtout sur le plan relationnel que les enseignants ont dû jongler : « Je me suis informé, en contactant chaque élève sur son téléphone personnel, de l’état de la connexion au sein du foyer et des solutions que nous pouvions mettre en place pendant cette période (échange hebdomadaire par téléphone, e-mail, SMS...) tout en les rassurant autant que possible, ainsi que leur famille », assure un autre enseignant breton.
« La proximité avec les élèves est indispensable afin de maintenir le lien et de les motiver, assure une enseignante grenobloise, qui précise : ils apprécient qu’on les appelle individuellement, car eux n’osent pas. Cela leur donne un regain d’énergie. C’est très chronophage, mais on obtient des résultats satisfaisants en termes d’“ancrochage” scolaire. Les informations perçues permettent d’évaluer la situation d’apprentissage de l’élève à la maison, si les conditions sont favorables à l’ancrage et à la persévérance scolaires, afin de trouver des solutions et ne pas le pénaliser. »
Pour certains, les visioconférences ont surtout servi à garder le lien social et à rassurer plus qu’à faire vraiment cours. Une minorité restait aux abonnés absents. Le travail sur le développement personnel a pu maintenir la motivation des apprentis. Difficultés, solutions et adaptations sont autant de facteurs qui vont (re)donner davantage de valeur aux cours en présentiel, certains mentionnant même « une vraie frustration de part et d’autre en l’absence d’interactions sociales », et parfois « une grande solitude ». Le métier d’enseignant ne peut se défaire de la relation réelle en présence avec l’apprenant, d’autant plus pour suivre les élèves dits à « troubles dys ».
Parfois la solidarité entre collègues a été bienvenue, notamment pour s’initier à une plateforme numérique, par exemple des « enseignants relais » pour bien utiliser Teams.
Vers un renouvellement pédagogique
La mise en confinement soudaine des enseignants et des élèves a demandé une adaptation des pratiques aux modalités choisies ou imposées, adaptation très exigeante pour tous : il a fallu un temps pour trouver le bon rythme et le niveau d’exigence. La suite du déconfinement va imposer une réadaptation ultérieure des ressources d’enseignement, voire un « renouvellement pédagogique » des apprentissages et des pratiques.
Ainsi, « certains cours et/ou évaluations continueront désormais à être faits à distance, à raison d’un jour par quinzaine. Il est parfois vraiment inutile de faire déplacer tout le monde. Ce travail à distance a des avantages économiques pour les apprenants, ainsi qu’écologiques pour notre planète. C’est une bonne manière d’apprendre à gérer l’autonomie et les priorités de chacun », conclut un enseignant de Bretagne.
Odile Maillard*« Formation en télétravail : un apprentissage à optimiser ! », avec les difficultés rencontrées par les témoins de l’enquête, à retrouver sur www.lien horticole.fr
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